SYNOPSIS: Elle est la plus rousse, la plus myope, la plus sentimentale, la plus menteuse, la plus vraie, la plus déroutante, la plus obstinée, la plus inquiétante des héroïnes. La dame dans l’auto n’a jamais vu la mer, elle fuit la police et se répète sans cesse qu’elle n’est pas folle… Pourtant…
Engageant sa carrière dans des cases de BD tel que Les Potamoks ou Sardines de L’espace, Joann Sfar fait partie comme Riad Sattouf de ces dessinateurs ayant su opérer une transition gracieuse entre le 9ème et le 7ème art. Quand il aborde la vie de Serge Gainsbourg sous la forme d’un conte ou dépeint avec ironie et légèreté (version papier comme animé) le portrait d’un chat qui voulait fêter sa bar-mitzva, il anéantit instantanément les doutes suscités sur sa capacité en tant que metteur en scène. De retour avec La Dame Dans l’Auto avec des Lunettes Et un Fusil adapté du roman de Sébastien Japrisot, ce thriller qu’on aura vite fait de prendre pour rien de plus qu’un (beau) film de chef-opérateur cherche aussi à faire les yeux doux aux grands maîtres du genre de façon plutôt maligne. Dany prend la route à bord de la voiture de son patron, « empruntée » sans prévenir pour découvrir la mer. Sur le chemin, les commerçants et hôteliers croisés agissent comme s’ils connaissaient la jeune femme. Bien qu’on ait l’impression de se retrouver devant l’un des meilleurs début d’épisodes de La Quatrième Dimension, le pitch initial nous amène d’abord à un traitement hitchcockien en diable par la convocation des sentiments de culpabilités de son héroïne, une atmosphère sous constante tension et la possibilité d’une fascinante dissociation d’identité. Mais il puise surtout la technique dans son équivalent moderne, à savoir Brian de Palma.
Par l’iconisation et le fétichisme extrême de la jolie Freya Mavor, le sens esthétique de la composition et le grand crescendo d’une trame mystérieuse, Sfar utilise les armes qui ont fait leurs preuves et parvient sans peine à faire tenir son spectateur en haleine via une intense expérience psychologique tel que Steven Spielberg l’avait filmé dans Duel. Comme dans le road-movie du jeune prodige, la route est source d’angoisse identitaire. Point de passage entre 2 lieux où le surgissement du surnaturel y est propice, on s’interroge sur son parcours quand on se fait prendre en chasse par un mal inconnu exclusivement visible par la victime. Danger réel ou lutte fantasmée pour exorciser ses démons ? Les deux à la fois ? La réponse sera livrée emballée dans un dénouement qui en décevra plus d’un, principale faiblesse d’un film qui avait presque tout pour plaire. Chargé d’invraisemblances et de facilités, le plus fainéant des twists réduit à néant les vastes champs de possibilités d’une révélation qu’on s’était risqué à imaginer, en laissant amèrement un goût final de gâchis scénaristique. Verdict : assortie de sa B.O aux petits oignons, La Dame Dans l’Auto est belle, tortueuse et hypnotisante bien qu’elle s’en serait mieux tirée amputée de son climax lourdement terre-à-terre. Joann Sfar reste, malgré ce dernier polar en demi-teinte, un cinéaste à suivre dont le job traduit un goût prononcé pour la picturalité et la stylisation, qui ne perd jamais ses repères et ne s’interdit aucun détour narratif, quitte à dérouter pour mieux se faire admirer.
Titre Original: LA DAME DANS L’AUTO AVEC DES LUNETTES ET UN FUSIL
Réalisé par: Joann Sfar
Casting: Freya Mavor, Benjamin Biolay, Elio Germano,
Stacy Martin, Sandrine Laroche, Thierry Hancisse …
Genre: Thriller
Sortie le: 05 août 2015
Distribué par: Wild Bunch Distribution
Catégories :Critiques Cinéma