Critiques Cinéma

THE DUKE OF BURGUNDY (Critique)

4,5 STARS TOP NIVEAU

THE DUKE AFFIHCE

SYNOPSIS: Une lépidoptériste (spécialiste des papillons) austère entretient une relation sadomasochiste avec sa femme de ménage, jeune et soumise à tous ses désirs.

Après avoir papillonné dans plusieurs festivals (TIFF, London Film Festival, International Film Festival Rotterdam, PIFF …) où il a reçu des critiques plus qu’élogieuses, The Duke of Burgundy, troisième mouture du britannique Peter Strickland (après Katalin Varga et Berberian Sound Studio), débarque aujourd’hui en compétition officielle aux Hallucinations Collectives de Lyon avant sa sortie nationale prévue en juin prochain. Que vaut-il ? Récemment, on a eu 50 nuances de Grey, adaptation ciné d’un phénomène littéraire mondial, conçu au départ comme une fan-fiction érotique de Twilight. Le résultat fut celui que l’on connaît : une tentative remarquablement fade, inconséquente et désincarnée d’explorer le sadomasochisme sur grand écran. Mal joué (couple sans alchimie, manque flagrant d’expressions faciales et verbales), dénué de profondeur, de mystère, de parfum érotique, de tension sexuelle ou même de mise en scène (quasi inexistante), dialogues et situations embarrassantes, existence motivée uniquement par une volonté d’amasser des dollars, 50 nuances de Grey se positionna comme un authentique fiasco artistique. Sur un thème de fond sensiblement similaire, The Duke of Burgundy (« Le Duc de Bourgogne », référence au nom d’une espèce rare de papillon, très aimée par l’un des personnages) se présente comme son antithèse. Le récit est celui d’une histoire d’amour entre deux femmes – Cynthia, une lépidoptériste riche et austère et Evelyn, sa femme de ménage nouvellement embauchée – fondée sur une relation sadomasochiste où les rapports dominant/dominé sont perpétuellement questionnés avec une finesse et une intelligence d’écriture remarquables. D’une passion malsaine, animée au départ par un paradoxe Sadien (qui domine l’autre ?), nait un amour véritable, sans cesse dérangé, bousculé par les deux partis. Manipulation, faux-semblants, trahisons sont initialement des termes de rigueur, progressivement remplacés par un sentiment d’empathie à l’égard de cette union sacrée. Les désirs capricieux de tester la tolérance/résistance de l’Autre (l’amant) à la douleur, l’humiliation sont réprimés, au gré d’une aventure sentimentale plus réaliste.

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Peter Strickland ne cache pas avoir trouvé inspiration dans les films de Bergman (Persona), Lynch (Mulholland Drive), Bunuel (Belle de jour), Losey (The Servant), Fassbinder, Borowczyk, mais aussi chez Jess Franco, figure incontournable du cinéma érotique des 70’s (ce n’est pas un hasard si Monica Swinn est créditée au générique du Duke of Burgundy) et cela se ressent à la fois dans le traitement du sujet et des personnages (le côté sulfureux, presque pervers de certaines scènes, le choix des actrices principales), mais aussi dans l’esthétique et le ton employé (le cadre géographique est celui d’une grande maison au milieu d’une forêt de mousse évoquant l’Europe de l’Est). Cette influence européenne est un atout indéniable, conférant au long-métrage non pas un effet patchwork dérisoire de références mais plutôt une ambiance singulière, sombre et sensuelle, qui convoque les sens avec une grâce inouïe. Le spectateur se retrouve ainsi happé par des images fascinantes (des inserts de lépidoptères combinés à la beauté des scènes de rapports) qui font communion avec des sons étranges (les stridulations des papillons) tout au long du métrage, avec au passage un extraordinaire travail de Strickland opéré sur le son (déjà le cas sur Berberian Sound Studio, film immersif qui tenait les bruitages de cinéma comme éléments centraux de l’histoire). La BO, signée Cat’s Eyes et articulée autour d’une folk-pop quasi spectrale (enveloppante), participe aussi grandement à enivrer l’audience. Parallèlement, applaudissons le casting : le pouvoir des femmes est brillamment incarné par des comédiennes investies, au charme vénéneux, entre la belle Chiara D’Anna et la plantureuse Sidse Babett Knudsen. Leur relation apparaît constamment en mouvement, les interprètes se permettant même quelques touches d’humour bienvenu. Avec The Duke of Burgundy, Peter Strickland réussit là où De Palma a (semi)échoué dernièrement (Passion), proposant une expérience de cinéma sensorielle étourdissante et surprenante, axée autour d’une relation lesbo-SM touchante.

THE DUKE AFFIHCE

Titre Original: THE DUKE OF BURGUNDY

Réalisé par: Peter Strickland

Casting: Sidse Babett Knudsen, Monica Swinn, Eugenia Caruso,

Katia Bartsch…

Genre: Drame

Sortie le: 17 Juin 2015

Distribué par: The Jokers/Le Pacte

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