Critiques Cinéma

BOYHOOD (Critique)

5 STARS CHEF D'OEUVRE

boyhood affiche

SYNOPSIS: Chaque année, durant 12 ans, le réalisateur Richard Linklater a réuni les mêmes comédiens pour un film unique sur la famille et le temps qui passe. On y suit le jeune Mason de l’âge de six ans jusqu’ à sa majorité, vivant avec sa sœur et sa mère, séparée de son père. Les déménagements, les amis, les rentrées des classes, les premiers émois, les petits riens et les grandes décisions qui rythment sa jeunesse et le préparent à devenir adulte…

Richard Linklater est un cinéaste naturaliste par bien des aspects. A creuser des veines réalistes, à vouloir être au plus près d’un quotidien volatile et difficile à capter, il parvient à saisir l’essence même de la vie, ses petits et grands moments, sans jamais s’appesantir sur une dramaturgie excessive ou artificielle. Expérience de cinéma fascinante, sans jamais être boursouflée par un ego démesuré, Boyhood est un film qui se savoure, qui se déguste et qu’on laisse infuser dans nos cœurs comme un concentré de bonheurs. Et pourtant ce projet totalement fou sur le papier n’était pas gagné d’avance. Suivre un jeune garçon durant toute son adolescence soit de ses six ans à ses dix-huit ans afin d’en extraire la sève et créer ainsi un patchwork qui une fois rassemblé, formerait le portrait d’une jeunesse ni idéale ni misérable, mais tout simplement ordinaire. Il aura fallu douze ans de tournage au réalisateur pour réussir ce prodige avec la complicité de comédiens qui lui auront offert leur totale confiance. Et il en faut dans une époque où la dictature de l’image est omniprésente surtout pour des acteurs soumis au regard inquisiteur d’un public qui ne pardonne pas une ride mal dissimulée ou une calvitie naissante. En douze ans forcément, si les enfants ont grandis, les adultes eux ont vieillis et le courage et l’intégrité des magnifiques Patricia Arquette et Ethan Hawke n’en sont que plus bouleversants au moment de découvrir le film. Ils interprètent des parents imparfaits mais dont l’amour pour leurs enfants ne sera jamais pris en défaut. Malgré les aléas de la vie, les difficultés inhérentes aux familles recomposées, ces deux personnages sont des êtres humains au sens le plus noble du terme, pétris de qualités et bourrés de défauts mais incroyablement normaux. La normalité c’est un peu le credo de Richard Linklater et même si son film transpire cet état de fait, il n’en est pas moins extraordinaire tant sa conception pouvait sembler casse gueule.

La gageure de filmer un garçon dès sa plus tendre enfance en passant par sa puberté et jusqu’à ce qu’il devienne un jeune adulte prêt à s’envoler à sont tour dans l’existence et à s’affranchir du cocon familial, voilà un pari osé et relevé avec une intelligence et une subtilité impressionnantes. Richard Linklater dont l’éclectisme est l’une des marques de fabrique (la trilogie des Before, Fast food Nation, A scanner darkly…) est parti d’un script à la trame pré-établie qu’il a adapté au fil des années pour être en phase avec ses interprètes et pour coller aux évolutions de la vie. Le génie du film est d’avoir une unité formelle qui surprend sur la longueur, une véritable cohérence artistique, et ce sans jamais s’en départir. Filmant ses personnages au plus près, les suivant au gré de leur évolution, se servant d’éléments de pop culture comme points de repères temporel (la frénésie à la sortie d’un volume de Harry Potter) ou de faits historiques (l’élection de Barack Obama), Linklater a respecté la cohésion de son projet de bout en bout ce qui inspire le respect.

boyhood 3 Film témoin du temps qui passe, imprégné d’une humanité et d’une sensibilité incroyables, Boyhood est un miroir tendu au spectateur qui ne pourra que s’identifier à l’une ou l’autre des étapes traversées par Mason (le jeune Ellar Coltrane qui impressionne par sa maturité visible dès ses six ans). Traversé par une bande son elle aussi reflet de son temps (de Coldplay à Arcade Fire) fruit d’une authenticité qui balaye les 2h45 de projection qui comme la vie file à toute allure, Boyhood est un splendide kaléidoscope de cette période charnière de la vie qu’est l’adolescence. Sans jamais sombrer dans le pathos, en restant au plus juste des sentiments et des sensations primaires, Richard Linklater réussit un véritable miracle fictionnel qui ne raconte rien d’autre que l’évolution d’un être humain et des gens qui l’entourent (notamment la vibrante Patricia Arquette, le solaire Ethan Hawke et la formidable Lorelei Linklater dans le rôle de la sœur de Mason). Des fragments de vie pour raconter la nôtre et devenir le reflet le plus intime de l’enfance et de l’adolescence en marche. Boyhood est un écho vibrant, honnête et juste d’une existence en devenir.

boyhood affiche miniTitre Original: BOYHOOD

Réalisé par: RICHARD LINKLATER

Casting: Ellar Coltrane, Lorelei Linklater, Patricia Arquette,

Ethan Hawke, Charlie Sexton, Steven Price...

Genre: Drame

Sortie le: 23 juillet 2014

Distribué par: Diaphana distribution

5 STARS CHEF D'OEUVRECHEF-D’ŒUVRE

 

6 réponses »

  1. J’adore Linklater (je suis fan de sa trilogie des Before, notamment) et je lui trouve toujours un ton d’une justesse totale. Je veux voir ce film mais…comme pour New York Melody, évidemment, il ne passe pas sur Dreux, chez moi. 😥

  2. Je trouve que ces films sont de grandes leçons pour tous. Je pense que les épreuves forgent les gens. Il est difficile pour une personne qui n’a connu aucune difficulté de devenir sage. Je suis certaine que ce film en a inspiré d’autres.

Laisser un commentaire