SYNOPSIS : Les Bonzini tiennent le restaurant ‘la Pataterie’ dans une zone commerciale. Leur fils ainé, Not, est le plus vieux punk à chien d’Europe. Son frère, Jean Pierre, est vendeur dans un magasin de literie. Quand Jean Pierre est licencié, les 2 frères se retrouvent. Le Grand Soir, c’est l’histoire d’une famille qui décide de faire la révolution… à sa manière.
Ils n’ont décidément peur de rien: Benoît Delépine et Gustave Kerven poursuivent leur travail de sape d’un cinéma français qui n’en finit plus de s’enfoncer dans un conformisme bon teint. Eux n’hésitent pas à ruer dans les brancards et à proposer leur vision d’un cinéma contestataire et libertaire qui fait souffler un vent de fraicheur et d’inédit. Le résultat c’est donc Le grand soir, un film ovni, déjanté qui ose des situations incongrues et totalement absurdes mais sous le vernis de la provocation spectaculaire on trouve un vrai discours, un vrai point de vue, de véritables auteurs qui disent des choses sur leur époque avec pertinence par le biais d’un regard sur le monde passé au lance flammes.
Si le scénario en lui même n’a rien de révolutionnaire il en va tout autrement de l’esprit qui habite le duo fraternel et jubilatoire interprété par Benoît Poelvoorde et Albert Dupontel. On va suivre ces deux pauvres hères dans leur road trip punk constamment en mouvement dans la zone industrielle où se déroule l’essentiel de l’histoire et bien que la critique sociale soit sans cesse sous-jacente, leur condition de SDF pour l’un et de néo chômeur pour l’autre n’est jamais traitée sur un mode misérabiliste. Au contraire, la soif de liberté qui les habite, leur envie de se débarrasser du carcan qui les enserre, sont des moteurs suffisamment puissants pour les pousser à tout renverser sur leur passage.
La grande force de Delépine et Kerven, c’est de réussir à livrer une comédie qui soit non seulement drôle mais qui soit aussi une critique féroce du système dans lequel nous vivons, et tout cela à travers une poésie lunaire constante. A cette réjouissante façon de faire se couple la qualité des plans composés par les réalisateurs, la beauté des images, la composition visuelle des séquences, certaines d’entre elles étant particulièrement surprenantes et inattendues et donnant souvent lieu à une double lecture simultanée. Voir deux personnages dans le même plan mais étant chacun occupé à une action différente, dans un autre lieu en arrière plan. Comme pour bien marquer l’absurde des situations et jouer sur le contraste entre le discours et les actes.
Parabole des révolutions contestataires qui poussent des êtres ancrés dans la normalité à se rebeller pour se libérer des vies conformistes qui leur sont destinées, Le grand soir, reste sans cesse sur le fil fragile de l’émotion mais se garde d’y basculer franchement, ce qui peut d’ailleurs sembler être la limite à l’entreprise. Ici la pudeur est bonne conseillère et laisse la place à des moments incroyables pour montrer que l’on peut être punk et rester proche de sa famille sans être juste marginal. Le film parle de surendettement, de surconsommation, de société capitaliste et égoïste sans jamais verser dans le pathos. Servi par Poolevorde et Dupontel qui osent tous les excès, Le grand soir propose aussi les prestations de Brigitte Fontaine fidèle à son image d’azimutée et de Areski Belkacem surprenants en parents des deux frangins. Rythmé plusieurs fois par la musique punk de Didier Wampas, Le grand soir est comme un pogo géant qui piétinerait la fourmilière et vous laisserait un sentiment du travail bien fait.
LE GRAND SOIR DE BENOIT DELEPINE ET GUSTAVE KERVEN, AVEC BENOIT POOLEVORDE, ALBERT DUPONTEL, BRIGITTE FONTAINE, ARESKI BELKACEM, GERARD DEPARDIEU, BOULI LANNERS….SORTIE LE 6 JUIN 2012
DISTRIBUE PAR AD VITAM
Catégories :Critiques Cinéma, Les années 2010
Encore un bel OVNI! Pas sûr d’aller le voir en salles tout de même.
j’y suis allé à reculons et c’est franchement une bonne surprise!