Réalisateur plus que remarqué de Morse considéré comme un maître étalon du film de vampires, le suédois Tomas Alfredson, se lance dans son premier long métrage en langue anglaise. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’il n’a pas choisi la facilité en adaptant le premier volet d’une trilogie de l’un des chefs de file du roman d’espionnage, le prolifique John Le Carré.
Porté par un casting exceptionnel, La Taupe, est une histoire d’une complexité narrative indéniable associée à une réussite formelle de tout premier ordre. Mais en choisissant un récit éclaté, aidé par un montage diabolique, aussi pointu qu’une horloge de précision, et en privilégiant un rythme terriblement lancinant, il prend le risque de perdre en route le spectateur.
Les services secrets britanniques craignant d’être infiltrés par un agent double à la solde de l’URSS, George Smiley, après avoir été mis sur la touche en compagnie de son supérieur, suite à une mission ratée, est secrètement rappelé par les autorités pour démasquer le traître. Epaulé par l’agent Peter Guillam, il cherche à débusquer parmi ses collègues qui est à la solde de l’ennemi. Hors, très vite, il se rend compte qu’il fait lui aussi partie des suspects…
Gary Oldman est prodigieux dans le rôle de Smiley, tout en retenue et en distance. Il est entouré par de superbes seconds rôles à commencer par Benedict Cumberbatch, le Sherlock de la série télé de Steven Moffat, Colin Firth, Toby Jones, Tom Hardy, Mark Strong, ou encore le trop rare John Hurt. Tous ont de superbes partitions à jouer.
Dans des relations faites de faux semblants, de manipulations, d’observation (le recours à de multiples reprises de plans filmés à travers des portes vitrées ou des fenêtres, voire au travers des verres de lunettes de Smiley, font que le spectateur est lui aussi dans cette posture d’observateur) et dans un climat qui vire à la suspicion et à la paranoïa, font de La Taupe, un film à l’atmosphère relativement pesante. Et la lenteur qui l’accompagne fait que l’on se sent parfois perdu et au bord de lâcher prise. On peut, comme cela m’est arrivé durant la projection, se sentir exclu de cette expérience de cinéma, même si la réussite formelle est indéniable.
Terriblement ambitieuse, l’œuvre de Tomas Alfredson, réhabilite une manière de raconter une histoire tombée en désuétude depuis la fin de la guerre froide. Dans un genre désormais phagocyté par les blockbusters d’action, qui de James Bond à Mission Impossible en passant par la trilogie Jason Bourne, tournent à la surenchère d’effets spéciaux et de gadgets, et où l’action surmultipliée a pris le pas sur les enjeux scénaristiques.
Dans La Taupe donc, pas de gadgets, pas de montage syncopé, pas de plans ultra découpés, mais un point de vue totalement radical et assumé tant sur le plan esthétique que narratif. Un choix tranché qui passe par l’utilisation de couleurs sombres et passées, par une ambiance à la noirceur poisseuse et par une maestria dans l’utilisation de lents mouvements de caméra.
Egalement brillant par le recours à des flash-back amenés subtilement, par la multiplication des points de vue, et par un montage d’une fluidité absolue, Tomas Alfredson ne prend pas le spectateur par la main et au contraire il le laisse se prendre dans ses filets. Ou pas.
LA TAUPE, DE TOMAS ALFREDSON, AVEC BENEDICT CUMBERBATCH, CIARAN HINDS, COLIN FIRTH, GARY OLDMAN, JOHN HURT, MARK STRONG, TOBY JONES, TOM HARDY… SORTIE LE 08 FEVRIER 2012
Catégories :Critiques Cinéma, Les années 2010
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