Critiques Cinéma

LE TERMINAL (Critique)

4,5 STARS TOP NIVEAU

le terminal affiche

SYNOPSIS: Viktor Navorski est l’un de ces milliers de touristes, venus des quatre coins du monde, qui débarquent chaque jour à l’Aéroport JFK de New York. Mais, à quelques heures de son arrivée, voilà qu’un coup d’État bouleverse sa petite république d’Europe Centrale, mettant celle-ci au ban des nations et faisant de Viktor… un apatride. Les portes de l’Amérique se ferment devant lui, alors même que se bouclent les frontières de son pays : Viktor est bel et bien coincé..

Il vient tout juste de le prouver avec Arrête-Moi Si Tu Peux, l’étiquette de la « comédie » chez Spielby est à appréhender avec attention. Comme chez d’autres metteurs en scène (Chaplin, pour ne citer que lui), elle est souvent un moyen imparable d’aborder des terrains socio-politiques tout en les dissimulant dans une légèreté de ton irrésistible. Le rire comme moyen, mais aussi comme prétexte à des enjeux plus grands. Le Terminal, pourtant accueilli si timidement à sa sortie, incarne pleinement cette précieuse démarche dont le genre aurait cruellement besoin. Se traînant la réputation de film le plus négligeable de la carrière de son auteur (au milieu de tous ses chefs-d’œuvre intouchables, il en faut bien un), il sortira en 2004 –en pleine ère Bush et alors qu’on pleure encore les victimes du 11 septembre – soit dans un moment loin d’être anodin pour causer d’aéroport, d’étrangers et de sécurité. Inspiré de l’histoire vraie de l’iranien Mehran Karimi Nasseri, la caméra récupère Viktor Navorski (Tom Hanks) dans l’un des lieux les plus banals du quotidien. Le monsieur-tout-le-monde spielbergien arrive tout droit de Kracozie – pays imaginaire de l’Europe de l’Est communiste – à l’aéroport JFK de New-York et apprend qu’il n’est pas autorisé à entrer aux États-Unis puisque son gouvernement a été renversé. Coincé dans une faille du système, il n’a pas d’autre choix que de rester dans le terminal en attendant de retrouver une existence administrative. C’est alors que le traditionnel lieu de passage devient le lieu du quotidien de Viktor où il va devoir vivre son rêve américain. Pas loin de l’alien initial (E.T) rendant visite aux terriens, Viktor l’étranger est confronté, entre 2 vols, à un nouveau monde très peu accueillant et doit faire face à la quasi-indifférence, voire au mépris de la population locale. Superbement mis en image par un travelling arrière, au beau milieu du va-et-vient permanent de la zone de transition, il n’est rien d’autre qu’un homme perdu et seul. Ne se contentant pas d’exposer l’attitude des Occidentaux face aux étrangers, Spielberg signale la fausseté du prétendu melting-pot (les postes à haute responsabilité semblent réservés aux Caucasiens) mais souligne surtout les dérives de la bureaucratie.

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Ce n’est un secret pour personne, le cinéaste est bien plus démocrate que républicain. Et dès les premiers plans déshumanisants des formulaires (faisant écho à l’ouverture de Schindler), il ne se gêne pas pour démonter toute la politique sécuritaire mise en place pendant la présidence de Georges W.Bush. L’autorité et le gouvernement y sont représentés par Frank Dixon (Stanley Tucci), un chef des douanes particulièrement raciste, virulent et abusif incarnant l’esprit réactionnaire de l’après 11-septembre. Inquiet à l’idée que Viktor puisse fouler le sol de sa précieuse Amérique, il fait tout pour lui rendre la vie dure, notamment lors de la fameuse scène de la caméra de surveillance, où Frank pousse Viktor au crime en l’épiant via une caméra. Symbolisant à elle-seule tout le propos politique et entretenant aussi le lien avec Minority Report, cette séquence place l’être humain moderne dans une situation de surveillance généralisée où ses moindres faits et gestes sont contrôlés et soupesés, comme pris en otage par les lois. La froideur du système y est présentée comme un obstacle à la vie, dans une lutte opposant l’homme et la mécanisation de la société (cf. la scène du vieux balayeur stoppant l’avion sur le point de décoller). Tel Tom Cruise dans Minority Report, c’est cette « faille humaine », cette vie étouffée par le contrôle qui finalement, reprendra ses droits. L’être humain, puisqu’il en est encore question dans Le Terminal, se montre ici plus fort que les frontières. Celle du langage d’abord, quand Viktor apprend l’anglais par lui-même (la télévision et la pop culture y jouent d’ailleurs un rôle important) et celle des différences culturelles. En dépassant ces difficultés, Viktor est amené à tisser des liens fraternels (avec le personnel de l’aéroport) et à entretenir une relation amoureuse (avec le personnage de Catherine Zeta-Jones). D’anonyme semblable à des milliers qui défilent dans le terminal, il deviendra un véritable héros des temps modernes en connectant les individus entre eux dans ce lieu si clinique et impersonnel. Et comme E.T après avoir accompli sa mission (entrer en communion avec l’être humain) Viktor ne voudra plus qu’une chose : « rentrer à la maison ». La bonté de l’homme est exhibée comme l’arme la plus redoutable contre un monde hostile, ce qui permet à Spielberg de citer directement les contes de Frank Capra dans ses influences majeures mais aussi Charlie Chaplin à travers le comique burlesque et le personnage vagabond de Tom Hanks. Véritable premier film post-11 septembre (conscient) de Spielberg, Le Terminal s’affiche ni plus ni moins comme une fable politique (critique de l’Amérique sous Bush) mais également comme une fable profondément humaniste n’hésitant pas à aborder certains sujets (notamment le racisme). Dans un rôle débordant de patience et de gentillesse, Tom Hanks brille une nouvelle fois en poussant l’identification du spectateur à son maximum, malgré le manque d’alchimie avec Catherine Zeta-Jones. Dans le minimalisme du cadre, seule l’élégance de la mise en scène et une sincérité immuable suffisent à rendre le projet passionnant. Doté de rôles secondaires solides, cocasse, touchant, formellement maîtrisé et d’une incroyable foi en l’humanité. Pas de doute, il s’agit bien d’un film de Steven Spielberg.

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Titre Original: THE TERMINAL

Réalisé par: Steven Spielberg

Casting : Tom Hanks, Catherine Zeta-Jones, Stanley Tucci,

Chi McBride, Diego Luna, Zoe Saldana…

Genre: Comédie, Drame

Sortie le: 12 Septembre 2004

Distribué par: –

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