Critiques Cinéma

UNE BATAILLE APRÈS L’AUTRE (Critique)

SYNOPSIS : Ancien révolutionnaire désabusé et paranoïaque, Bob vit en marge de la société, avec sa fille Willa, indépendante et pleine de ressources. Quand son ennemi juré refait surface après 16 ans et que Willa disparaît, Bob remue ciel et terre pour la retrouver, affrontant pour la première fois les conséquences de son passé …

Après le très acclamé Licorice Pizza, Paul Thomas Anderson revient avec Une bataille après l’autre (librement adapté du roman Vineland de Thomas Pynchon), un film dense et ambitieux qui s’étale sur plus d’une décennie. Cette nouvelle œuvre ne laisse pas indifférent, tant par sa forme que par ses intentions. Le réalisateur s’entoure ici d’un casting impressionnant, Leonardo DiCaprio (dont l’apparition, au regard de sa rareté, est toujours événementielle), Sean Penn, Teyana Taylor, Benicio Del Toro, ou encore Regina Hall, pour nous plonger dans le quotidien d’un groupe de révolutionnaires luttant contre des suprémacistes blancs dirigés par le colonel Steven J. Lockjaw, interprété par un Sean Penn plus halluciné et malsain que jamais. Mais derrière cette fresque intrigante se cache une proposition plus complexe qu’il n’y paraît, oscillant entre satire grotesque et drame humain. Si l’on finit par se laisser emporter par l’énergie du film, l’adhésion n’est jamais totale.

Dès les premières minutes, le ton du film déroute, malgré la gravité du sujet traité l’écriture choisit un angle résolument ridicule. Cette dissonance entre des enjeux sérieux et une présentation quasi burlesque, désarçonne. La première partie (celle avant l’ellipse) d’Une bataille après l’autre (qui dure pour information tout de même 2h42) peine alors à convaincre. Perfidia, incarnée par Teyana Taylor, en est l’exemple le plus crispant : dialogues aussi caricaturaux que stupides, gestuelle outrancière, attitude limite clownesque… on se demande instantanément dans quelle direction le film va nous malmener. La confrontation initiale entre ce personnage et celui du colonel Lockjaw, dans une scène particulièrement lunaire, côtoie tellement proche l’absurdité qu’elle menace de faire sombrer le film à peine lancé. Face à cela, il est difficile de s’immerger pleinement dans les enjeux révolutionnaires du récit et le combat de cette bande d’activistes contre une organisation suprémaciste, s’il est porteur d’un potentiel narratif fort, est désamorcé par ce traitement décalé. On observe les événements avec distance, comme s’il fallait du temps au film, mais surtout à nous-mêmes, pour trouver un terrain d’entente. Cette instabilité de ton brouille les repères et met à mal l’implication émotionnelle du spectateur, surtout dans une première moitié qui semble plus préoccupée par l’excentricité de ses personnages que par la force de ses enjeux.


Pourtant, contre toute attente, Une bataille après l’autre trouve peu à peu son équilibre. En s’installant dans la durée, le film parvient à nuancer ses personnages, initialement réduits à de simples archétypes. Bob, interprété par un Leonardo DiCaprio en mode loque, en est l’exemple le plus pertinent. Ancien militant désabusé qui passe son temps à noyer ses démons dans la dépendance, devenu espion du dimanche, il prend progressivement de l’épaisseur grâce à son rôle de père. Sa quête pour retrouver et protéger sa fille Willa (Chase Infiniti) apporte une humanité inattendue et bienvenue, donnant au film un axe émotionnel un peu plus impliquant. Le colonel Lockjaw gagne lui aussi en profondeur. Sean Penn, malgré une introduction poussive, parvient ainsi à imposer une présence ambivalente, entre danger réel, instabilité imprévisible et pathétisme assumé. Le rythme s’accélère, les péripéties s’enchaînent avec une énergie frénétique, et le spectateur finit par se laisser entraîner dans cette spirale d’événements, parfois absurdes, mais toujours rythmés. Paul Thomas Anderson semble alors jouer avec les codes du film de guerre, du film d’action et de la satire politique, pour mieux les tordre et les déconstruire. Il y a alors quelque chose de jouissif dans cette dynamique, cependant cette réussite relative ne fait pas totalement oublier le sentiment de distance qui persiste. Si l’on suit les personnages avec intérêt, on peine encore à ressentir la force de leur cause et de leur personnalité. Le film semble plus préoccupé par ses idées de mise en scène et ses ruptures de ton que par la sincérité de son propos. On regarde Une bataille après l’autre comme une sorte de grand manège détraqué, stimulant par moments, mais émotionnellement inégal voire un peu plat.

Au final, Une bataille après l’autre est un film qui pourra diviser, il fascine autant qu’il interloque, amuse autant qu’il irrite. Paul Thomas Anderson propose une œuvre hybride, qui flirte avec la satire, la fresque politique et le drame personnel, sans jamais totalement choisir son camp. On peut saluer la prise de risque mais aussi regretter que cette ambition ne soit pas toujours au service d’un propos clair ou d’une émotion partagée. On sort du film un peu perdus, à la fois stimulés par le côté atypique de la proposition mais aussi frustrés que contentés par ses excès. Il y a finalement du plaisir à suivre ces personnages (sauf au début comme vous l’aurez compris), à se laisser emporter par le rythme, à rire même parfois du n’importe quoi ambiant, mais ce plaisir reste superficiel. La cause des révolutionnaires, pourtant centrale, ne nous a jamais vraiment happés tant elle est bizarrement brossée (en découlent pourtant tous les enjeux du film), nous avons donc tenté de monter dans le train en marche, sans jamais toutefois nous y investir totalement. Une bataille après l’autre est un film qu’on admire davantage qu’on ne subit, mais qui nous laisse finalement un pied sur le quai, un peu déçus, mais curieusement intrigués.

Titre Original: ONE BATTLE AFTER ANOTHER

Réalisé par: Paul Thomas Anderson

Casting:  Leonardo DiCaprio, Benicio Del Toro, Teyana Taylor

Genre: Action, Comédie

Sortie le: 24 septembre 2025

Distribué par: Warner Bros. France

BIEN

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