Critiques Cinéma

SALEM (Critique)

SYNOPSIS : Djibril est un jeune comorien des Sauterelles, un quartier difficile de Marseille. Il est amoureux de Camilla, une gitane du quartier rival des Grillons. Lorsqu’elle lui apprend qu’elle est enceinte, Djibril lui demande d’avorter pour ne pas déclencher une guerre des clans. Mais l’assassinat d’un ami de Djibril, sous ses yeux, va embraser les deux cités. Traumatisé, Djibril sombre peu à peu dans la folie. Il est persuadé qu’une malédiction s’est abattue sur le quartier et décide de garder à tout prix son enfant : pour lui, seule sa fille pourra les sauver du chaos.

Après son acclamé Shéhérazade, Jean-Bernard Marlin revient avec Salem (dans une version qui fait à priori l’objet d’un nouveau montage depuis sa première projection), un film au mélange des genres qui pourrait décontenancer. Djibril, un jeune comorien de Marseille qui appartient au quartier des sauterelles tombe amoureux de Camilla, une gitane du quartier des Grillons. Gros hic, les deux quartiers sont ennemis. La situation va se compliquer lorsque Camilla tombe enceinte et qu’un ami de Djibril est assassiné devant leur école, laissant planer l’ombre d’une malédiction au-dessus du quartier. Mais au-delà du contexte social du jeune couple, c’est bien l’ambiance mystique autour de cette naissance à venir qui nous a fasciné, car Djibril est persuadé que sa fille est une future élue qui sauvera le monde du chaos. Le fait que Salem lorgne du côté du fantastique sans forcément l’affirmer tangiblement de prime abord nous a autant excités que rendus craintifs. Nous sommes en effet très friands des fictions qui se déroulent dans un cadre ultra réaliste, jusqu’à nous faire douter que du fantastique puisse s’y implanter ou en surgir d’une quelconque façon, avant que l’auteur ne décide d’ouvrir les valves et de rentrer dans le dur (c’était notamment le cas de la première saison de The OA qui jonglait à merveille avec cela). Bon nombre de propositions s’aventurent sur ces terrains mais peu arrivent à aller au bout de leur idée ou à contenter le spectateur. Car c’est aussi de ça dont il est question : non seulement il faut trancher d’un côté ou de l’autre de la barrière mais il faut aussi montrer des choses pour le prouver. Des récents films comme Animalia ou Holly nous ont, chacun dans leur parti pris, énormément déçus. Salem est-il alors l’élu ?



Salem se déroulant sur plusieurs années du fait d’une ellipse en cours de route, c’est donc deux castings différents qui vont interpréter nos protagonistes. Qu’il s’agisse de l’écriture ou de l’interprétation, cette « cassure » entre l’avant et l’après ellipse s’en ressentira violemment. On pense notamment au personnage de Camilla, très grande gueule avec un inépuisable bagou lorsqu’il s’agit d’affirmer ses opinions durant sa période « jeune », elle apparaîtra pourtant très effacée et beaucoup plus terne au moment de l’âge adulte. On ne pourra s’empêcher de trouver cela un peu dommage (on aimait bien le personnage) même si cela peut bien sûr s’expliquer scénaristiquement. Et puis après tout ne l’oublions pas, ici ce n’est plus le couple en tant qu’entité le plus important mais bien sa progéniture interprétée par Wallen El Gharbaoui. Alors que Djibril recouvre la liberté après des années d’enfermement (on vous laisse découvrir par vous-mêmes les événements) il peut enfin faire connaissance avec sa fille afin de lui dévoiler son destin et son don de guérison. Malheureusement cette dernière à d’autres préoccupations que d’avoir un père ou un destin prophétique puisque son envie du moment est surtout de faire l’acquisition d’un scooter. Mais Djibril ne compte pas lâcher l’affaire.



Salem a une qualité d’envergure comme nous le disions au début de l’article, c’est d’explorer l’aspect fantastique qu’il propose ; c’est d’ailleurs ce que nous recherchions avant tout de notre côté. Loin de vouloir nous faire miroiter jusqu’à la fin que Djibril est potentiellement fou et de nous balancer un générique de fin sentencieux en guise de conclusion, le film se permet d’emprunter un peu tous les chemins, ce qui est à double tranchant. Car là où des longs métrages placent leur histoire dans des cadres plus classiques, Salem décide en plus de situer la sienne dans une guerre de quartiers. On ne pourra en tout cas pas lui reprocher d’être paresseux ou de ne pas prendre de risque. Et cette audace elle fonctionne. La narration prend aux tripes, s’évadant un coup du côté des coups de feu et des conflits entre bandes, un autre coup vers l’amour et l’amitié, avant de toucher du doigt le fantastique, le mystique et la religion, donnant à l’ensemble un aspect étrange (renforcé par certains plans assez bizarres sur les personnages) et mystérieux qui engloutit tout sur son passage, sans que l’on ne rechigne particulièrement (ceci dit cela ne sera peut-être pas le cas de tout le monde). Un cocktail détonant qui en laissera peut-être quelques-uns sur le bord de la route.



Salem est ainsi un ovni tout à fait bienvenu au sein du paysage cinématographique français. Non seulement nous manquons de films de ce genre mais en plus celui-ci est réussi et habité. Doté d’une âme qui prend vie par le biais d’un casting débutant fougueux et investi, d’une bande son diablement immersive et d’un récit asphyxiant faisant figure d’odyssée qui vous accroche sans jamais vous lâcher, on peut le dire, on a eu ce qu’on était venus chercher.

Titre Original: SALEM

Réalisé par : Jean-Bernard Marlin

Casting: Dalil Abdourahim, Oumar Moindjie, Wallen El Gharbaoui   …

Genre: Drame, Romance

Sortie le: 29 mai 2024

Distribué par: Ad Vitam

TRÈS BIEN

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