Critiques Cinéma

LE FIL (Critique)


SYNOPSIS : Depuis qu’il a fait innocenter un meurtrier récidiviste, Maître Jean Monier ne prend plus de dossiers criminels. La rencontre avec Nicolas Milik, père de famille accusé du meurtre de sa femme, le touche et fait vaciller ses certitudes. Convaincu de l’innocence de son client, il est prêt à tout pour lui faire gagner son procès aux assises, retrouvant ainsi le sens de sa vocation.

L’intrigue du Fil s’inspire d’un fait divers qu’a connu l’avocat pénaliste Jean-Yves Moyart, alias maître , mort en 2021, dans son ouvrage Au guet-apens. Chroniques de la justice pénale ordinaire (éd. La Table ronde, 2011, réédité depuis chez Les Arènes sous le titre Le Livre de maître Mô). Un film qui forcément devient un événement puisque son réalisateur est un certain Daniel Auteuil, qu’on connaissait plus à l’aise devant la caméra que derrière. Pour cette cinquième réalisation, il vient avec efficacité et sobriété démentir l’affirmation pour ce qui est clairement sa meilleure création de cinéaste. Le fil est présenté en séance spéciale au Festival de Cannes pour sa 77èeme édition en 2024. Le fil est un film sur la conviction, donc sur le doute. Car la nature humaine est trop complexe et surtout trop faillible pour lui prêter parfois des certitudes. Exactement comme Maître Jean Monnier, comment ne pas entrer en empathie avec Nicolas Milik. Un homme bourru mais un bon père de famille. Qui, spontané, paraît presque trop innocent pour être coupable. Alors, l’avocat ira jusqu’au sacrificiel pour lui éviter une condamnation de 30 ans de prison. Et tout au long du procès, ce sentiment « qu’il faut » un coupable ne nous quittera pas. Ce qui n’innocente pas pour autant Milik. C’est tout ça Le fil, un bel exercice de complexité, qui invite à l’humilité, car finalement tel Socrate : « je sais que je ne sais rien « . C’est aussi l’avocat face à lui-même tant il a dans le passé déjà innocenté un coupable.


Le fil connaît quelques longueurs, tant il s’attache autant au réel qu’au décryptage de ses personnages. C’est aussi l’air de rien une façon de filmer la vie des femmes et des hommes dans un village français, qui presque ordinairement souffrent socialement. Des vies dures, faites de dépressions, d’alcool et de manque d’ouverture au monde. Ainsi, le réalisateur Auteuil va les filmer à leur rythme, sans mentir. Une forme de torpeur savamment entretenue qui a surtout pour objet d’installer une sorte de double épilogue qui joue avec nos nerfs, la contradiction de nos sentiments et qui permet au film de se doter d’une fin dantesque en termes de rebondissements. Oui clairement, la vérité ne tient qu’à un fil. Milik est aux yeux de son avocat : « Ni coupable évident, ni innocent crédible ». La mise en scène avec ses multiples flashsback, entre le procès, l’arrestation, et le meurtre, ne nous perd jamais vraiment et permet de rythmer l’ensemble. S’il est vrai que l’impression de déjà vu peut prédominer et qu’en terme de film de procès, tout le monde ne peut pas prétendre à la virtuosité du Procès Goldman (2023) ou d’Anatomie d’une chute (2023), Le Fil tient son rang.


Notamment dans son entièreté car une fois de plus, le dénouement nous laisse un peu sonné et tout le reste valait le coup d’être vu et vécu pour en arriver là. C’est typiquement le genre de moment où vous appréciez encore plus que d’habitude d’attendre la fin du générique de fin pour vous lever. Le fil est aussi clairement porté par un casting assez épatant et qui tient toutes ses promesses. Daniel Auteuil himself, qui dans sa détermination, dans ses certitudes nous communique son urgence à faire justice. Il fait passer la gravité de la complexité de son personnage sans jamais en dire ou en faire trop. Du grand Auteuil et c’est toujours un plaisir. Le plaisir aussi de retrouver Sidse Babett Knudsen, qui malgré qu’elle reste éternellement la brillante femme politique dans Borgen (2010/2022), est pour autant pleinement crédible dans ce rôle de soutien puissant à Auteuil, qui s’inquiète pour lui et qui s’impose comme la compagne dans tous les sens du terme. Son empathie naturelle crève l’écran.


Un autre plaisir toujours que de voir sur grand écran Alice Belaïdi, dans ce rôle de procureur, forcément rigide et ne doutant pas beaucoup elle non plus. L’actrice excelle autant dans la légèreté, la douceur qu’ici dans la fermeté. Son visage dure s’ancre en nous. Et la mention spéciale à ce grand acteur qu’est Grégory Gadebois, qui définitivement sait toujours nous toucher par son authenticité. Ses regards sont ici particulièrement saisissants et c’est comme à chaque fois avec lui tout son corps qui se déplie et qui prend l’enveloppe du personnage qu’il joue. Sa vérité est impressionnante, touchante. Au final, Le fil ne révolutionne pas le genre du film procès, mais ce n’était certainement pas son aspiration initiale. Le questionnement que pose Le fil est profond sur les croyances qui sont les nôtres et qui ne demandent qu’à être contredites. On a beau le savoir, on rejoue toujours le même sketch. Et rien que pour ce que l’on ressent à la fin, Le fil est un film à voir !!

Titre Original: LE FIL

Réalisé par : Daniel Auteuil

Casting: Daniel Auteuil, Grégory Gadebois, Alice Belaïdi     …

Genre: Drame

Sortie le: 11 septembre 2024

Distribué par: Zinc Film

TRÈS BIEN

 

1 réponse »

Laisser un commentaire