Critiques Cinéma

BORDER LINE (Critique)

SYNOPSIS : Projetant de démarrer une nouvelle vie aux États-Unis, Diego et Elena quittent Barcelone pour New-York. Mais à leur arrivée à l’aéroport, la Police des Frontières les interpelle pour les soumettre à un interrogatoire. D’abord anodines, les questions des agents se font de plus en plus intimidantes. Diego et Elena sont alors gagnés par le sentiment qu’un piège se referme sur eux…

Ce mercredi, un huis clos au pitch original signé Alejandro Rojas et Juan Sebastian Vasquez débarque en salles : Border Line. Alberto Ammann et Bruna Cusi y interprètent respectivement Diego et Elena un couple qui souhaite s’installer aux Etats-Unis. Arrivés à l’aéroport ils sont emmenés par la Police des Frontières afin d’être interrogés sur les raisons de leur venue. Commence alors un interrogatoire qui passe de l’anecdotique à l’intimidation et à l’acharnement. Excès de zèle de la part des agents ou dissimulation d’éléments cruciaux par le couple ? C’est tout l’enjeu de Border Line.


Le film est assez court (environ 1h17), il se doit donc de démarrer vite, et c’est ce qu’il fait. Les spectateurs sont rapidement immergés dans le quotidien à court terme du couple qui est en chemin pour l’aéroport. Les présentations des personnages sont alors faites succinctement puisqu’on aura tout juste le temps de découvrir certains traits de leurs caractères avant d’arriver aux contrôles de l’aéroport. Rapidement interpellés, Diego et Elena demeurent donc un mystère pour le spectateur qui n’y voit qu’un couple lambda, et pas forcément le plus dégourdi. C’est donc au fil de l’eau, au cours de l’interrogatoire, que les présentations se feront grâce aux questions des deux agents insistants qui n’ont aucune intention de les lâcher : l’agent Vásquez (Laura Gomez) et l’agent Barrett (Ben Temple). Une fois dans la salle d’interrogatoire, le spectateur n’en ressortira que très peu. Un décor assez austère qui réussira, à sa façon, à être suffisamment mis en valeur par les réalisateurs pour trouver le juste équilibre entre fidélité à l’ambiance souhaitée et esthétisme relatif qui permet de ne pas être rebutant. Les réalisateurs ont évidemment choisi de donner un aspect très personnel à leur idée de départ, avec des éléments politiques distillées ici et là indissociables des nationalités de leurs personnages.


Au-delà de ce fond personnel et politique, le film a une facette principale très réussie, celle de créer et de cultiver efficacement la tension qu’il instaure. On n’a aucun mal à ressentir le stress et la peur de Diego et Elena qui craignent d’abord de louper leur correspondance avant de risquer de perdre pour de bon la chance d’aller vivre aux Etats-Unis et ce malgré la multitude de démarches administratives déjà effectuées, tout cela sans même comprendre ce qui les a menés à être interpellés. Les réalisateurs ont pu tourner le film chronologiquement, ce qui a sûrement favorisé l’instauration de cette ambiance pesante qui crée petit à petit des limbes psychologiques dans les cerveaux du couple. Plus le temps passe plus les agents ont des questions intrusives, déplacées et des comportements humiliants et cruels. Le spectateur, toujours immergé dans la situation du couple ne peut que se rallier à leur cause, d’autant que certains regards subtils laissent penser que même entre eux, les agents peuvent estimer que leur compère va trop loin. C’est d’autant plus intéressant dans le cas de l’agent Vásquez par exemple, qui a des origines sud-américaines. Le personnage incarne l’archétype de la personne aspirée par le système qui s’est totalement transformée en l’un de ses produits, elle qui serait pourtant très bien placée pour comprendre la situation impossible dans laquelle se retrouvent Diego et Elena. Mais loin d’être purement gratuites, les questions finissent par mettre en exergue une première révélation qui pourrait faire chavirer le couple et remettre en cause leur projet. Reste à savoir jusqu’où ira cette escalade de révélations et de violence psychologique… Le récit est écrit de façon très chronométrée ce qui fait qu’il n’y a pas de temps inutile, de lenteurs handicapantes ou d’accélération qui déséquilibrerait le tout. Un rendu homogène au montage efficace.


Efficace, Border Line est fidèle à son synopsis. Petite expérience immersive au sein d’un interrogatoire perdu dans les méandres d’un aéroport, où l’être humain cueilli au vol devient la chose d’un système qui n’a plus aucune pitié ni empathie pour lui, le film est un exercice de style assez réussi. En peu de temps il réussit à brosser un portrait au vitriol à la fois politique et humain d’une situation d’immigration que nous imaginons assez classique et banalisée. Le film a néanmoins l’intelligence de ne pas proposer un point de vue trop manichéen des choses en décortiquant la vie des protagonistes pour y mettre en avant quelques failles qui pourraient inverser la tendance. Pas incontournable le film aura sûrement un rayonnement différent en fonction des spectateurs qui iront le voir mais sa capacité à inclure émotionnellement celles et ceux qui le regardent lui confère malgré tout une portée universelle.

Titre Original:  UPON ENTRY (LA LLEGADA)

Réalisé par: Juan Sebastián Vásquez, Alejandro Rojas

Casting: Alberto Ammann, Bruna Cusí, Ben Temple

Genre: Drame, Thriller

Sortie le: 1er mai 2024

Distribué par: Condor Distribution

BIEN

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