BIS REPETITA (Critique)

Par Pierre Chamb le avril 1, 2024 • ( Poster un commentaire )

SYNOPSIS : Delphine, prof de lettres désabusée, a un deal bien rôdé avec ses élèves : ils lui fichent une paix royale, elle leur distribue des 19/20. Mais la combine se retourne contre elle quand ses excellents résultats (fictifs) propulsent sa classe au championnat du monde de latin, à Naples. Comble du cauchemar, c’est le neveu très zélé de la Proviseure qui est choisi comme accompagnateur. Pour sauver l’option latin, et surtout sa situation confortable, Delphine ne voit qu’une solution : tricher !

Après avoir tourné plusieurs épisodes de séries pour la télévision ou Netflix (Les sept vies de Léa entre autres), Émilie Noblet débarque avec sa première réalisation sur grand écran, Bis Repetita une œuvre légère et insouciante qui fut présentée en compétition au dernier Festival de l’Alpe d’Huez. Diffusé en salles par le biais de la société de distribution Le Pacte, le film se veut drôle et émouvant tout en utilisant des sujets plus sérieux comme le séparatisme scolaire ou encore le mal-être des professeurs. C’est dans cette optique que démarre une scène d’introduction intelligente nous montrant un professeur de mathématique en pleine harmonie avec toute sa classe, des lycéens motivés, dynamiques et bourrés d’énergie. Ici tout le monde rigole et apprend en s’amusant. Une fois le générique terminé nous partons aux antipodes pour découvrir une petite classe de latin où se trouve seulement 5 élèves. Personne n’est impliquée dans son travail, et surtout pas l’enseignante Delphine (Louise Bourgoin) qui effectue ses achats personnels au fond de la classe pendant l’exposé d’un élève. On comprend rapidement qu’il existe un accord entre les élèves et Delphine, en échange du calme et de sa tranquillité, cette dernière leur met 19 de moyenne à tous, ce qui leurs permet d’entrevoir des études supérieures, bref tout le monde y trouve son compte et c’est parfait pour eux.

Néanmoins avec des résultats aussi exceptionnels pour une classe de latin, les regards vont se tourner vers eux et cela va les mener à être sélectionnés pour participer à un concours d’excellence à Naples où ils vont représenter la France, c’est le début des ennuis pour Delphine. Et pour ne rien arranger, elle apprend qu’elle va être accompagné par Rodolphe le neveu de la proviseure (Xavier Lacaille), un passionné par les langues mortes, obsédé par sa thèse sur l’apprentissage de ces langues.

Louise Bourgoin et Xavier Lacaille forment ici un agréable duo comique, surprenant mais très complémentaire. Elle incarne une prof qui déteste ouvertement le système scolaire mais plutôt que de l’affronter elle préfère en jouer et en tirer les avantages. Désabusée et désinvolte, elle a un côté cynique et très autoritaire, le tout avec un peu de fourberie. Xavier Lacaille, quant à lui, arrive à la compléter parfaitement en jeune homme plutôt simplet qui croit tout ce qu’on lui dit, ces répliques donne lieu à des moments fort sympathiques avec notamment une scène excentrique, une chanson de Céline Dion interprétée en latin. Pour suppléer ce duo, le reste de la distribution donne une véritable énergie, ces 5 lycéens arrivent à ne pas basculer dans les clichés malgré leurs différences évidentes, l’ados renfermé, le fainéant, le dyslexique etc… Tous livrent une très bonne prestation et interprètent remarquablement leurs personnages, tout en évitant de tomber dans la caricature, hormis l’universitaire italien qui lui, en fait beaucoup trop.

On sent qu’Émilie Noblet a beaucoup travaillé sur la mise en scène et la comédie, (ce qui est le but du film) mais elle en oublie le côté scénaristique et « réel » du film. Il y a des lacunes évidentes comme par exemple le fait que personne ne remarque que les ados ne parlent pas latin où encore la facilité avec laquelle les élèves arrivent à tricher dans un concours international. A ce titre, Les sous-doués faisaient preuve de plus d’inventivité… Le film est très prévisible, mais comme beaucoup de comédies française nous direz-vous. Alors oui ce n’est pas du cinéma d’auteur, ni une comédie qui va révolutionner le genre, mais en ayant conscience de cela avant de commencer à visionner le film, on peut apprécier cette œuvre sincère et pétillante. Émilie Noblet prend soin de ne pas tomber pas dans le mélodrame social, elle joue avec les codes du cinéma, comme l’arrivée à Naples dans ce concours qui nous fait penser à la fameuse école de Poudlard lors de La coupe de feu. Elle signe un premier film drôle, émouvant, intelligent et touchant, une comédie légère conçue pour s’amuser sans réfléchir. Elle alterne moments de douceur et de romantisme en nous offrant un moment plein de fraîcheur.