Critiques Cinéma

LE PROBLÈME A 3 CORPS (Critique Saison 1) Une cavalcade implacable et radicale …


SYNOPSIS : Une décision prise par une jeune femme en Chine dans les années 60 a des répercussions spatio-temporelles jusque dans le présent. Lorsque les lois de la nature se délitent inexplicablement sous les yeux d’un groupe soudé de brillants scientifiques, ils unissent leurs forces à celles d’un inspecteur inflexible pour affronter la plus grande menace de toute l’histoire de l’humanité.

Quand en Août 2019 Netflix est venu s’offrir un contrat d’exclusivité pour le duo D.W. Weiss et David Benioff, il était déjà clair que la plateforme rouge se présentait avec une ambition aussi grande que l’ampleur pop-culturel du travail passé des deux scénaristes et producteurs de Game of Thrones. Si leur image publique s’est vue esquintée à la conclusion de la série (la faute à une saison finale aux critiques que l’on qualifiera de « tièdes » pour rester poli), l’annonce de leur participation à une toute nouvelle adaptation de la saga littéraire chinoise de Liu Cixin, Le Problème à Trois Corps avait de quoi attiser la curiosité et piquer l’intérêt d’une très large audience. En fermant (presque) la porte aux dragons, Weiss, Benioff et leur troisième co-créateur Alexander Woo mettent les pieds dans le plat en se saisissant d’une approche globale de la Science-Fiction moderne.



Lorsque la série commence, et qu’une jeune fille voit, impuissante, son père être exécuté devant une foule en délire, le lien vers Game of Thrones se tisse de lui-même. Si la scène rappelle la fermeture de la première saison du show avec l’exécution de vous-savez-qui Stark, dans Le Problème à Trois Corps nous sommes en Chine, pendant la Révolution Culturelle. Les gardes rouges ont arrêté le scientifique Ye Zhetai pour ses travaux jugés réactionnaires et le battent à mort devant sa fille Ye Wenjie, qui sera peu après envoyée dans un camp de travail aux abords d’une base scientifique… Saut dans le temps : à notre époque, 5 jeunes scientifiques à Londres sont confrontés à l’impensable. Partout à travers le monde, les connaissances scientifiques sont remises en doute à cause d’expériences aux résultats contradictoires et par le suicide d’un grand nombre de leurs confrères. Peu après, un mystérieux jeu vidéo fait son apparition et attire l’attention de plusieurs groupes aux intensions différentes…



A l’instar du précédent paragraphe de cette critique, il est aisé de penser – au démarrage de cette première saison – que beaucoup d’informations et de concepts sont installés en très peu de temps, et ce au point de potentiellement heurter le spectateur, assailli de notions à ingérer rapidement pour pouvoir continuer à suivre le récit. A ce jeu, les deux premiers épisodes sont probablement les plus faibles, manquant d’une vraie lisibilité dans un matériau narratif d’origine qui regorge d’idées. La trilogie littéraire de Liu Cixin, réputée pour son inventivité et son approche technique de problèmes métaphysiques, représente alors à la fois l’ambition affirmée de cette transposition sérielle mais également les limites quasiment infranchissables imposée par son nouveau format (de plus, on notera que la saga a déjà été adaptée à l’écran, dans son pays d’origine pour le marché chinois exclusivement). Weiss, Benioff et Woo s’attaquent donc à un mur, choix surprenant d’autant plus qu’ils sont loin de l’expertise fantaisiste qui a fait leur succès et que le public était resté moyennement convaincu par l’exécution de sa conclusion. Le Problème à Trois Corps n’est certainement pas la « solution de la facilité » pour laquelle ils auraient clairement pu opter pour convaincre en douceur leur audience. C’est une imposante prise de risque, un morceau de bravoure qui force le respect en dépit de ses quelques faiblesses inhérentes. Cette première saison propose alors de relire la saga d’origine en secouant la structure créée par Liu Cixin, premièrement en délocalisant l’action. Dans le présent, l’histoire est racontée du point de vue de 5 jeunes physiciens londoniens – personnages entièrement inventés dans cette nouvelle mouture – mais garde toujours ses racines chinoises qui font la marque de fabrique. Rare personnage ayant conservé son alter-ego papier, Ye Wenjie sert à raconter l’histoire chinoise au moment de la Révolution Culturelle et des grands questionnements métaphysiques du pays, offrant à la saga les prémices de cette curieuse et sombre histoire aux confins de l’Humanité. De l’autre côté, la série nous propose de rencontrer Jin Cheng (Jess Hong), Auggie Salazar (Eiza González), Will Downing (Alex Sharp), Jack Rooney (John Bradley-West) et Saul Durand (Jovan Adepo), cinq anciens diplômés d’Oxford aux personnalités et aux ambitions très différentes. Ils deviendront alors très vite le cœur du show, chacun amorçant une des intrigues du récit (le compte à rebours pour Auggie, le dilemme de Will, la place imposée à Saul et le mystérieux casque de réalité virtuelle confié à Jack et Jin). On retrouve également, dans des rôles très différents, les performances étonnantes de Benedict Wong, Liam Cunningham, Zine Tseng, Jonathan Pryce, Marlo Kelly et Rosalind Chao.


Si la série s’avère, à son démarrage surtout, relativement austère et plutôt marquante par sa froideur que l’on assimile assez vite à une surcharge narrative et à un rythme qui a tendance à trop s’emballer, il suffira alors d’une moitié de saison pour que l’on se prenne à son ambition, et que sa magie commence à fonctionner. Par son approche unique de concepts d’astrophysiques, ses retournements de situation mystérieux et son cœur diffusé dans les relations entre ses différents personnages, Le Problème à Trois Corps se métamorphose en une cavalcade implacable et radicale, un objet à la forme pas réellement identifiée qui explore les points sombres de l’humanité et de son rapport à la science pour saisir tout le potentiel de sa Science-Fiction. Le Problème à Trois Corps est indubitablement unique, brillant par sa sensationnelle proposition en marge de ses contemporains, prenant le risque de se vouloir moins populaire qu’un Game of Thrones (exemple pris au hasard) pour bien raconter cette histoire d’invasion invisible qui se révèle au fur et à mesure d’une aventure scientifique palpitante. Si l’on n’est pas réellement convaincu après deux ou trois épisodes, les 8 qui composent cette première saison l’imposent alors véritablement : Le Problème à Trois Corps version Netflix est une honnête surprise dont on a du mal à calculer l’orbite et le volume, bien qu’elle saisisse une vision particulièrement juste de la place de l’Humanité à travers les étoiles. Tout ça pour avouer qu’on ne dirait certainement pas non à un nouveau tour dans l’accélérateur de particules.

Crédits : Netflix France

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