Critiques Cinéma

SYMPATHY FOR MR VENGEANCE (Critique)

SYNOPSIS : Ryu est un ouvrier sourd et muet, dont la soeur est en attente d’une opération chirurgicale. Son patron, Dongjin, est divorcé et père d’une petite fille. Young-Mi, la fiancée de Ryu, est une activiste gauchiste. Lorsque Ryu perd son emploi et voit diminuer les chances d’opération de sa soeur, elle lui propose de kidnapper la fille de Dongjin. La rançon obtenue servirait à pouvoir soigner la soeur de Ryu. Mais le plan parfait tourne à la catastrophe…

Si Old Boy est couramment considéré comme la pièce la plus populaire de la filmographie du réalisateur coréen Park Chan-wook, il est cependant moins su du grand public qu’il est en réalité le deuxième volet d’une trilogie officieuse ayant marqué le décollage de sa carrière. Centré autour des différents aspects du concept de la vengeance, la première œuvre démarrant ce triptyque anthologique s’intitule Sympathy for Mister Vengeance, est sorti en 2002 et fait son grand retour dans les salles de cinéma françaises dans une toute nouvelle version remasterisée en 4k. L’occasion de (re)découvrir un classique sous-estimé du film de vengeance. Sympathy for Mister Vengeance suit Ryu (Shin Ha-kyun), sourd-muet, cheveux verts et ouvrier de classe populaire. Alors que sa sœur (Im Ji-eun), gravement malade, nécessite une greffe de rein et que Ryu n’est malheureusement pas compatible, le jeune homme décide de passer par le marché noir. On lui demande un de ses reins et 10 millions de wons contre un rein compatible : Ryu accepte, mais se retrouve nu et dépouillé de tout dans un bâtiment désaffecté après l’opération. Avec sa petite amie Yeong-mi (Bae Doona), ils décident d’enlever la fille de Park Dong-jin (Song Kang-ho), un ami de son ex-patron, pour lui faire verser une rançon capable de payer les frais d’hôpital pour sa sœur. Cette décision enclenche une suite de retournements de situations et de drames qu’on ne vous gâchera pas ici.



Pour entamer cette « trilogie de la vengeance  » future (suivi par Old Boy et Lady Vengeance), Park Chan-wook développe avec ses co-scénaristes – Lee Jae-sun, Lee Mu-yeong et Lee Yong-jong – un pur thriller noir aux frontières du film d’horreur. Lorsque le film sort en 2002, il s’agit de son quatrième long-métrage, 2 ans après Joint Security Area, avec lequel le réalisateur Park s’abandonne à son goût pour les spirales infernales et pour les traquenards narratifs comme il se plaira à les explorer dans sa curieuse carrière ponctuée de morceaux de bravoure. Sympathy for Mister Vengeance ne fait pas exception à la règle, et pave la voie de son futur triptyque en déroulant une véritable leçon d’exécution scénaristique. Si le film souffre d’un léger manque de rythme dans son ensemble, qui le fait doucement dépasser le compte des 2 heures, il parvient également – et de manière plus importante – à témoigner d’une véritable maestria d’écriture de personnages à travers la confrontation progressive qui se construit entre Ryu et Dong-jin.

Leurs deux interprètes, Shin Ha-kyun et Song Kang-ho, cristallisent parfaitement les conflits du long-métrage en portant à 4 épaules sa structure dissociée, séparée en deux visions opposées de la vengeance. Mais si Sympathy for Mister Vengeance parvient, encore aujourd’hui, à éclater les rétines et à poser les bases du cinéma vengeresque de Park Chan-wook, c’est parce qu’il témoigne du talent absolu de concepteur d’image de son réalisateur. Le découpage du film, couplé au traitement de la lumière et du placement du cadre de son directeur de la photographie Kim Byeong-il, confère au long-métrage une atmosphère profondément unique, bercée de soleil mais pourrissant continuellement derrière une teinte verdâtre qui habille l’ensemble des décors et des personnages. La remasterisation 4k du film fait alors précisément sens, permettant de constater le travail admirable de son image, certains plans jouant admirablement bien sur les réflexions et sur la notion du double. Mister Vengeance utilise également la surdité de son personnage principal, notamment lors de son introduction dans cette usine extrêmement bruyante qui se tait brusquement lorsque la caméra se fixe sur Ryu et ses cheveux verts.


Nourri par les performances enragées et saisissantes de son casting central (autour de ses deux protagonistes, Bae Doona est comme à son habitude stupéfiante), Sympathy for Mister Vengeance est un objet brillant de cruauté, un sommet de tragédie emballé dans la violence et le karma, filmé dans une spirale pernicieuse qui ne pardonne rien. Park Chan-wook habille alors son film d’un calme lancinant, un calme trop plat pour être réellement calme, narrant avec froideur et impact les descentes aux Enfers de ses personnages. Cette première pierre, posant les bases de sa trilogie tout en disposant à lui tout seul la substance de ce que les deux prochains films feront à leur tour sous d’autres points de vue, mérite absolument d’être découverte ou redécouverte au cinéma, pour sa torpeur noir, pour son ironie constante, pour sa spirale glauque, pour la partition musicale d’Ururboo Band ou pour son ambition visuelle jusqu’au-boutiste qui en font l’un des piliers de la carrière de son réalisateur.

Titre original: BOKSUNEUN NAUI GEOT

Réalisé par:  Park Chan-Wook

Casting: Song Kang-Ho, Shin Ha-Kyun, Doona Bae…

Genre: Policier, Drame, Thriller

Sortie le: 3 septembre 2003

Ressortie le : 06 Mars 2024

Distribué par : Metropolitan FilmExport

EXCELLENT

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