
William Friedkin, le réalisateur oscarisé de The French Connection et du légendaire de The Exorcist, est décédé à 87 ans. Friedkin est une figure majeure du « Nouvel Hollywood » la nouvelle vague de cinéastes hollywoodiens qui prirent le pouvoir créatif dans les années 70 sur les ruines du systéme des studios. Parmi ceux-ci il se rapproche d’un autre « Maverick » Francis Ford Coppola par sa personnalité excessive, les sommets qu’il a atteint – French Connection remporte en 1972 cinq Oscars, dont ceux du meilleur réalisateur et du meilleur film et le succés monumental de L’Exorciste l’année suivante qui change le cinéma d’horreur à jamais – mais aussi ses échecs cuisants – son remake du Salaire de la Peur de Clouzot, Sorcerer balayé par Star Wars et une seconde partie de carriére contrastée. Friedkin n’aura jamais joué sagement le jeu, beaucoup de ses films auront suscité la controverse d’une manière ou d’une autre The Boys in the Band, Sorcerer, Cruising, To Live and Die in L.A, Bug et plus récemment Killer Joe.

La vie de Friedkin est une legende américaine. Né à Chicago d’immigrants juifs ukrainien alors qu’il excelle au lycée, il se passionne pour le cinéma et commencE immédiatement sa formation cinématographique. Il est fasciné par trois réalisateurs Orson Welles, Henri-Georges Clouzot et Alfred Hitchcock dont on peut dire qu’ils ont faconné sa carrière. Comme ses trois modéles le cinéma de Friedkin sera marqué par sa volonté de pousser la technique et le formalisme du cinéma, d’embrasser tout à la fois l’influence du cinéma d’art et d’essai européen mais aussi la maîtrise du cinéma de genre. Friedkin travaille d’abord dans le documentaire et à la télévision locale avant de réaliser un des derniers épisodes de la série Alfred Hitchcock Presents (où il rencontre le maitre lui-meme qui lui demande de porter une cravate). Il déménage à Hollywood et réalise son premier long métrage Good Times une comédie musicale à la gloire des pop-stars Sonny et Cher. Il enchaîne avec l’adaptationd’une piéce d’Harold Pinter The Birthday Party, puis la comédie musicale The Night They Raided Minsky’s avant de se lancer dans un projet risqué pour l’époque qui annonce bien des choix futurs avec The Boys in the Band . Cette adaptation d’une pièce Off-Broadway de Mart Crowley qui raconte une nuit de fête d’un groupe d’amis homosexuels qui devient amère alors que de vieilles blessures refont surface.

Puis vint l’explosion de French Connection qui doit beaucoup de sons style rapide et naturaliste aux premiers travaux dans le documentaire qui fait du réalisateur un visionnaire du Nouvel Hollywood. La performance de Gene Hackman en Popeye Doyle en fait l’un des personnages les plus emblématiques du cinéma américain des années 1970, le film déconstruit le genre policier avec son ambiguité morale et sa vision d’une police corrompue à New York.Deux ans plus tard dans un des « une-deux » les plus incroyables de l’histoire du cinéma, Friedkin choque le monde avec la terrifiante adaptation du roman de William Peter Blatty (qui avait precedemment coécrit la suite de La Panthère rose, Quand l’inspecteur s’emmêle !) L’Exorciste qui raconte la possession démoniaque d’une petite fille, Regan MacNeil jouées par Linda Blair et des prêtres catholiques qui tentent de la sauver. L’Exorciste est unique d’une part parce qu’il est devenu le premier film authentiquement d’horreur à remporter une nomination au meilleur film, mais il est aussi un mastodonte du box-office qui a rapporté 500 millions de dollars dans le monde depuis sa sortie en 1973. L’Exorciste garde toute sa force aujourd’hui grâce à l’approche réaliste de Friedkin, qui nous fait vivre l’horreur à travers les yeux de Chris MacNeil la mére de la jeune fille incarnée par Ellen Burstyn. On s’identifie à l’impuissance d’un parent face à la maladie de sa fille tout autant qu’on est terrifié par la voix glaçante du démon (l’actrice Mercedes McCambridge) et des séquences frontales comme on n’en verra plus jamais dans un film de major.

Comme souvent dans les légendes américaines après l’ascension vint la chute : auréolé du triomphe de The Exorcist il se lance dans un remake du Salaire de la Peur de son idole Clouzot, Sorcerer un thriller sur le transport d’explosifs dans la jungle qui dépasse tant son budget que deux majors Universal et Paramount doivent s’associer pour le distribuer. Le film dont le titre trouble le public (le film n’a rien avoir avec la sorcellerie, Sorcerer est le nom d’un des camions) est un flop monumental balayé à sa sortie en 1977 par le Star Wars de George Lucas. Depuis le film est devenu un classique, reconnu aux cotés de ses meilleurs films mais il a définitivement marqué une cassure dans sa carriere.
Il enchaine avec une comédie policière anecdotique Têtes vides cherchent coffres pleins (The Brink’s Job) avec Peter Falk et Gena Rowlands avant de renouer avec la controverse en 1981 avec son film le plus sulfureux avec The Exorcist, le thriller Cruising avec Al Pacino dans le rôle d’un flic du NYPD qui infiltre l’univers des bars en cuir souterrains de New York pour traquer un tueur en série queer. A la fois condamné et tourné en dérision par la communauté LGBTQ à l’époque pour sa représentation d’un aspect criminel de la vie gay et par les associations de bonnes moeurs, Cruising reste, encore aujourd’hui, en avance sur son temps pour ses scènes de sexe homosexuelles explicites.

Les années 80 et 90 sont plus difficiles pour Friedkin , que ce soit La Nurse son retour au films d’horreur plutot raté, le drame sportif Blue Chips avec Nick Nolte , le film noir psychosexuel à la Basic Instinct , Jade ou Rampage un film contre la peine de mort qu’il remontera étant devenu entre-temps favoravle à la peine capitale . Dans cette période néanmoins, emerge un de ses meilleurs films Police Federale Los Angeles (To Live and Die in L.A) avec une fantastique poursuite en voiture, un twist dement mais surtout un film qui anticipe le style des thrillers des années 80 de Michael Mann (les deux hommes nourriront une detestation profonde Friedkin l’accusant de lui avoir « volé » William Petersen pour Manhunter, un projet qu’il avait lui-meme caressé). Friedkin revient à la télévision réalisant des épisodes de Tales from the Crypt, The Twilight Zone, Space Quest et C.A.T. Squad au début des années 1990 ainsi qu’un remake télévisé de 12 Hommes en colére en 1997.

Son retour aux films de studios dans les années 2000 avec les thrillers L’Enfer du devoir et Traqué (les deux avec Tommy Lee Jones) est peu concluant mais il retrouve les grâces de la critique avec deux adaptations de piéce de Tracy Letts (mari à la ville de Carrie Coon) avec le huis-clos Bug en 2006 avec Ashley Judd et Michael Shannon et le thriller sudiste classé NC-17 en 2011 Killer Joe avec Matthew McConaughey et Gina Gershon.
Il se raconte dans son autobiographie cash, passionnante et rythmée, Friedkin connection: Les Mémoires d’un cinéaste de légende (à nos yeux un des meilleurs livres sur le cinéma) publiée en 2014 et devint dans les dernières années de sa vie un conteur et une figure de la pop-culture, multipliant les masterclasses et les interviews provocantes. Il venait d’achever son dernier film The Caine Mutiny Court-Martial, adapté comme souvent dans sa carriere d’une pièce de théatre, qui devrait etre présenté au Festival du film de Venise cette année. Si Hurricane Bill (son surnom) quitte la scéne on peu sans beaucoup de risques penser que son nom ne s’effacera pas de sitôt de la mémoire cinéphile, on prend le pari ici que même dans un siècle encore French Connection et The Exorcist seront toujours dans la conversation pour faire la liste des plus grands films de tous les temps.
Catégories :HALL OF FAME








































































































































