![]()
SYNOPSIS : États-Unis, années 1970. Cecilia Lisbon, dernière- née d’une fratrie de cinq filles, vient de faire une tentative de suicide. Pour changer les idées de leur benjamine, les parents acceptent d’organiser une fête à laquelle sont conviés des garçons du quartier, depuis toujours fascinés par ces cinq sœurs à la beauté renversante. Au cours de cette soirée, Cecilia se jette par la fenêtre. Dès lors, les filles Lisbon, au nombre de quatre, vont être de plus en plus étouffées par leurs parents surprotecteurs, jusqu’à la tragédie ultime…
Virgin Suicides est l’adaptation du roman éponyme de Jeffrey Eugenides paru en 1995. C’est le premier long métrage de Sofia Coppola, et ça ne se voit pas !!! Au-delà de possiblement une histoire évidemment génétique ou du moins de contexte éducationnel, elle est styliste de formation, elle a été directrice photo et dans Virgin Suicides, comme dans tout ce qu’elle va créer ensuite pour le cinéma, là, ça se voit !! Ce qui la guide si puissamment aussi, est cet art permanent de la suggestion. Les prémices du culte absolu du non-dit et de l’intelligence infinie des situations, si jouissifs dans le chef-d’œuvre Lost In Translation (2003) sont déjà avec Virgin Suicides particulièrement prégnants. C’est aussi son amour pour le décalage de ses personnages, pour ces êtres un peu paumés, pour ce qui n’est pas si clair ou tranché, pour ce qui flotte, car ça bouleverse et la vérité n’en est jamais éloignée. Virgin Suicides, c’est donc tout de suite la baguette magique de la fée Sofia Coppola. A peine 3 minutes de film, et déjà l’envoutement irradie l’écran. Un grain de photographie feutré et perçant, une bande son spectrale et planante, des dialogues où chaque mot nous transperce. Sofia Coppola, c’est une artiste de la mise en scène, une créatrice du récit. Tout est léché, sans être calculé, tout est stylisé sans être surjoué. C’est un véritable esthétisme de l’émotion. Jamais surfait, elle érige l’authenticité et la sincérité au rang d’art qui chavire.

Face à une tentative de suicide et les propos d’un médecin dégoulinant de paternalisme, une réponse glaçante de la jeune rescapée qui dit tout de l’intelligence absolue que porte Virgin Suicides : « Manifestement docteur, vous n’avez jamais été une fille de 13 ans… « . C’est ici tout cet « emprisonnement d’être une fille « , majoré par ce huis-clos familial catholique intégriste qui ne dit pas son nom. Plus un interdit est posé tel un blasphème, plus l’envie de le briser, plus la tentation de franchir l’immonde rubicond, seront amplifiés, densifiés. Et surgit Trip Fontaine !! Personnage iconique, au physique si avantageux de petit minet irrésistible et au prénom prédestiné à toutes les faire craquer. Sauf (du moins au début) la sublime Lux. Évidemment, vu qu’elle l’ignore initialement, le bipède prédateur va forcément jeter sur elle son dévolu. Ce qui nous résiste nous attire immanquablement. Elle va devenir le centre de son monde dès le premier regard. La maladie d’amour frappe encore et toujours. Puis, c’est une succession de scènes qui nous amène au drame que l’on connaît. Et à chaque fois, c’est comme si Sofia Coppola savait réinventer sur tous les plans la grâce, l’élégance et l’éloquence dans la même minute filmique. Avec elle, le cinéma est plus que jamais un art.

Après une nuit d’amour qui n’en est pas, car toujours, l’amour c’est mieux avec l’amour, le plan de la virginale Lux, qui justement ce matin là ne l’est plus dans sa robe immaculée, désespérément seule au milieu de cet immense terrain de foot dans sa rosée matinale, est d’une splendeur évanescente sur la forme. Sur le fond c’est la terrifiante solitude et l’horrifique décadence de celle qui s’est faite mal aimée par un vendeur de rêves, qui n’est pas autre chose qu’un minable petit mec comme il en existe trop. Les conséquences en seront démoniaques, sous couvert de la bénédiction divine. Pour des parents fondamentalistes de la pensée, qui seront les premiers bourreaux des vierges suicidées. Des parents qui brulent les disques de Kiss et d’Aerosmith, comme aux pires heures de l’inquisition religieuse. Au bucher les pêchers. Alors privées ainsi de leur libre-choix, les vierges en forceront le passage en optant pour la plus ultime des libertés, contre lesquels les geôliers maléfiques de l’enfer ne pourront cette fois-ci rien faire. Virgin Suicides est un film empreint de sororité, qui sans jamais le déployer verbeusement est à la gloire de l’intelligence féminine, au travers notamment les regards des voisins sympathiques d’en face qui eux paraissent tellement petits et totalement à la main des frangines et de leurs exquises voluptés. Le dernier plan, cette musique de Air, on frissonne et là où elles sont mortes, nous sommes plus vivants que jamais.

Comme si tous les talents en même temps ne suffisaient pas, Sofia Coppola sait dans sa direction d’acteurs faire vivre ses personnages avec une vérité éclatante. Kirsten Dunst est magnétique, c’est une véritable centrale électrique à chacune de ses apparitions. Pas étonnant quelle devienne muse de sa réalisatrice à nouveau en 2006 dans le rôle de Marie-Antoinette. Les blessures du personnage de Lux, ses envies autant légitimes que frivoles, sa légèreté conséquente d’une souffrance si violente sont sublimées pas l’actrice. Elle écrase tout, et on en redemande sans cesse. James Woods est un papa des filles confondant d’une violence morale, et bien sûr Josh Hartnett interprète un Trip Fontaine atrocement stéréotypé en petit homme des cavernes avec justement l’intelligence d’alterner le vernis clinquant et la crapulerie intérieure. Virgin Suicides demeure une œuvre majeure sur l’atrocité de l’empêchement des velléités des émancipations, ici féminines, mais par extrapolation de toute la condition humaine. Le poids des aveugles dogmes. La cinéaste sublimera ce récit pas la splendeur de son atmosphère, c’est inégalable, c’est un bouleversement.

Titre Original: VIRGIN SUICIDES
Réalisé par: Sofia Coppola
Casting : Kirsten Dunst, James Woods, Kathleen Turner …
Genre: Drame
Sortie le : 27 septembre 2000
Reprise le : 12 juillet 2023
Distribué par: CarlottaFilms
CHEF-D’ŒUVRE
Catégories :Critiques Cinéma, Les années 2000








































































































































