Critiques Cinéma

RUBY L’ADO KRAKEN (Critique)

SYNOPSIS : Âgée de 16 ans, Ruby Gillman est aussi maladroite qu’adorable. Elle tente désespérément de trouver sa place au lycée d’Oceanside, où elle a l’impression d’être totalement transparente. Elle donne des cours de soutien en maths à un jeune skater dont elle est secrètement amoureuse, mais qui ne semble admirer chez elle que sa capacité à résoudre des équations. Et de toute façon, elle ne peut pas fréquenter les élèves les plus intéressants du lycée, car sa mère qui la surprotège, lui a formellement interdit de se baigner dans l’océan. Mais le jour où elle lui désobéit et brise cette règle d’or, elle découvre qu’elle est la descendante directe de la lignée des reines guerrières Kraken, et qu’elle est destinée à monter sur le trône jusque-là occupé par sa grand-mère : la reine guerrière des Sept mers. Les Kraken ont prêté serment de protéger les océans du monde entier de la cupidité et de la vanité des sirènes, leurs ennemies jurées. Le seul véritable problème pour Ruby est qu’elle va donc devoir s’opposer à Chelsea, la nouvelle la plus jolie et la plus populaire du lycée qui se trouve justement être une sirène. Ruby devra alors embrasser son destin et s’imposer pour protéger ceux qu’elle aime le plus. 

Dans le domaine de l’animation américaine, le vent est à la transformation. Alors que Sony Pictures repousse les limites du médium et du multivers avec la réussite Across the Spiderverse et que Disney/Pixar oscillent entre redites thématiques et renouvellements graphiques sans encore oser prendre la tangente, un autre studio tente également de suivre le courant en armant une mutation de son art. La machine Dreamworks, après avoir fait rêver les enfants du monde entier avec leurs sagas désormais cultes (Shrek, Dragons, Kung Fu Panda, Madagascar et on en passe) s’est pourtant fait remarquer l’année passée avec deux films – à la fois réussites critiques et succès au box-office – qui se distinguaient habilement de leurs prédécesseurs pour s’aventurer dans « l’animation new gen ». L’objectif de ces Bad Guys ou du deuxième volet du Chat Potté ? Remettre la mise en scène au centre du médium, afin de profiter au maximum de son potentiel narratif et visuel. Dans cette lignée, Dreamworks réinvente le monde aquatique dans leur nouvelle production Ruby l’Ado Kraken, lequel tombe comme un délicieux pied-de-nez aux sirènes de Disney récemment relookées en live-action.


On y suit Ruby Gillman, une adolescente d’Oceanside – une petite ville côtière – qui cache un lourd secret. Elle est un kraken, une espèce incomprise de protecteurs des mers pris à tort pour des monstres sanguinaires. Avec sa famille kraken, Ruby tente de s’intégrer parmi les humains de son lycée, bien qu’elle se sente constamment à l’écart et trop différente pour ce petit monde. Un jour, Ruby saute malencontreusement dans l’eau – chose que sa mère a lourdement interdit à sa famille – et se transforme en un kraken géant en plein milieu de la ville. Découvrant alors un autre monde sous l’océan, celui de son espèce et de sa famille, Ruby va alors faire face à son héritage, à sa différence et à ces menaçantes sirènes qui tentent de détruire le Royaume des krakens…


Par son aspect coming-of-age, le traitement de l’influence du trauma générationnel, les tribulations modernes de la relation mère/fille, son portrait de la différence et sa métaphore adolescente pas vraiment subtil, ce Ruby l’Ado Kraken se veut aventure familiale contemporaine, suivant les mutations de la société pour traiter encore plus en profondeur de tous ses sujets de fond. Mais là où le film coince, c’est que Pixar a déjà signé l’année dernière une proposition qui faisait exactement la même chose – en mieux… Avec Alerte Rouge, le studio avait composé un joli teen-movie joyeusement chaotique, habile à la fois dans le traitement de ses personnages et dans l’image de cette adolescente qui se transformait subitement en créature géante contre son gré. Ruby fait alors figure éclatante de redite, tant il explore les mêmes idées et la même propension à laisser reposer la narration sur l’imagination de son héroïne. Au final, Ruby Gillman est en terrain déjà balisé, déroulant alors une histoire rébarbative et pas fraîchement originale, profitant à peine de son humour un peu too much et de son intrigue pas aidée par des twists devinables dès l’introduction. Et s’il tente tout de même de délivrer son quota d’émotions par le prisme de cette relation mère/fille et de l’acceptation de la différence, le film semble déjà essoufflé, n’ayant pas grand-chose à apporter sur le sujet et profitant d’un rythme un peu cadenassé qui manque le coche en mettant presque entièrement de côté l’aspect teen-movie dans sa seconde moitié au profit de son aventure sous-marine.


En dépit de toutes ses bonnes intentions, Ruby l’Ado Kraken ne fonctionne jamais vraiment comme il le voudrait, un peu desservi par une esthétique qui manque clairement de richesse et un character design étonnamment plat (là où un monde humain investi de sirènes et de krakens aurait pourtant pu être un terrain de jeu passionnant). Et bien que l’animation soit habilement fonctionnelle – même si la mise en scène aurait mérité plus de relief – proposant ci et là quelques images intelligentes, on reste clairement sur notre faim avec ce projet au pitch alléchant qui cède aux sirènes de l’efficacité. Le casting s’en sort pourtant décemment, avec Lana Condor dans le rôle-titre, en compagnie de Toni Collette (la maman), Jane Fonda (la grand-maman) et Annie Murphy (la simili-Ariel égocentrique) autour d’elle. Mis en boîte par Kirk DeMicco et Faryn Pearl, Ruby l’Ado Kraken déçoit dans son ensemble, jamais vraiment à la hauteur de sa promesse. Avec un scénario hautement balisé et des dialogues ados qu’on imagine écrits par des scénaristes adultes inspirés par Tik Tok, le nouveau projet Dreamworks fonctionne à demi-régime, assez efficace pour ne pas couler, mais pas suffisamment audacieux pour nous emporter sous l’océan. On retiendra quand même un joli cœur Kraken caché sous les tentacules apparentes, qu’on reconnaît sans mal, et qui aurait mérité d’être mieux habillé et raconté avec plus d’imagination.

Titre Original: RUBY GILLMAN, TEENAGE KRAKEN

Réalisé par: Kirk DeMicco, Faryn Pearl

Casting : Lana Condor, Toni Collette, Jane Fonda …

Genre: Animation, Aventure, Famille, Action, Comédie

Sortie le: 28 Juin 2023

Distribué par : Universal Pictures International France

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