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SOUS CONTRÔLE (Critique Saison 1 Épisodes 1X01-1×03) Une promesse de divertissement pleinement tenue…

SYNOPSIS: Marie Tessier, 45 ans, directrice d’une ONG, est nommée ministre des Affaire étrangères le jour où cinq Européens, dont deux Français sont pris en otages par des terroristes au Sahel. En faisant de cette crise une affaire personnelle, Marie va franchir rapidement toutes les lignes rouges en s’efforçant de donner l’impression que tout est sous contrôle.

Le premier de gage de qualité de Sous contrôle se retrouve dans le nom de son réalisateur, Erwan Le duc, à qui l’on doit l’excellent Perdrix (2019). Il dit de sa série qui nous intéresse aujourd’hui :  » C’est une comédie politique, dans la veine des séries d’Armando Iannucci (Veep, The thick of it), avec un humour à l’anglo-saxonne, un rythme échevelé et une écriture très précise. C’est un projet excitant à réaliser, parce qu’assez complexe, avec beaucoup de décors, de personnages, une comédie de bureau mais aussi d’action et d’aventure. « 

Sous contrôle s’inscrit clairement dans un registre satirique dans cette alternance permanente entre volatilité du pouvoir, mise à mort cynique des idéaux et des voyages réguliers en absurdie. L’effet escompté et qui fonctionne indéniablement n’est pas l’accumulation d’éclats de rires incontrôlables, mais plutôt un rictus permanent et une stimulation de notre appétence naturelle à se réjouir de la faiblesse du pouvoir. Pour autant, Sous contrôle ne tombe jamais dans le piège du poujadisme car si les vannes sont pour la plupart du temps incisives, elles ne sont jamais agressives. Le comique de situation est sans mépris, mais plutôt fin et ancré dans l’authentique. C’est sans doute le plus grand mérite de la série, à savoir assurer ce difficile équilibre, en parvenant à nous divertir.

Quand Marie Tessier, ministre chef de la diplomatie française gère la libération des otages de sa salle de bains avec son masque de visage et sa brosse à dents, on pensera inévitablement à l’excellent L’exercice de l’état (2011) où le non moins excellent Olivier Gourmet apprend qu’il décroche le ministère qu’il convoitait tant… aux toilettes, alors qu’il est sur le trône. Une saillante symbolique. C’est en tous les cas la relativisation du pouvoir dans sa banalité métaphorique la plus affligeante. La femme ou l’homme de pouvoir ramené à son statut de femme et d’homme. Sans parler de ce président ridicule, sorte d’ersatz de Macron, qui colle ses chewing-gums sous son bureau doré de l’Élysée, et qui teste un col Mao pour récupérer un électorat de gauche qui doute (pléonasme…). C’est ainsi toute la série qui déploie sans forcément beaucoup de nouveauté mais avec une belle énergie le délétère triomphe de la communication sur les convictions.

Et évidemment dans Sous contrôle, rien n’est réellement contrôlé, sauf le rire. Le dérapage est permanent, car parfois la nature humaine reprend ses droits derrière la machinerie glacée, mécanique et robotisée du costume politique. Si l’ironie est un support, elle démontre avec un cynisme percutant la précarité du pouvoir ministériel. C’est ainsi toute la mise en scène qui s’inscrit dans le tourbillon permanent d’un pouvoir qui brasse de l’air sans en modifier la direction. Les runnings gags remplissent pleinement leur office avec notamment le chauffeur attitré du ministère éternellement nostalgique de l’époque Kouchner, qui est aussi agaçant que le cultissime  » Et une fois au stage d’été  » d’American Pie (1999) !!

Ce que montre aussi subtilement, sous la couverture humoristique Sous contrôle est à quel point, dans les arcanes du pouvoir, finalement on colmate, on démine, mais on ne change pas fondamentalement les choses, et à quel point évidemment la frustration est omniprésente. Sans doute aussi que les électeurs ont les élus qu’ils méritent, et comme disait à peu de choses près, pour le coup le maître absolu de l’ironie politique, Winston Churchill :  » Vous voulez être dégouté de la démocratie ? Passez 5 minutes avec un électeur lambda « . Léa Drucker est impeccable en femme de pouvoir. Déjà dans Le monde d’hier (2021), sa densité était éloquente. Ici, elle est une femme de combat, une militante désarçonnée. Elle nous embarque dans son envie d’y croire autant que dans ses grandes désespérances. Elle peut devenir très amusante dans cette série d’accommodements et dans ses micros rafistolages qu’elle tente souvent en vain, de faire exister. Samir Guesmi est un directeur de cabinet tout aussi crédible, et qui anime avec convictions un personnage très classique dans le genre ici en question. Laurent Stocker, en président imbécile, sait définitivement tout faire. C’est toujours un plaisir de le voir manier tous les registres. Et clairement dans l’absurde, ici il excelle. Son sens du burlesque est doucement hilarant, il est juste génial !! Finalement Sous contrôle, avec pour autant un petit air de déjà vu réussit le pari de nous amuser, tout en nous amenant des interrogations malheureusement redondantes sur un modèle démocratique qui questionne sur son usure et même sans doute sur son inévitable et inquiétante érosion. L’essentiel dans Sous contrôle est quand même ailleurs, dans cette promesse de divertissement, qui est pleinement tenue.

Crédits : Arte

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