SYNOPSIS: Daniel, un chanteur raté, travaille dans un magasin d’électroménager. Prêt à tout pour rembourser ses dettes et se retrouver sous le feu des projecteurs, il décide d’utiliser Stéphane, un collègue naïf et prétentieux, pour participer à des jeux télévisés. Alors oui tout les oppose, non ça ne sera pas de tout repos, mais Daniel et Stéphane sont plein de ressources…
Le souvenir si jubilatoire de La Folle Histoire de Max & Léon était encore trop frais dans notre esprit pour que l’envie de découvrir la prochaine O.P.A comique de la bande du Palmashow (Jonathan Barré à la réalisation, le duo Ludig/Marsais au casting, le trio au scénario) sur une comédie hexagonale qui ne cesse d’asseoir sa dimension industrialisée et masochiste. Pour le coup, changement de direction : après la comédie d’aventures ample, fendarde, ambitieuse et légèrement provocatrice, ça lorgne ici du côté de la comédie sociale avec le monde de la télévision – et plus précisément des jeux télévisés – en guise d’arrière-plan. Soit le destin de deux losers (l’un chanteur raté en quête de célébrité, l’autre acheteur compulsif d’appareils technologiques) qui, en s’inscrivant à un ersatz du Juste Prix (un jeu qui ne parlera sans doute pas trop à un public de moins de vingt ans !) au moment même où le mur du chômage leur arrive en pleine face, foncent tête baissée dans une attitude kamikaze, croyant dur comme fer à leur talent alors que le monde de la télévision ne cesse d’exploiter leur bêtise pour faire grimper l’audimat. Le mot « satire » se met alors à clignoter en rouge de toutes parts, et on sent alors Les Vedettes bien parti pour s’inscrire dans une longue tradition de films internationaux qui, de Network à Reality en passant par Mon idole et En direct sur Ed TV, ont su poser un regard tantôt drôle tantôt atypique sur la télévision. Or, c’est précisément là que ça coince.
Le fait que les deux personnages joués par Grégoire Ludig et David Marsais ne soient jamais vraiment attachants est déjà un signe en soi. Quand bien même le ton du film se veut clairement tendre dans sa façon d’accompagner la quête d’absolu de ses deux héros en pleine détresse existentielle (et ce en dépit de l’évidente bêtise teintée de mythomanie qui les caractérise), l’écriture du film ne les sert jamais parce que trop enchaînée à des scènes désormais plus convenues qu’autre chose (dont la dispute suivie de la réconciliation – un cliché inaliénable du genre qui n’arrive plus à étoffer quoi que ce soit !) ou à des enjeux dignes d’une fiction téléfilmesque pour prime-time de TF1 (le père divorcé qui doit sauver la maison de sa famille en difficulté, le geek dépensier qui n’arrive plus à payer le placement de son père en Ehpad, etc…). Cette volonté de prendre les classes populaires pour ne jamais faire l’effort de les élever ou de les enrichir par un quelconque effet de décalage (on ne voit actuellement que le duo Delépine/Kervern pour maîtriser ça jusqu’au bout des ongles) ne fait qu’assécher toute implication émotionnelle. Et de facto, la narration a vite fait de devenir relativement terne et schématique, en tout cas vraiment très loin de l’énergie foudroyante et imprévisible de Max & Léon.
A cela s’ajoute aussi un regard sur l’univers de la télévision qui enfile les tautologies (au mieux) ou tutoie la caricature (au pire). Au premier abord, reconnaissons que rares sont les films à avoir osé pénétrer de plein fouet l’univers des jeux télévisés, de leurs présentateurs multi-starisés et de leurs candidats qui bataillent pour briller devant l’écran. Sur ce domaine-là, Barré balance par-ci par-là quelques tacles bien sentis, surtout grâce à l’énergie d’un Julien Pestel décidément médaillé olympique pour incarner l’hypocrisie et la saloperie. Mais le film reste trop à la surface des choses, ne creuse pas assez les coulisses de cet univers de carton-pâte plus triste que festif, et plus gênant encore, ne prend pas à bras-le-corps son occasion de torpiller la télévision – et pas seulement la télé-réalité – en tant qu’école de l’humiliation généralisée. Ce dernier point se révèle être, en fin de compte, celui qui nous fait grincer des dents, ne serait-ce que parce que l’humour utilisé pour l’occasion a tôt fait de devenir source de questionnement. On ne prétendra pas que Les Vedettes n’offre ici qu’un taux extrêmement faible de drôlerie, car ce serait absurde : après tout, l’humour relève du domaine de la subjectivité, et il est certain que les spectateurs du film ne se marreront pas tous au même moment. Mais à la question « de quoi veut-on nous faire rire ici ? », le film fait un choix pénible : on ne rit pas « avec » mais « contre ».
Il suffit de prendre l’exemple du clip vidéo réalisé à mi-chemin par les deux compères – c’est sans doute la scène la plus susceptible de devenir culte – et projeté aux futurs candidats d’un équivalent de N’oubliez pas les paroles à des fins de moquerie. On pourrait croire que l’intérêt de la scène suivrait le processus suivant : d’abord rire du ridicule qu’il déploie, ensuite sourire positivement de la candeur touchante qu’il dégage. Or, le simple fait de se cacher les yeux pendant la quasi-totalité de la scène, en refusant intérieurement d’assister à une humiliation publique et d’observer les réactions moqueuses des spectateurs, laisse à penser que le film se trompe de cible. Et elles sont hélas trop nombreuses, les scènes des Vedettes à suivre ce principe-là – grosso modo toutes celles qui prennent place sur un plateau de jeu télévisé et qui se transforment d’entrée en machines à humilier son prochain, cimentées et structurés par un découpage ad hoc. Plutôt que de singer le découpage de ces shows estampillés TF1 ou France 2, on aurait préféré voir Barré jouer sur la durée pour faire naître un malaise clairement recherché (mais les scènes sont hélas trop courtes pour y arriver…), orienter davantage l’action du film dans les coulisses de ces jeux pour torpiller ce qui mérite de l’être (mais on n’en reste ici qu’à la surface des choses…) ou encore ne pas s’en tenir à des caricatures outrancières qui ne vont pas au-delà de ce qu’un épisode des Tuche pourrait illustrer sur la télévision (présentateur tartuffe, producteur connard, secrétaire cruche, candidats benêts…). Quant au climax qui s’invite au cœur d’une émission de télé-réalité plus débile tu meurs, il entérine pour de bon cette idée d’un film qui se mord la queue, tirant vers la moquerie facile, sans distance satirique ni point de vue décalé. Un simple comparatif avec le superbe climax du Reality de Matteo Garrone s’avère même fatal en soi.
Cette sensation d’un film maladroit qui ne tape jamais là où ça ferait mal mais qui fait mal en tapant à côté est toutefois contrebalancée par une exigence de fabrication toujours au-dessus du tout-venant de la comédie française. Fort d’un emballage visuel qui fait d’abord faussement mine de jouer sur une photographie de téléfilm (un effet trompeur et bien négocié), Jonathan Barré déploie à nouveau la maîtrise visuelle qui avait fait le sel de Max & Léon, jouant à loisir sur les entrées de champ, la fluidité des plans, la précision des travellings et la nervosité du découpage. Avec ce bagage-là, le film tient son rythme à défaut de convaincre sur les autres points, et c’est au moins ça de gagné. On espère désormais que le troisième essai de la bande du Palmashow, peut-être éventuellement orienté vers un autre genre populaire et codifié, leur permettra de revenir à une proposition aussi fracassante que celle de leurs débuts cinématographiques. Le talent est là, aucune raison de ne pas garder confiance.
Titre Original: LES VEDETTES
Réalisé par: Jonathan Barré
Casting: Grégoire Ludig, David Marsais, Julien Pestel…
Genre: Comédie
Sortie le: 09 février 2022
Distribué par: Gaumont Distribution
PAS GÉNIAL
Catégories :Critiques Cinéma, Les années 2020