SYNOPSIS: Dans les dernières années de l’époque victorienne, la ville de Londres est assaillie par les « Touchées » : des personnes, principalement des femmes, qui se retrouvent soudainement dotées d’aptitudes extraordinaires. Certaines sont charmantes, d’autres très dérangeantes… Parmi elles, nous découvrirons Amalia True (Laura Donnelly), une mystérieuse veuve au coup de poing un peu trop facile et Penance Adair (Ann Skelly), une jeune et brillante inventrice. Elles sont toutes deux à la tête de cette nouvelle classe. Elles créent alors un foyer pour les « Touchées », tout en combattant les forces de… enfin, à peu près toutes les forces – pour faire de la place à celles et ceux que l’histoire, telle que nous la connaissons, aimerait oublier…
Si la décennie 2010 avait commencé sur les chapeaux de roue pour Joss Whedon, elle se sera achevée dans le scandale et les échecs. Partant en 2012 du succès colossal d’Avengers, suivi d’Age of Ultron déjà plus mitigé en 2015, son travail médiocre sur Justice League aura eu raison de lui, créativement. Outre son abandon du film Batgirl sur lequel il travaillait, son projet encore mystérieux pour HBO peinait à avancer. Mi-2020, l’annonce du Snyder Cut, en plus de jeter une lumière encore plus nauséabonde sur son travail, aura également été l’occasion pour Ray “Cyborg” Fisher d’exprimer ses plaintes concernant son traitement sur le tournage de Justice League. S’en est suivie une pluie de révélations de la part d’anciennes actrices, notamment sur Buffy et Angel, mettant en cause un comportement toxique. Des allégations telles que le groupe possédant HBO et Warner, a dû prendre une décision : son fameux projet pour HBO, il allait devoir en partir.
Si l’introduction de cette série est plus longue qu’à l’accoutumée, c’est qu’il faut bien comprendre le contexte dans lequel nous arrive enfin The Nevers, dont le pilote a été diffusé sur OCS en début de semaine. Pilotée par un Whedon pré-éviction, cette première salve d’épisodes est probablement l’une de ses dernières œuvres diffusées; la deuxième partie, reprise par d’autres showrunners, arrivera plus tard. Un drôle de modèle pour une série finalement assez conventionnelle. Son pitch est simple : dans l’Angleterre victorienne de 1896, des personnes se retrouvent dotées de pouvoirs surnaturels. Voir le futur, mesurer 3 mètres de haut, lancer des boules de feu, bref, des supers-pouvoirs comme s’il en pleuvait.
Emmenée par un duo de deux femmes, une bagarreuse et l’autre scientifique, The Nevers s’assume d’emblée comme un X-Men victorien. Amalia est un professeur Xavier moins chauve et moins “groovy”, mais elle gère, néanmoins, un grand refuge pour y accueillir les “Touched”, le nom donné à celles et ceux qui manifestent ces pouvoirs. Un statut qui, comme dans les X-Men, se révèle compliqué à gérer, et ce groupe doit affronter l’hostilité de la population, en plus de devoir affronter l’équivalent d’une Confrérie des Mutants, versant comme Magneto dans les actes de terreur. Ce n’est pas étonnant de voir Whedon adopter une structure similaire à un comic-book. Lui qui avouait son amour pour ses deux mutants préférés Quicksilver et Scarlet Witch quand il était chez Marvel Studios, voulait forcément continuer à creuser ce sillage pourtant entaché par sa Justice League. De ce côté-là, The Nevers emprunte un chemin très balisé, installant une petite zone grise tout en présentant des héroïnes badass comme il en écrit depuis le début de sa carrière avec Buffy, Dollhouse, entre autres. Mais le problème de Whedon, et qui se posait déjà sur son traitement de Black Widow, Scarlet Witch ou même Wonder Woman, c’est sa vision des femmes en 2020/2021.
ll est évident qu’en faisant de ses “Touched” des femmes en majorité, le propos sur leur exclusion de la société était l’une de ses préoccupations. Mais sur les 4 épisodes mis à notre disposition, on a surtout vu un mélange de “girl power” couplé à un discours très limité sur la place de la femme et son émancipation. Amalia se plaint de sa robe qui l’empêche de respirer ? Simple, elle va trouver en plein combat une astuce pour l’enlever, et se battre en sous-vêtements face à des adversaires. En refusant les instruments de féminité de leur époque, les femmes de The Nevers se retrouvent piégées quand même dans un regard masculin et paternaliste sur leur situation. Ce qui passait à l’époque de Buffy, à l’époque du quasiment inédit à la télévision, a un goût de réchauffé aujourd’hui, alors qu’on en attend plus en matière de caractérisation et d’écriture. Idem pour tout ce qui touche aux rares personnages noirs ou homosexuels de l’intrigue : leur présence fait office de parapluie, mais jamais leurs personnages sont autant creusés que les autres. Ironique, quand on sait que les X-Men étaient à la base une allégorie des combats raciaux et LGBTQ+.
Ce constat de réchauffé d’ailleurs, peut s’appliquer à l’ensemble de The Nevers : jamais spectaculaire visuellement, si ce n’est pour ses costumes et sa reconstitution de l’époque victorienne. Tout au plus, en sauve-t-on le binôme principal, énergique et qui y croit, composé de Laura Donnelly et Ann Skelly. Autour d’elles gravitent James Norton, Olivia Williams ou même Nick Frost, mais ils sont tous en pilote automatique, n’arrivant pas à apporter la conviction nécessaire à leurs rôles. Peut-on vraiment leur en vouloir quand on voit la mise en scène paresseuse et les dialogues loin des étincelles habituelles du style Whedon ? L’ironie étant que si ces premiers épisodes se veulent introductifs sur l’univers et les menaces que vont rencontrer les “Touched” – et donc bavards, ce sont les scènes dénuées de parole qui restent dans la mémoire : comme la scène de fin du pilote, accompagnée uniquement de la musique de Mark Isham. Aucune parole, juste une parenthèse poétique et mélancolique, qui rappelle les fragments de ce dont Whedon était capable, dans une autre vie de scénariste. The Nevers apporte malheureusement la confirmation qu’elle ne semble plus rien avoir à raconter de neuf.
Crédits: OCS / HBO
Catégories :Critiques Cinéma