SYNOPSIS: Le 29 Novembre 1864, une unité de volontaires de la Cavalerie du Colorado, comprenant 900 hommes, attaque un paisible village Cheyenne à Sand Creek. Les indiens levèrent un drapeau blanc et un drapeau américain. La cavalerie attaqua néanmoins, massacrant sept cents indiens – dont plus de 350 femmes et enfants. Plus de cent scalps indiens furent pris, des corps furent démembrés et il y eu de nombreux viols… »Ce fut peut-être le crime le plus ignoble et le plus injuste dans les annales de l’Amérique ».
A la suite d’une violente attaque cheyenne, Cresta Marible Lee (Candice Bergen), anciennement enlevée par les cheyennes, et Honus Gent (Peter Strauss), jeune incorporé de l’armée, sont les deux seuls survivants du massacre. Ces deux personnages totalement antagonistes vont apprendre à cohabiter ensemble afin de rallier Fort Reunion où Cresta doit rejoindre son futur époux. Quand on regarde de front l’histoire américaine, on est légitimement apeuré du nombre de fois où ce jeune pays a commis l’irréparable sur ses propres terres ou dans le reste du monde. Toutefois, le peuple américain sait se retourner sur son passé et y pointer ses défaillances ce qui en fait un pays aussi fascinant. Le réalisateur engagé Ralph Nelson n’est pas du genre à mettre la poussière sous le tapis et traite dans ses différents longs-métrages de racisme envers les Noirs et les Indiens pour mettre son pays face à ses responsabilités historiques. Les États-Unis ont en effet un lourd contentieux avec les amérindiens du fait de la colonisation européenne vers le XVe siècle. Soldier Blue traite d’un événement tragique qui eut lieu en 1848 : le massacre de Sand Creek par l’armée américaine.
Le réalisateur donne le tempo du film avant même le générique en rappelant que l’histoire de l’humanité s’est construite dans le sang et que les atrocités commises par l’Homme auront des conséquences irrémédiables et sans fin. Le film débute sur une grande scène d’action réaliste où Nelson va faire parler toute sa technique. Le metteur en scène nous offre ainsi une bataille parfaitement chorégraphié comme on peut le voir dans ces nombreux plans larges et nous dépeint également la cruauté avec laquelle les cheyennes vont anéantir le convoi américain : il n’y aura donc pas d’angélisme dans ce film alors qu’on aurait pu penser à une vision manichéenne du réalisateur. Un deuxième film, pourrait-on dire, commence à partir de cette scène de chaos. Un changement de ton radical est opéré par le réalisateur. Nelson nous propose de suivre les deux survivants de l’attaque qui paraissent à première vue à l’opposé l’un de l’autre. A la manière d’une screwball comedie, le metteur en scène va capitaliser sur le caractère de ces deux personnages pour créer à la fois des moments loufoques très cinématographiques et nous amener vers une vraie réflexion sur cette affrontement entre l’armée américaine et les amérindiens. Cette ballade sauvage et bucolique au cœur de l’ouest américain entre ses deux êtres va être le centre de ce second chapitre. Gent est ainsi un soldat jeune, discipliné, qui a une vision assez naïve sur ce conflit. On peut d’ailleurs comprendre le regard de Gent sur ce conflit : il vient de subir une terrible attaque et a failli y passer à de nombreuses reprises. Cresta est, quant à elle, une femme débrouillarde qui a déjà vu les conséquences dramatiques de ce conflit, ayant passé pas mal de temps dans les deux camps. Elle ne cache d’ailleurs même pas à Gent sa préférence envers le peuple cheyenne qui n’arrête pas de se faire massacrer par l’armée américaine. Il faut vraiment apprécier le travail de Candice Bergen (vue chez Mike Nichols un an plus tard dans Carnal Knowlegde au côté de Jack Nicholson) sur un tel film tant elle y est l’atout maitre. Elle surnage en femme forte et désabusée au milieu de ce casting masculin.
Au-delà de ses opinions politiques, Gent est assez mal à l’aise avec la manière d’être de Cresta notamment sa manière de parler et d’être à l’aise avec son corps. On sent le jeune soldat, fils de bonne famille, perturbé par cette fille qui boit, qui crache, qui a ses propres opinions, qui se ballade dénudée, qui le rabroue à la moindre occasion. On sent que son passage chez les cheyennes a endurci Cresta et est en parfait contraste avec la douceur de Gent. Ce voyage initiatique va profondément modifier le caractère de ce dernier qui s’affirme au fil du récit comme un homme courageux et attentif aux convictions de Cresta. C’est lors de la conclusion d’une poursuite infernale avec le machiavélique Cumber (joué par le toujours effrayant Donald Pleasance) que Cresta va de son côté laisser libre cours au romantisme qu’elle croyait perdu. On se doute depuis le début que ces deux antagonistes vont se rapprocher inexorablement vers une romance mais celle-ci ne sera finalement qu’une parenthèse dans cette période troublée.
En effet, Nelson répond à la première scène de son film par une dernière scène de carnage qui aboutit irrémédiablement à une défaite morale cinglante. Alors que les personnages de Cresta et Gent, diamétralement opposés, pouvaient constituer cette espoir de rapprochement par le dialogue, Nelson coupe court à cette maigre aspiration en filmant une scène d’une violence inouïe qui nous rappelle évidemment la fin apocalyptique de La Horde Sauvage sorti un an plus tôt. Le massacre d’enfants et de femmes marquent durablement la rétine pour le spectateur. Le soldat Gent y perdra le peu d’innocence qui lui restait et cette épisode restera comme une tâche indélébile sur l’histoire américaine. D’autant plus que le peuple cheyenne avait brocardé un drapeau blanc, signe de paix, avant la bataille. On pourra reprocher au film ce petit défaut scénaristique car on ne comprend pas trop le comportement des améridiens entre le début et la fin du film du fait de l’absence de traitement par Nelson. Cependant, il reste d’une puissance folle 50 ans après sa sortie et constitue une référence dans la compréhension de l’histoire contrariée avec les amérindiens.
Titre Original: SOLDIER BLUE
Réalisé par: Ralph Nelson
Casting : Peter Strauss, Candice Bergen, Donald Pleasence …
Genre: Western, Drame, Historique
Sortie le: 12 août 1970
Distribué par: Metro-Goldwyn-Mayer (MGM)
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Catégories :Critiques Cinéma
Jamais vu et dans ma to see list avec stalker et requiem d’elem klimov
plein de belles découvertes en perspective 😉