SYNOPSIS: Dans un monde où la technologie numérique a envahi nos vies, certains d’entre nous finissent par craquer. Addict ou technophobe, en famille ou à l’école, au travail ou dans les relations amoureuses, Selfie raconte les destins comiques et sauvages d’Homo Numericus au bord de la crise de nerfs…
Les fêtes de fin d’année viennent de se terminer, vous avez tous bien mangé et ouvert vos cadeaux : vous êtes jouasses, quelle surprise vous avez eu en découvrant sous le sapin un nouveau smartphone orné d’une belle pomme. L’occasion de prendre en photo l’imposante dinde de grand-mère Germaineet de la partager sur les réseaux sociaux. Les notifications Tinder se sont faites timides durant le réveillon mais vous avez constaté avec soulagement que la tristesse des gens avait repris du poil de la bête au nouvel an. Le réveillon a d’ailleurs été catastrophique : votre famille, déprimante comme chaque année, a plombé l’ambiance dès les premières minutes mais vous avez quand même tenu a demander à vos pairs de se tenir tranquilles le temps d’une trentaine de secondes, de leur faire esquisser un sourire faux mais expressif afin de prendre un selfie bon à rendre jaloux tous vos contacts qui croiront, malgré les improbables trognes des laiderons de votre fratrie (un filtre camouflera ce léger problème), à la soirée familiale de l’année. Selfie est une comédie française composée de cinq courts métrages : Vlog, Le Troll, 2,6/5, Recommandé pour vous et Smileaks. Le but est très simplement résumé par l’affiche du film qui sous-titre « de l’influence du numérique sur les honnêtes gens ». Si Selfie souhaite donc, saupoudré d’une bonne dose d’humour irrévérencieux, nous parler d’un sujet de société et qu’il fourmille de bonnes idées, il a néanmoins un défaut pour lui, et pas des moindres : c’est un film à sketches. Et le problème des films à sketches, genre dont nous ne sommes pas particulièrement friands, c’est qu’en plus de proposer des histoires d’une qualité inégale, nous avons souvent tendance à les oublier très vite. Alors, est-ce qu’on se déplace en salles ou est-ce qu’on reste à flâner sur Youtube ?
Si vous avez vu la bande annonce de Selfie vous savez un peu où vous mettez les pieds : véritable mix entre une comédie française à l’humour grinçant, et un p’tit frère borgne et boiteux de Black Mirror, la promotion du film a savamment sectionné les passages les plus drôles pour attiser votre curiosité. Si les courts métrages n’ont pas forcément tous le même intérêt, reconnaissons toutefois qu’il y a dans l’ensemble une qualité relativement homogène. Certains s’ancrent plus facilement dans notre quotidien tandis que d’autres, avec un côté un peu plus fantaisiste, nous obligent à prendre davantage de distance pour les savourer. Tous ont néanmoins ce point commun d’utiliser l’humour pour illustrer leurs propos. Afin de vous conserver la surprise nous ne rentrerons pas dans le détail desdits courts métrages mais brossons un rapide tour d’horizon de ces derniers pour voir de quoi il retourne exactement.
Vlog, avec notamment Blanche Gardin, est sans doute celui qui nous a le plus laissé de marbre (alors qu’il semblait lors la promotion du film être l’un des plus amusants). Donnant l’impression d’avoir été écrit par des « vieux », ledit court métrage ne propose pas grand-chose de plus que la bande annonce, sonne souvent faux, traite son idée sans aucun panache et de façon tout à fait convenue ; Blanche Gardin y fait du Blanche Gardin : autant vous le dire, sans être mauvais, il est tout à fait dispensable. Tous les autres sont heureusement d’un intérêt supérieur. Troll avec Elsa Zylbersteinet Max Boublils’avère assez fin et touchant, on se laisse très rapidement prendre au jeu de la naissance d’une relation épistolaire entre deux individus que tout oppose : le résultat est malin et plutôt mignon. 2,6/5 avec l’excellent Finnegan Oldfield est un peu plus fantaisiste : très axé sur la superficialité des réseaux sociaux et des applications de rencontres il se révèle assez riche et traite son sujet de façon amusante. Recommandé pour vous avec Manu Payet est très inventif : basé sur les algorithmes qui suggèrent en fonction des profils de chaque acheteur de nouveaux produits à ajouter au panier, le court métrage exploite son idée avec brio et pousse le personnage de Manu Payet, de plus en plus paranoïaque, dans ses derniers retranchements : l’un de nos favoris. Smileaks est sans doute quant à lui celui qui a le sujet le plus ambitieux : et si tout fuitait sur internet ? Tous vos messages privés, tous vos petits secrets, exposés au grand jour. Vos tromperies, vos médisances en libre-service…le chaos ? L’idée est brillante sur le papier et le court métrage l’exploite à sa façon, mais force est de constater qu’il y avait sans doute mieux à faire sur le sujet. Tout comme les précédentes histoires, et sans doute dans le but de se focaliser à fond sur les relations entre personnages, chaque nouveau segment du film a un aspect « »vase clos » où nous distinguons la bonne ou la mauvaise influence (le plus souvent la mauvaise) d’internet sur un petit groupe de péquins. Pour Smileaks c’est identique mais nous restons sur notre faim car les personnages n’ont à vrai dire jamais été autant en vase clos qu’ici : en plus d’être en petit groupe, les protagonistes sont sur une île isolée où il n’y a quasiment pas de réseau. Amusant au début mais finalement un peu frustrant à la longue, tout semble fait pour ne pas traiter le sujet jusqu’au bout…à quoi bon faire fuiter toutes les données du monde si les personnages triment autant tout le long pour y accéder ? Sans doute l’idée manquait-elle de temps à l’écran pour révéler tout son potentiel en faisant monter la tension tout en traitant efficacement derrière les répercussions sur tout ce beau monde. Aller voir Selfie au cinéma ne vous fera assurément pas passer un mauvais moment mais nous ne pouvons vous assurer que vous allez rire à gorge déployée, être subjugué par le traitement de l’ensemble, ni même avoir envie de le revoir une fois le film évacué. Selfie est le genre de petit bonbon qu’on nous donne gratuitement au moment de régler l’addition au restaurant : nous ne sommes pas mécontents de l’avoir mais c’est assez anecdotique.
Dans un monde où la frontière entre le cinéma et l’internet devient de plus en plus ténue, nous pouvons nous questionner sur l’opportunité d’y trouver Selfie dans un cinéma et si ce dernier était le meilleur canal pour le distribuer eu égard à la structure du film et à ses propos. Une comédie qui ne manque certes pas d’idées mais qui ne restera pas dans les annales, sans doute principalement à cause de sa nature de film à sketches. S’il s’avère parfois amusant et traite plutôt bien son idée de départ, il n’apporte rien de spécial au schmilblick. Alors baser son propos sur l’influence des écrans et d’internet au sens large, leurs impacts sociaux, être composé de sketches et en même temps sortir au cinéma nous laisse assez dubitatifs, mais peut-être le public répondra-t-il malgré tout présent (bien qu’au fond, nous pouvons nous demander à qui s’adresse exactement le film ?). Selfie justifie-t-il une escapade dans les salles obscures ? Rien n’est moins sûr.
Titre Original: SELFIE
Réalisé par: Thomas Bidegain, Marc Fitoussi, Tristan Aurouet, Cyril Gelblat, Vianney Lebasque
Casting : Manu Payet, Blanche Gardin, Elsa Zylberstein …