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Dans la guerre que se livrent les plateformes de streaming payant depuis quelques années, Netflix reste toujours numéro Un. Devant Amazon Prime, Hulu, My Canal ou OCS, le géant de la Silicon Valley tire encore son épingle du jeu, notamment grâce à ses immenses investissements dans la production ou l’achat de contenus exclusifs, labellisés Netflix Original. Avant une fin d’année 2019 qui promet de redistribuer quelques cartes dans le secteur, avec l’arrivée des nouveaux joueurs Peacock (NBC), HBO Max (Warner), Apple TV+ et surtout Disney +, chacun misant sur un catalogue de films, séries, documentaires ou émissions sinon originaux, à tout le moins exclusifs. Le nerf de la guerre? S’arroger des « marques » déjà connues du public (tout le catalogue Marvel, Pixar, Lucas Films pour Disney, ou encore les cultes Seigneurs des Anneaux ou Fondation, respectivement pour Amazon et Apple TV+) ou la collaboration de superstars que le public connait déjà: Spielberg ou M. Night Shyamalan pour Apple TV+, Shonda Rhimes (Grey’s Anatomy ou Scandal) pour Netflix, ou encore Phoebe Waller-Bridge (et ses trois Emmys récemment remportés) pour Amazon Prime . Netflix a déjà pu mettre à l’épreuve cette dernière tactique, visant notamment à collaborer avec des auteurs ou producteurs aux succès critiques reconnus: Cary Fukunaga (True Detective) pour Beasts of no Nation, le Palme-d’Orisé Bong-Joon Ho pour Okja, ou encore, à venir, la légende Scorsese pour son projet développé depuis près de 15 ans, The Irishman. On retrouve également sur la plateforme tout un ensemble d’œuvres originales de réalisateurs moins « mainstream », avec à leur actif un ou plusieurs succès critiques, parfois publics, et aux manettes de films de genres dont apparemment les abonnés Netflix sont friands (on n’a pas les chiffres, puisqu’ils ne sont pas rendus publics, mais la plateforme ne les produiraient pas si personne ne les regardait). On peut compter des John Lee Hancock (The Highwaymen), Dan Gilroy (Velvet Buzzsaw), ou encore David Ayer (Bright).
C’est dans cette catégorie que s’inscrit In the shadow of the moon. Jim Mickle, son réalisateur, avait été remarqué par la critique en 2014, avec son thriller très réussi et très noir Cold in July. Ici, il pousse l’exercice du film de genre un cran au-dessus: son film trouve ses forces, et paradoxalement ses faiblesses, dans le mélange des genres assumé qu’il impose. Film noir qui lorgne vers le thriller, récit de science-fiction aux nombreuses scènes d’action, ou encore drame familial saupoudré d’enjeux politiques, In the Shadow of the Moon est ce que l’on peut appeler une série B inclassable.
Son scénario est malin, avec un récit ou les ellipses (les séquences successives du film se déroulent tous les 9 ans) font autant avancer l’action que ce que l’on voit à l’écran. Le film démarre très fort: dans un Philadelphie de la fin des années 80 à l’ambiance poisseuse digne des meilleures œuvres du genre, l’officier de police Thomas Lockhart (Boyd Holbrook, découvert dans Narcos) tombe sur trois cadavres aux marques étranges. Ce qu’il découvrira dans les quelques heures qui suivent changeront radicalement le sens de son existence. Tous les neufs ans donc, son enquête avance, d’abord de manière relativement classique. Puis très vite, des éléments particulièrement perturbants viennent tout remettre en cause. Beau, très dynamique, avec un solide interprète principal, In the Shadow of the moon est un bon divertissement, avec des références qui vont de Zodiac à Terminator (!). Pas à pas, entre science-fiction, complotisme, et folie, le récit prend une direction complètement inattendue. Un peu comme les premières et troisièmes saisons de True détective (autre influence palpable), chaque décennie visitée a sa propre couleur, sa propre atmosphère, souvent calquée sur l’état d’esprit de Lockhart. Et c’est bien lui notre fil rouge, dans ses hauts et ses bas, dans ses doutes et ses coups de sang, qui nous fait avancer dans une histoire dont on prend rapidement conscience quelle est vertigineuse. Si révéler davantage l’intrigue serait spoiler les ressorts du film, attendez-vous cependant à tenter dès le départ de deviner ce que sera la fin. Pour être honnête, il est fort probable que vous trouviez avant le personnage principal du film.
Car si les sauts dans le temps, l’enquête au long court de Lockhart et les changements de registre du film au fur et à mesure qu’il avance font tout le sel de In the shadow of the moon, c’est également là que l’on trouve les limites de l’exercice. En tentant de mener plusieurs récits de front d’abord: mêler autant d’intrigues est un art que peu de réalisateurs maitrisent à la perfection. S’il est un solide artisan, Mickle n’est pourtant pas (encore?) un maître. Ensuite, en introduisant maladroitement une double lecture lors de ses chapitres centraux (Lockhart est-il fou? A-t-il raison contre tous?) Mickle ne fait pas mouche, car depuis le premier quart du film, le spectateur a plus ou moins compris ce qui se passe. Par ailleurs, en jonglant avec certains sujets pièges, le réalisateur tombe plus ou moins dedans: une tentative de message #Blacklivesmatters dont on se demande ce qu’il fait là, ou un drame familial certes plus crédible, mais au final plus opportun que vraiment intégré au récit.. Enfin, on a le désagréable sentiment que le réalisateur sous-exploite certains de ses personnages secondaires: Michael C Hall, Dexter devant l’Éternel, dont on ne sait pas si on doit l’aimer ou le détester dans ce film; Maddox, le partenaire de Lockhart (le second couteau Bokeen Woodbine), qui aurait mérité un peu plus d’épaisseur; ou encore le scientifique Naveen Rao, joué par Rudi Dharmalingam, dont le rôle, pourtant essentiel, est quasi passé sous silence. Il faut pourtant se rassurer, ces défauts sont frustrants uniquement parce que In the Shadow of the Moon a un léger goût d’inachevé. On sent qu’avec un poil plus de budget et une écriture plus resserrée, le film aurait pu être un peu plus marquant, surtout pour une œuvre exploitée sur Netflix. Rien de grave, il reste un très bon divertissement, qui vaut les 1h55 passées devant.
Titre Original: IN THE SHADOW OF THE MOON
Réalisé par: Jim Mickle
Casting : Michael C. Hall, Boyd Holbrook, Cleopatra Coleman …
Genre: Thriller
Sortie le: 27 septembre 2019
Distribué par: Netflix France
TRÈS BIEN
Catégories :Critiques Cinéma