SYNOPSIS: Un homme tué durant la guerre du Vietnam revient inexplicablement chez lui en tant que zombie.
Bob Clark est sans doute l’un des réalisateurs américains dont la redécouverte de la filmographie réserve le plus de surprises, au point où on finit par se dire qu’il n’a pas la moitié de la reconnaissance qu’il mériterait, non qu’il soit seulement victime d’une injustice ou de l’ingratitude des cinéphiles, tant il se sera largement sabordé par des choix absolument incompréhensibles après un brillant début de carrière. Celui qui découvrira New York Cowboy (1984), Les P’tits génies 1 et 2 (1999/2004) ou encore Karate Dog (2005) sera tout à fait légitime à penser que le metteur en scène derrière ces improbables nanars est aussi médiocre que le contenu de ces films. En vérité, la filmographie de Bob Clark pose une question à laquelle nous sommes souvent confrontés lorsque l’on juge une filmographie: faut-il la considérer dans son intégralité et la réduire à la note moyenne de l’ensemble de ses films ou n’est-il pas plus pertinent et plus juste, de regarder d’abord quels en sont les sommets? L’auteur de ces lignes a toujours préféré cette seconde approche. La carrière d’un réalisateur peut basculer pour des raisons qui ne dépendent pas que de son talent et il n’est par ailleurs pas infamant de considérer que certains réalisateurs n’ont peut être en eux qu’un deux ou trois grands films, sans qu’il faille ensuite les vouer aux gémonies pour avoir voulu continuer à travailler sur des projets moins personnels.
Le fait est que, quels que furent ses errements, Bob Clark a réalisé deux films qui sont des références dans leur genre et qu’il aura certainement pâti d’être dans l’ombre de deux géants qui ont préempté le genre dans lequel ils se sont révélés. S’il a crée le genre du slasher avec Black Christmas (1974), ce titre est généralement décerné à John Carpenter pour l’immense succès public et artistique d’Halloween. De même, avec Le Mort Vivant (1974), avant même George Romero (La Nuit des Morts Vivants n’ayant pas, de notre point de vue, un sous-texte politique aussi fort que ses itérations), Bob Clark se servait du film de zombie pour porter un propos résolument politique et, en l’occurrence, une critique de la guerre du Vietnam. C’est par ailleurs sur ce film que débuta le légendaire Tom Savini avant de collaborer avec George Romero sur Martin, Zombie et Le Jour des Morts Vivants. Quatre ans avant Voyage Au Bout de L’Enfer (Michael Cimino, 1978) ou encore Coming Home (Hal Ashby, 1978), Le Mort Vivant est l’un des premiers films à traiter des conséquences de la guerre du Vietnam sur ses soldats et leur famille, à montrer l’impossible retour à une vie normale de soldats revenus de l’enfer. Passée par le prisme du film de zombie, l’allégorie est particulièrement pertinente, confirmant ce que beaucoup de cinéastes actuels ont oublié: un film de genre ne perd pas de sa force, bien au contraire, en s’ancrant dans son époque et en portant un regard sur celle-ci.
Au moment de la sortie du film, en 1974, les derniers soldats américains sont rentrés au pays depuis plusieurs mois suite à la signature des accords de Paris mettant fin à l’engagement des troupes américaines. Au drame des familles qui ne verront jamais revenir leurs proches s’ajoute un drame plus silencieux, celui d’hommes à jamais changés/brisés par le conflit, dont une partie d’eux-mêmes a été perdue au Vietnam, qui reviennent étrangers à eux-mêmes et à leurs familles, prisonniers d’un syndrome post-traumatique face auquel la société se montre impuissante quand elle ne ferme pas les yeux. Le récit d’Andy et du drame vécu par sa famille, fut-il traité par le genre, est donc le récit de milliers de familles brisées par la guerre. Le scénario ancre solidement le récit dans la réalité sociologique de l’époque dans la façon dont il représente les parents d’Andy : une mère aimante et protectrice, un père patriote et autoritaire, soucieux de voir son fils ne pas se soustraire à ses obligations militaires et devenir un « vrai homme ». Si les dialogues vont à l’essentiel et que le tableau paraît, de fait, un peu caricatural, la grande chance du film de Bob Clark est de pouvoir s’appuyer sur des excellents acteurs, loin de ceux qui semblent cantonnés aux films de genre. Les parents d’Andy sont en effet interprétés par John Marley et Lynn Carlin, déjà mari et femme devant la caméra de John Cassavetes (Faces, 1968), qui incarnent un couple parfaitement crédible et donnent de l’épaisseur à des personnages dont seules les grandes lignes sont écrites.
Le film s’ouvre sur la mort d’Andy (Richard Backus), tué au combat, alors qu’il restait sans réaction après avoir vu mourir sous ses yeux l’un de ses camarades. La bascule du drame vers le fantastique va s’opérer avec la réapparition d’Andy, quelques heures après qu’un officier de l’armée ait annoncé sa mort à ses parents. Sur une trame de départ classique de drame familial, le film s’ancre solidement dans son époque et dans les enjeux de cette famille dans laquelle Andy revient alors que tout espoir s’était envolé. Richard Backus, acteur venu du théâtre, dont ce sera le seule et inoubliable apparition au cinéma, entretient parfaitement l’ambiguïté sur ce jeune homme incapable de reprendre sa place dans sa famille, étranger aux siens et à lui-même, qui s’isole de plus en plus, jusqu’à rejeter celle (sa petite amie) et ceux qui l’aimaient. Dans un rôle quasiment muet, il parvient par son regard à faire ressentir toute la rage qui gronde et qui monte derrière son état quasi neurasthénique. Le film montre aussi le fossé générationnel et l’incompréhension qui existe avec les anciens combattants de la seconde guerre mondiale. Le basculement dans le genre est progressif et subtil, laissant toute la place au propos sur la mort psychologique de ces hommes revenus d’une guerre à laquelle ils n’étaient pas préparés. Le seul point faible de cette partie demeure l’interprétation de Cathy (Anya Ormsby) enfermée dans un sur-jeu qui parasite singulièrement plusieurs scènes.
La transformation psychologique précède la lente transformation physique qui apparaît alors comme la matérialisation ultime de l’humanité qui a définitivement quitté Andy durant cette guerre. Le travail de Tom Savini dont c’était donc les grands débuts est subtil et donc totalement convaincant, laissant le malaise s’installer dans notre esprit face à la lente décomposition mentale et psychique d’Andy et les derniers doutes se lever sur ce qu’il est advenu de lui au Vietnam. Tout en basculant pour de bon dans le genre, le film ne trahit jamais sa nature et son propos et le drame familial s’invite jusqu’au bout dans le film de zombies, jusqu’à une fin inoubliable, parmi les plus marquantes que le genre n’ait jamais produit. Film précurseur et engagé, Le Mort-Vivant est un drame puissant qui invite à la réflexion, autant qu’un excellent film de genre qui comblera les amateurs les plus exigeants.
Titre Original: DEAD OF NIGHT
Réalisé par: Bob Clark
Casting : John Marley, Lynn Carlin, Richard Backus
Genre: Horreur, Drame
Sortie le : 20 août 1975
Distribué par: –
EXCELLENT
Catégories :Critiques Cinéma
(evilashymetrie) Je pense que je vais dépoussiérer mon dvd Neo Publishing, moi ! ça fait bien longtemps que je ne l’ai vu, ce film ! ah pis… Porky’s rules ! :p