ENTRETIENS

GLASS (Conférence de presse avec James McAvoy et M. Night Shyamalan)

Nous sommes le mardi 8 janvier 2019, et les journalistes attendent dans le salon Castellane de l’hôtel Le Bristol à Paris. Sur la scène, deux fauteuils vont accueillir dans les minutes qui viennent James McAvoy et M. Night Shyamalan, respectivement acteur et réalisateur/scénariste/producteur de Glass, en salles le 16 janvier et qui vont se livrer au traditionnel exercice de la conférence de presse. Nous y avons assisté.

Est-ce que l’apparition finale de Bruce Willis à la fin de Split revenait à dire que Glass était déjà prévu ? Est-ce qu’il était déjà écrit, financé, prêt à tourner ? Et James, que saviez vous du projet de Night ? Peut-être avez-vous pris tous les deux le risque de ne pas pouvoir mettre cette suite en œuvre ?

James McAvoy : Ça fait beaucoup de questions… (Rires)

M. Night Shyamalan : Ça s’est passé étape par étape. Tout d’abord, on a voulu faire avec Split un thriller. Je voulais qu’il fonctionne par lui-même, séparément du reste. Et puis, j’ai demandé à Disney l’autorisation d’utiliser le personnage de Bruce Willis. J’ai été très étonné qu’ils acceptent parce que Split est une production Universal. Donc j’étais autorisé à penser à la suite. Mais avant la sortie de Split, je n’avais pas du tout écrit Glass. J’ai attendu sa sortie parce que je me disais que si Split ne marchait pas, ne plaisait pas, ça ne sera pas la peine de donner une suite. Et puis il a fallu demander les autorisations des deux studios, car ils possèdent chacun 100% des films : Universal pour Split, et Disney pour Incassable. Je leur ai demandé la permission en leur disant « je veux le financer moi-même, je veux le produire, et c’est vous qui le sortirez », et ils ont dit oui. Et c’est ça qui a tout déclenché.

James McAvoy : J’avais remarqué une petite référence à Incassable dans le scénario de Split, mais c’était vraiment minime, vague. Je me suis dis « C’est drôle, il est en train de se faire une petite auto-référence ». Puis, Night m’a révélé qu’il y avait la possibilité de faire la suite si celui-là marchait. Mais de mon côté, en tant qu’acteur, on voit plein de projets qui ne se feront jamais. On sait qu’un film va se faire seulement au moment où on le fait. C’est merveilleux de voir un projet comme Glass se faire, parce que c’est une promesse très forte.

James, parmi les 24 personnalités que vous incarnez, quelle est votre préférée ?

James McAvoy : Dans les deux films, ce sont des personnages différents. Dans Split, c’était Patricia. Dans Glass, je crois que c’est Hedwig. Mais il y a un autre personnage, qui n’apparaît pas souvent, que j’adore. C’est le personnage qui raconte tout ce qui lui arrive à la troisième personne, le narrateur. Je me suis vraiment amusé avec ce personnage, j’ai trouvé que c’était très drôle comme caractéristique.

Night, il y a comme un espèce de teaser dans le film, quelque chose de grand qui est peut-être annoncé. Est-ce que vous pouvez nous en parler ?

M. Night Shyamalan: Vous savez, j’aime laisser mes films incomplets, en quelque sorte. Ça permet au public de participer à l’histoire et à la finir. Beaucoup de films que j’admire font ça. Comme ça, l’histoire continue une fois sorti de la salle de cinéma. Je pense que ce à quoi vous faite allusion est plus dans cette catégorie là. En fait, chacun des films de cette trilogie a un final qui nous fait dire ‘Quoi ? On en est là, maintenant ?’. Mais personnellement, j’ai terminé avec ces personnages là. Ils sont pour vous, pour votre imagination.

Dans Glass, il y a deux scènes qui viennent du tournage d’Incassable.

M. Night Shyamalan : Et il y avait aussi une troisième scène de flashback, coupée de Incassable, que j’ai retiré à la dernière seconde. C’était une scène où David Dunn parle à un prêtre après l’accident de train. Il lui demande « Qu’est-ce que ça veut dire ? », ce à quoi le prêtre répond « Ça ne veut rien dire, vous êtes juste chanceux ». David lui dit « Mais c’est pas possible, je suis le seul survivant », et puis le prêtre répond, avec les larmes aux yeux « mon neveu de 12 ans était dans ce train. Sa nuque a été brisée. Vous êtes en train de me dire que vous êtes un élu ? Je ne crois pas. ». Cette scène a été retirée, parce qu’elle était tellement dramatique, tellement triste, qu’elle ralentissait le film. Un thriller, ça doit avancer, ça n’était pas possible de garder cette scène.

Night, est-ce que ça vous arrive d’avoir l’angoisse de la page blanche ?

M. Night Shyamalan : J’allais vous répondre sans avoir compris la question, avant même qu’on me l’ait traduite. Donc, j’allais répondre à une question qui n’était pas du tout celle que vous m’avez posée. J’imagine une conférence de presse où je réponds aux questions que je crois comprendre. (Rires). En fait, la page blanche me stimule beaucoup. Personnellement, je me pose toujours la question quand j’écris de si j’ai besoin de parler de telle ou telle chose. En fait, je laisse les idées arriver en m’inspirant de ce que je vois dans la vie. Une personne, un objet, etc. Je fais ça jusqu’à ce que je sois confiant, que je crois en mon histoire. Et j’ai l’habitude de surtout traiter les idées dont je ne suis pas sûr. Je les trouve plus intéressantes que les idées évidentes.

James, est-ce que c’est plus difficile de jouer La Bête, représentation de la virilité et de la colère, ou d’imiter la démarche d’une femme ?

James McAvoy : Honnêtement, c’était plus dur de jouer La Bête. Patricia fait partie des personnages qui sont venus assez facilement. Elle est comme une bonne sœur, elle semble frustrée sexuellement, vouloir des contacts physiques, mais elle ne peut pas… Ça fait plein d’éléments concrets pour construire le personnage. La Bête, quand à elle, n’a rien de naturel. Elle n’est pas un méchant à la Magnéto, par exemple. Elle est animale, bestiale, presque alien. Si on joue La Bête de façon humaine, ça ne peut pas marcher. Le principal risque quand on fait ça, c’est de surjouer. Il fallait trouver un équilibre pour que ça soit crédible, donc on lui a apporté une sorte d’élégance, de sincérité. Mais la clé du personnage, comme de tous les autres, c’est Kevin. C’est lui la source.

Night, vous êtes un grand fan de sport. Comment vous comparerez un grand champion à un super-héros ?

M. Night Shyamalan : Quand je m’adresse à des sportifs, je leur dis souvent que quand ils marquent un but, par exemple, et qu’ils montrent le logo de leur équipe, ils font comme s’ils étaient des super-héros. Alors que non, ils ne font que ce pour quoi ils se sont entraînés. Au final, ils n’ont fait qu’une liste de choses accomplies en mettant en place une mentalité de progrès. Le super-héros, lui, est dans le « je suis ». C’est une des différences que je peux trouver. Cela dit, dans notre mentalité, on peut tous être un super-héros.

Est-ce que Glass est d’abord un thriller avant d’être un film de super-héros ?

M. Night Shyamalan : Quand je fais un film, je raconte très souvent l’histoire avec du suspense, de la tension. Je suis de l’école d’Alfred Hitchcock, et c’est quelque chose qui lui appartiendra toujours. Mon domaine, c’est la narration via la tension du cadre. Donc, Glass est bien un thriller.

Night, vous apparaissez souvent dans vos films.

M. Night Shyamalan : J’aime beaucoup apparaître dans mes films, mais je n’ai pas envie de déranger, d’interrompre la narration. C’est compliqué, parce que je ne suis pas très discret. Par exemple, si je joue un voisin, je n’ai pas envie qu’on dise « oh, c’est le voisin indien ! ». Donc, j’essaie de ne pas trop faire travailler le spectateur à ce sujet là.

Propos recueillis par William François

© photos : William François

Remerciements: Arnaud Martin-Favier

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