SYNOPSIS: Albert est un génie de l’informatique, Romain un policier de grand talent et Laure une secrétaire d’Etat particulièrement lucide. Ces trois personnages vont se croiser et vivre des aventures hors-du-commun…
Drôle de thriller. Drôle de polar. Drôle de film. Pas facile à décrire ou à défendre. Très singulier en tout cas. Seule certitude : même en étant la toute première production de Luc Besson, même en étant réalisé par un autre (Didier Grousset, assistant réalisateur sur Subway), même en étant scénarisé à six mains (outre Besson et Grousset, on y compte la future productrice Michelle Halberstadt), Kamikaze rassemble quand même tous les critères d’un film tourné et supervisé par le nabab d’EuropaCorp. Il y a la zik branchée d’Eric Serra, des acteurs déjà employés avant (Richard Bohringer et Michel Galabru, déjà vus tous les deux dans Subway), des travellings millimétrés, du mauvais goût 80’s (une ridicule fiesta pop-rock chez la nièce branchouille du protagoniste) et un titre qui intrigue d’entrée. Pourquoi Kamikaze ? Parce qu’au cours de la fiesta précédemment évoquée, Michel Galabru – pour une fois dans un rôle de psychopathe ! – se tartine le visage avec du fond de teint et enfile un kimono, presque à l’instar d’un Yukio Mishima enfilant sa tenue sacrificielle avant un dernier acte qui, une fois accompli, le conduirait fissa à se faire seppuku. Le suicidaire du film, le « kamikaze », c’est donc lui : un scientifique renvoyé de son travail, et qui, gagné par une misanthropie maladive, s’enferme chez lui devant sa télévision et nourrit une haine viscérale contre les speakerines de la petite lucarne. Il n’a plus qu’une obsession : les éliminer. Et il a choisi son arme.
La caméra qui tue : un sujet en or qui irrigue le cinéma depuis un bail (Michael Powell était déjà passé par là avec Le Voyeur en 1960). Le gros souci, ici, c’est que le curseur n’a pas été mis au bon endroit. Focalisé sans qu’on sache pourquoi sur son caractère scientifique, le récit se contente ici d’illustrer un scénario en insistant lourdement sur ce que constitue un « canon à micro-ondes à retour de faisceau ». Grosso modo, la machine créée par Galabru peut remonter le signal propagé entre les deux antennes (la sienne réceptrice et l’autre émettrice), via la chaîne électromagnétique, pour ainsi atteindre et contrôler la caméra du direct, par laquelle un signal d’une puissance redoutable sort et fait exploser la présentatrice… Bien, bien… Et donc ? Le problème, c’est qu’à moins d’être un nerd addict des nouvelles technologies (et encore, celles de l’époque, on précise !) ou de considérer qu’insister sur le réalisme pur vaut mieux que de creuser la symbolique d’une idée de scénario, les scènes en question ne sont ni captivantes ni vectrices d’un réel suspense, tout juste bêtement illustratives et situées dans des décors au look d’open space. L’intrigue polardeuse devient plus intéressante lorsqu’elle se fixe sur les actions meurtrières du névropathe (les » explosions de standardistes » constituent ici de vraies scènes choc) ou lorsqu’elle déroule le principe de la traque à la manière d’un bon vieux polar pépère des années 60-70. Le film ose même mélanger divers genres (comédie, polar, science-fiction, thriller, drame familial), mais il échoue à les équilibrer tous. A se demander si le triumvirat Besson-Grousset-Halberstadt n’aurait pas enchaîné les désaccords durant l’écriture, le tournage et le montage.
Ce qui ressort de tout cela, c’est un drôle d’ovni qui avance tout seul avec une riche idée de départ, mais sans pouvoir en extraire un vrai point de vue. Le but était-il de servir de mise en alerte sur les dommages collatéraux de ce nouvel opium de l’homme moderne qu’est le phénomène télé ? Ou au contraire, cette opposition entre l’immobilisme criminel du fou et la frénésie d’une hiérarchie ultra-sécuritaire devait-elle refléter un monde techno-chaotique sur le point de germer ? La mise en scène, trop descriptive pour espérer titiller autant les tripes que l’intellect, n’offre aucune réponse. En l’état, faire voler en éclats la question du « genre » pour en extraire un nouveau cinéma n’est pas ce qui caractérise Kamikaze. Cela dit, la singularité un peu bis de la chose finit par nous avoir à l’usure, surtout au travers de cet alliage composite de rétro et de modernité, ici reflété à la puissance mille par l’excellente musique d’Eric Serra. Une musique qui, pourtant, finit presque par devenir crispante et envahissante : en effet, on la sent davantage utilisée pour compenser l’absence de relief des plans que pour servir ces derniers, et du coup, on l’appréciera infiniment plus via une écoute en CD. Notons enfin les débuts d’actrice de la toute jeune Romane Bohringer aux côtés de son papa – la voir imiter la posture de Charlotte Gainsbourg face à une affiche de L’effrontée de Claude Miller est d’ailleurs assez touchant. Le seul rayon de soleil de ce curieux film à la fois sombre et barré, c’est bien elle.
Titre Original: KAMIKAZE
Réalisé par: Didier Grousset
Casting : Michel Galabru, Richard Bohringer, Romane Bohringer…
Genre: Fantastique
Sortie le: 10 décembre 1986
Distribué par: –
BIEN
Catégories :Critiques Cinéma