SYNOPSIS : Les aventures de Jack Ryan, un analyste prometteur de la CIA chargé pour la première fois d’une dangereuse mission sur le terrain.
Si le héros imaginé par le romancier américain Tom Clancy mène toujours à bien ses missions pour se sortir des situations les plus complexes grâce à sa capacité d’analyse et son sang froid, il lui a été bien plus difficile de trouver la solution pour s’imposer durablement dans le monde ultra concurrentiel des franchises d’action/espionnage dominé par deux mastodontes (Mission Impossible, James Bond) qui ne laissent que peu de place aux autres pour exister. A la poursuite d’Octobre Rouge (John Mc Tiernan,1989), première adaptation cinématographique des aventures de Jack Ryan reste à ce jour, de très loin, la plus convaincante, la qualité des films suivants n’ayant cessé de décliner jusqu’à la dernière itération réalisée par Kenneth Branagh (The Ryan Initiative, 2014) qui a temporairement sonné le glas de son parcours au cinéma. Consciente que les aventures cinématographiques de Jack Ryan n’attiraient plus grand monde dans les salles , Paramount a passé la main à Carlton Cuse et Graham Roland (qui ont déjà collaboré ensemble sur la série Lost) qui ont en charge de piloter ce retour dans un format qui à priori lui sied bien mieux que celui d’un long métrage.
Avec 8 épisodes d’une cinquantaine de minutes, le soutien puissant d’Amazon, un budget très confortable (environ 10 millions de dollars par épisode) et un aussi bon acteur que John Krasinski, Jack Ryan avait beaucoup d’atouts pour s’imposer dans l’univers de la série télé, même s’il était clair qu’il lui serait très compliqué d’exister dans l’ombre d’Homeland. Aux termes des trois premiers épisodes, il apparaît malheureusement qu’il y a plus qu’une division d’écart entre les deux séries et que même sans entrer dans cette comparaison létale, le retour de Jack Ryan ressemble à un gros flop. Dans son écriture, comme dans sa réalisation et même, on s’en désole, dans sa direction d’acteurs, Jack Ryan reste en effet cloué au sol, lesté par ses insuffisances, ses bonnes intentions restant au stade promesses non tenues.
Le parti pris de se détacher pour la première fois des romans de Tom Clancy se comprend dans une volonté de coller à une actualité et des thématiques plus actuelles, mais il se matérialise surtout par un « flottement » narratif tel (tout du moins dans les 3 premiers épisodes) qu’il est très difficile de se sentir impliqué dans le récit. A l’instar de John Krasinski qui, malgré ses efforts, semble souvent perdu dans son rôle, donnant presque l’impression de jouer avec une oreillette et de suivre les instructions improvisées de son metteur en scène, la série semble hésiter entre plusieurs directions, jusqu’à empiler des scènes dont on s’interroge sur l’utilité. Des romans, la série ne reprend que deux autres personnages: Cathy Mueller (Abbie Cornish) qui est ici épidémiologiste et le « love interest » de Ryan, James Greer (Wendell Pierce) qui reste le boss de Jack Ryan mais devient ici aussi un homme de terrain avec un parcours trouble sur lequel la série entretient le mystère pour créer une sous intrigue qui à ce stade n’est guère utile.
La série se présente comme une préquelle des aventures de Jack Ryan, encore analyste à la CIA dans le premier épisode, qui ne sera amené à endosser son véritable rôle que suite à sa découverte de flux financiers suspects le menant sur la piste du bad guy de la série: Suleiman (Ali Suliman). L’intention est de donner une résonance actuelle à la mission de Jack Ryan qui se retrouve aux prises avec des terroristes dont les méthodes (financement, communication) sont celles de ces nouveaux terroristes opérant dans l’ombre, dont il est particulièrement difficile de retrouver la trace. On le retrouve comme analyste de flux financiers auprès de la CIA et c’est par le biais de quelques flashbacks que l’on comprend d’abord qu’il était engagé comme Marine en Afghanistan, dont il est rentré aussi bien meurtri physiquement que psychologiquement. Alors que le premier épisode réalisé par Morten Tyldum (HeadHunters, Imitation Game, Passengers..), paraît indiquer que la série entend prendre le temps de s’attarder sur la personnalité de Jack Ryan et de ne pas en faire qu’un simple action guy, une scène faisant même fortement penser à l’Echelle de Jacob (Adrian Lyne, 1990), la psychologie et les traumas de Jack Ryan restent une note d’intention et ont aussi peu de poids à l’écran que dans le récit.
Si le personnage de Jack Ryan n’a guère d’épaisseur, le traitement du bad guy est quant à lui plus intéressant, le choix étant de ne pas en faire une menace abstraite et de « l’humaniser » s’intéresser à son parcours depuis l’enfance, sa famille, même si ses motivations sont encore floues après les 3 premiers épisodes. Pour intéressant qu’il soit, ce parti pris n’est pas vraiment payant du fait d’une écriture sans relief et d’une mise en scène sans aspérités ni personnalité. Le résultat est paradoxal, la série échouant là où elle voudrait se démarquer et ne réveillant l’intérêt que dans les 10 dernières minutes de ses épisodes, où elle se fait plus spectaculaire et fait plutôt bon usage de son budget pour proposer des scènes d’action assez convaincantes. Une deuxième saison étant d’ores et déjà programmée, il faut espérer que cette saison ait servi de ballon d’essai et que, si le succès public est au rendez-vous, elle montre un peu plus d’ambition en terme narratif et de mise en scène pour vraiment s’affirmer et ne pas juste nous donner envie de nous replonger dans Homeland.
Crédits: Amazon