SYNOPSIS: Carrie vit chez sa sœur Maggie à Washington, avec sa fille Frannie. Une crise majeure est en cours au sein des services secrets. Saul fait partie des agents fédéraux arrêtés et emprisonnés après la tentative d’assassinat menée contre Elizabeth Keane, fraîchement élue mais déjà controversée. L’administration de la présidente est sous surveillance et Carrie refuse de rester inactive, puisant dans ses ressources personnelles pour continuer sa mission de contre-espionnage et découvrir qu’une menace plus insidieuse compte profiter du climat de tension dans le pays pour le détruire de l’intérieur.
ATTENTION SPOILERS INSIDE
Nous avions quitté Carrie Mathieson (Claire Danes) dans la plus grande confusion alors qu’après avoir déjoué une tentative d’assassinat contre la présidente fraîchement élue Elizabeth Keane (Elizabeth Marvel) qu’elle conseillait dans l’ombre, cette dernière révélait un coté sombre et faisait arrêter en représailles de manière illégale tout l’establishment du renseignement américain, parmi lesquels son mentor Saul Berenson (Mandy Patinkin)… On se souvient que la saison précédente avec l’élection d’une femme à la présidence, avait été bâtie sur l’hypothèse d’une victoire d’Hillary Clinton obligeant ses concepteurs à reconfigurer en cours d’écriture leur approche, cette nouvelle et pénultième saison bénéficie en revanche de tout le recul nécessaire sur l’élection passée, lui permettant d’inclure dans sa narration toutes les leçons sur son déroulement et l’état du débat politique américain. Homeland fait le constat pessimiste d’une fracture si profonde dans le pays qui l’expose aux manipulations de ses adversaires qui n’ont plus qu’à coups de « fake news » qu’à allumer la mèche de la discorde qui va embraser le pays. Cette saison décline ces thématiques à travers trois intrigues parallèles qui vont converger avec une précision d’horlogerie.
La première suit la traque, menée par Saul Berenson revenu en grâce auprès de la présidente, de Brett O’Keefe (Jake Weber), le présentateur radio complotiste et populiste de la saison précédente (avatar de l’ancienne éminence grise de Trump, Steve Bannon), devenu aux yeux du public le nouveau héraut de la liberté d’expression qui, en se réfugiant au cœur d’une communauté de survivalistes libertariens va provoquer un siège rappelant celui de Waco. La seconde voit Carrie, qui, choquée par la dérive autoritaire du pouvoir a quitté son poste à la Maison Blanche pour revenir vivre avec sa fille auprès de sa sœur, mener sa propre enquête sur la mort suspecte en détention du General Jamie McClendon (Robert Knepper) responsable de la tentative d’assassinat sur la présidente. Avec d’anciens camardes de la CIA et Dante Allen (Morgan Spector) un avocat qui défend les personnes arrêtées sur ordre de la présidente, elle va découvrir qu’une mystérieuse travailleuse au sein d’une ONG, Simone Martin, qui vit prés de la prison où le général a été « suicidé » entretient une relation avec l’influent chef de cabinet de la présidente David Wellington (Linus Roache). Bientôt les conséquences de ces deux enquêtes vont déclencher une crise politique qui voit la présidence Keane attaquée par des ennemis politiques opportunistes menés par le sénateur Sam Paley (Dylan Baker). Au centre de ces événements, un mystérieux personnage incarné par Costa Ronin, transfuge de l’autre (immense) série d’espionnage The Americans, spécialiste de la guerre de l’information …
De manière intelligente les scénaristes continuent d’utiliser Hillary Clinton comme modèle pour le personnage d’Elizabeth Keane pour mieux manipuler les sentiments du spectateur à son égard retournant contre lui les préjugés qu’il a pu avoir sur la candidate démocrate mais aussi en général sur les femmes de pouvoir : d’aspect revêche elle apparaît cassante, sous la coupe de ses émotions et paranoïaque. Elle perd ainsi le soutien des médias, des politiques, de la population et des spectateurs. Pourtant comme dit l’expression « ce n’est pas parce qu’on est parano qu’ils ne sont pas après vous » elle est certes impulsive car elle a le sentiment d’avoir été trahie et insuffisamment protégée mais elle profondément attachée aux valeurs de son pays. Cette ambivalence loin des présidents idéaux de fiction, honnêtes et vertueux, fait de ce personnage superbement interprété par Elizabeth Marvel une des grandes réussites de la série. La comédienne incarne parfaitement ces deux facettes en particulier lors de deux scènes mémorables, la première glaçante la voit confronter le sénateur Sam Paley, la seconde faire une adresse émouvante à la nation où par sa voix les créateurs du show expose leur vision d’une Amérique déchirée par « un conflit existentiel racial, identitaire et culturel », dans un monde où « les démocraties meurent parce que nous détournons le regard ».
Comme toujours dans la série les enjeux politiques et émotionnels ne sont jamais éloignés. Carrie interprétée par une Claire Danes toujours intense et qui malgré tout, à nos yeux évite de tomber dans la caricature, va entrer dans sa phase d’autodestruction la plus violente. Complètement absorbée par son enquête, négligeant sa médication pour ses troubles psychiatriques, son comportement se fait de plus en plus erratique et extrême. Elle entre dans un conflit avec sa sœur qui veut lui confisquer la garde de sa fille, consumée par sa mission, persuadée d’avoir (à nouveau) mis à jour un complot et elle va littéralement s’y perdre. Toujours d’une densité incroyable, Mandy Patinkin dans le rôle de Saul, véritable roc malgré les tourments intérieurs qu’il nous fait ressentir, se retrouve le dernier rempart entre les États-Unis et les menaces à la fois externes et internes qui la menacent. La force de Homeland est de se garder, même dans cette ambiance de nouvelle guerre froide, de tout manichéisme à l’exception de l’odieux Brett O’Keefe (Jake Weber) tous les personnages de cette saison gardent l’ambiguïté indispensable au thriller paranoïaque et des motivations pour leurs actions y compris les « méchants » que ce soit le sénateur Paley ou le maître espion Yevgeny Gromov (Costa Ronin ).
Mais si cette saison développe un propos politique encore plus poussé et offre des moments mélodramatiques Homeland reste avant tout un thriller ultra-efficace pleins de retournements et de scènes de tension incroyables. La saison 7 offre deux grands « set pieces » le siège sanglant de la milice qui protège O’Keefe et une mission d’infiltration à très haute tension menée par Carrie et son équipe au cœur même du quartier général des services de renseignements militaires russes. La saison se concluant par un épisode éminemment dramatique qui prépare l’ultime saison que ses créateurs annoncent comme la plus personnelle de la série pour clore l’histoire de ce qui restera un des personnages majeurs de la fiction américaine de ces 10 dernières années. Cette saison 7 est parvenue à être à la hauteur de la réinvention amorcée de façon spectaculaire lors de la saison précédente par l’intelligence avec laquelle elle développe ses protagonistes et ses thématiques, se reposant sur une interprétation de grande qualité.
Notre verdict : EXCELLENT
Diffusion sur CANAL+ à partir du 14 juin, les jeudis à 21H (2 épisodes/soirée)
Crédits: Showtime / Canal+