SYNOPSIS: Lorsqu’Ella rencontre Abel, sa vie bascule.
Dans le sillage de cet amant insaisissable, la jeune fille va découvrir le Paris cosmopolite et souterrain des cercles de jeux, où adrénaline et argent règnent.
D’abord un pari, leur histoire se transforme en une passion dévorante.
Après deux courts métrages et un moyen métrage datant de 2012, Marseille La Nuit (avec Karim Leklou présent dans Joueurs), Marie Monge passe au long métrage avec Joueurs qui était présenté à la Quinzaine des Réalisateurs du Festival de Cannes 2018. Avec ce premier film, la réalisatrice nous plonge dans le Paris nocturne et interlope des cercles de jeu par l’intermédiaire d’un couple à priori mal assorti, Ella (Stacy Martin) jeune serveuse sérieuse et réservée et Abel (Tahar Rahim) beau parleur plein d’éloquence et joueur invétéré qui va entrainer la jeune femme dans son addiction. Avec un sujet que le cinéma français contemporain n’a que rarement voire jamais traité avec brio (qui se souvient par exemple de Flag de Jacques Santi (1987) ou de Poker de Catherine Corsini (1988)?…), Marie Monge impose d’emblée un ton et un style visuel affirmé ainsi qu’une facilité dans sa mise en scène qui impressionne. Le premier tiers de Joueurs est remarquable, autant dans l’exposition de son intrigue que dans la caractérisation de ses personnages et le film avance ses pions sans coup férir avec l’assurance d’un vieux briscard. Il faut dire que pour interpréter son duo central, Marie Monge s’est entourée de deux comédiens de haut vol qui subliment une intrigue qui nous prend par le col faisant monter le crescendo qu’il soit amoureux ou concomitant à l’adrénaline ressentie lorsque l’on gagne et au vertige qui nous étreint lorsque l’on perd.
Jouant la carte du réalisme, Marie Monge nous scotche par la description quasi documentaire de ce milieu où tout vous sourit un soir et où le lendemain un usurier vient vous pressurer avant que des gros bras ne viennent collecter vos dettes majorées d’un taux d’intérêt indécent. Et il faut payer quoiqu’il arrive. Joueurs montre l’inexorable engrenage qui vous mène sur la paille et qui vous pousse encore et encore à vous endetter car l’addiction a pris le pas sur tout le reste. Mais ce qui est très intéressant avec le film de Marie Monge, c’est le parallèle entre l’addiction amoureuse et la pathologie du joueur et les ressorts psychologiques qui en découlent. Filmant l’intensité sous toutes ses coutures que ce soit par le biais de la relation amoureuse, du plaisir ou de la jubilation, la réalisatrice rend palpable la sensation d’adrénaline et parvient à faire en sorte qu’on y ressente à la fois l’urgence du Scorsese de Mean Streets (même si la séquence de présentation des us et coutumes du cercle rappelle irrésistiblement Casino), la fièvre de Panique à Needle Park ou l’autodestruction puis l’irrépressible fusion entre deux amants qui se poussent l’un l’autre à leur perte sans qu’ils puissent s’en empêcher (Bonnie & Clyde, True Romance, Sailor et Lula…). Si les références sont nombreuses, elles n’étouffent pas un film qui trouve son propre souffle et sa propre identité. Visuellement magnifique (la photo de Paul Guilhaume est splendide), Joueurs a de l’énergie à revendre, électrisé par le récit pendant une bonne partie du film et par la dynamique d’un montage d’une redoutable efficacité.
Pourtant le film n’est pas sans fausses notes, perdant quelque peu son centre névralgique dans son milieu, à la faveur d’une ellipse qui nous prive d’une partie de l’évolution de la relation des deux amants et où notre imagination est mise à contribution pour combler les vides autour de leur point de bascule définitif, comme si Marie Monge avait préféré couper dans sa riche matière par peur d’être trop longue. Ce n’est en rien rédhibitoire mais ça freine la fluidité qui s’était installée depuis les premières minutes. Les personnages secondaires font également les frais d’un déficit de densité (l’excellent Karim Leklou mis à part), mais fort heureusement son couple de joueurs est en tous points remarquable et est la principale raison qui fait qu’on ne décroche pas. Tahar Rahim est littéralement irrésistible, filmé par sa réalisatrice comme une attraction fatale à laquelle une Stacy Martin séduisante en diable, devient accroc. Lui solaire, charmeur puis ombrageux et roublard, elle, renfermée, réservée puis amoureuse et déterminée, leurs trajectoires se croisent en un point cardinal, celui de l’amour, de l’amour du jeu et du risque. Avec Joueurs Marie Monge signe un thriller amoureux stylisé, prenant et férocement addictif dans un Paris comme on le voit trop peu dans le cinéma français. Elle réussit une tragédie contemporaine qui remporte la mise!
Titre Original: JOUEURS
Réalisé par: Marie Monge
Casting : Stacy Martin, Tahar Rahim, Karim Leklou …
Genre: Thriller
Sortie le : 04 juillet 2018
Distribué par: Bac Films
TRÈS BIEN
Catégories :Critiques Cinéma
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