SYNOPSIS: Mark Dixon, détective, vient d’être rétrogradé par son chef pour brutalité envers un prévenu. Un riche éleveur du Texas a été poignardé après avoir gagné une importante somme d’argent aux dés, dans une chambre d’hôtel occupée par un aigrefin, Tommy Scalise. Dixon retrouve le principal témoin, Ken Payne, qui, en compagnie de sa femme Morgan, attira la victime dans la salle de jeu clandestine. Mais en brusquant un peu Payne, Dixon le tue accidentellement… Le détective fait disparaître le corps dans la baie du port. Un concours de circonstances fait que c’est Jiggs Taylor, chauffeur de taxi et père de Morgan, qui est suspecté du meurtre. Mark a un plan : faire accuser des deux crimes Tommy Scalise dont l’impunité lui est devenue odieuse…
Avec Laura (1944), Otto Preminger qui avait alors réalisé 5 films ne lui ayant guère permis de sortir de l’anonymat, s’imposa enfin aux studios et en particulier à Daryl F.Zanuck, tout puissant directeur du studio 20th Century Fox qui venait d’évincer Rouben Mamoulian (City Streets, Dr Jekyll et Mister Hyde, Blood and Sand), pour réaliser l’un des chefs-d’œuvre du film noir dans lequel il dirigeait déjà Dana Andrews (Mark McPherson) et Gena Tierney (Laura). Sorti six ans plus tard, toujours dans le cadre de son contrat avec le célèbre studio, Mark Dixon Détective (When The Sidewalk Ends) réunit le même couple d’acteurs pour une histoire qui, elle aussi, se démarque quelque peu du canevas habituel des films noirs, en proposant des personnages complexes en prise avec de forts tourments intérieurs. Comme le titre original le suggère, Otto Preminger quitte les intérieurs luxueux de Laura et son quasi huis clos, pour confronter ses personnages à la pègre, aux bas fonds new-yorkais, mais aussi à leur passé (Morgan avec son mariage et ses mauvaises fréquentations, Mark Dixon avec sa réputation et celle de son défunt père) .
Mark Dixon Détective porte la marque de son réalisateur dont on retrouve la légèreté des mouvements de caméra, la fluidité de sa mise en scène grâce notamment à son goût pour les plans séquences, laissant aux acteurs une place centrale dans son dispositif. L’un des maîtres-mots de Preminger aura toujours été de ne pas tomber dans le manichéisme, de ne pas se substituer au regard et au jugement du spectateur sur des personnages qui se révèlent plus nuancés et complexes qu’ils ne peuvent d’abord paraître. Ici, la « femme fatale » (Gene Tierney) ne condamne pas le héros à sa perte mais lui offre plutôt une rédemption, le détective hard boiled laisse quant à lui paraître des failles béantes dans son armure plus friable qu’il n’y paraît. Le drame psychologique se mêle ainsi au film noir, Preminger affichant clairement son intérêt pour le premier qui irrigue tout le film et prend le pas sur les scènes attendues dans un film noir. On parle plus qu’on ne flingue dans un récit qui pourra frustrer ceux dont les attentes liées au genre pourront avoir été déçues.
De prime abord, Mark Dixon (Dana Andrews) est un détective impulsif, violent, l’archétype habituel que l’on croise dans les films noirs. Un homme qui ne s’embarrasse pas des questions de procédures, de respect des droits d’un accusé pour mener à bien ses enquêtes et qui, quelque part, est fait dans le même bois que la plupart des gangsters qu’il arrête. En quelques scènes, on comprend qu’il est dans une situation conflictuelle avec son supérieur qui lui reproche son comportement violent, en raison duquel, la promotion à laquelle il pouvait prétendre est revenue à l’un de ses collègues. L’originalité du récit vient du fait que la caractérisation de ce personnage va au delà du détective violent en prise avec sa hiérarchie et en guerre contre la pègre. Mark Dixon ne lutte pas seulement pour se défaire des mauvais pièges de ses antagonistes, mais aussi et presque avant tout contre sa destinée, pour se tirer d’une situation dans laquelle il s’est lui-même mis suite à une bavure. Ce point de départ confère une dimension tragique au parcours de cet anti héros cherchant désespérément à s’affranchir de l’image de son défunt père, dont le nom reste associé au banditisme. C’est parce qu’il est hanté par l’image de ce père, auquel il a jusqu’alors tout fait pour ne pas ressembler, qu’il va paniquer et chercher à maquiller ce qui n’aurait pu être qu’un cas de légitime défense et un accident qui, de fait, sera requalifié en meurtre. Celui à la poursuite duquel il se lance (Scalise) représente tout ce qu’il ne veut pas être et qu’il aurait pourtant pu être, puisqu’il s’agit d’un des anciens « collègues » de son père. Dana Andrews n’est pas le plus expressif des acteurs de cette époque mais il porte en lui une gravité qui sied parfaitement à ce personnage, tant dans sa dimension hard boiled que tragique.
DÉTAIL DES SUPPLÉMENTS :
– Gene Tierney, une star oubliée : portrait de l’héroïne des plus grands réalisateurs d’Hollywood (52′)
– Otto Preminger, cinéaste par Peter Bogdanovich (33′)
– Bande-annonce d’époque
– Livret de 88 pages : accompagné de photos d’archives, un texte de Frédéric Albert Lévy revient sur la genèse du film
Titre Original: WHERE THE SIDEWALK ENDS
Réalisé par: Otto Preminger
Casting : Dana Andrews, Gene Tierney, Gary Merrill …
Genre: Film Noir,Thriller
Sortie le: 04 avril 2018 en Combo Blu-Ray/ DVD + Livret
Distribué par: Wild Side Vidéo
TRÈS BIEN
Catégories :Critique Blu-Ray