SYNOPSIS: Été 1983. Elio Perlman, 17 ans, passe ses vacances dans la villa du XVIIe siècle que possède sa famille en Italie, à jouer de la musique classique, à lire et à flirter avec son amie Marzia. Son père, éminent professeur spécialiste de la culture gréco-romaine, et sa mère, traductrice, lui ont donné une excellente éducation, et il est proche de ses parents. Sa sophistication et ses talents intellectuels font d’Elio un jeune homme mûr pour son âge, mais il conserve aussi une certaine innocence, en particulier pour ce qui touche à l’amour. Un jour, Oliver, un séduisant Américain qui prépare son doctorat, vient travailler auprès du père d’Elio. Elio et Oliver vont bientôt découvrir l’éveil du désir, au cours d’un été ensoleillé dans la campagne italienne qui changera leur vie à jamais.
Donner à ressentir la puissance des sentiments, faire passer à travers l’écran, au delà des mots et des effets de mise en scène, sans caricature ou fausse pudeur traduisant un vrai embarras, ce qui se ressent dans sa chair en présence de l’être aimé, voici un défi que bien peu de films parviennent à relever lorsqu’il s’agit de traiter d’une relation entre deux hommes. Longtemps ignoré par le cinéma dans des époques où la société n’était peut être pas prête à en parler librement et naturellement, ce sujet a désormais ses films de référence (Maurice de James Ivory, Brokeback Mountain de Ang Lee …) dont fait déjà partie le magnifique Moonlight (Barry Jenkins, 2017), qu’il est difficile de ne pas avoir à l’esprit au moment de découvrir le film de Luca Guadagnino. Précédé par un buzz extrêmement positif aux termes de son parcours d’un an dans quelques uns des plus prestigieux festivals, Call Me By Your Name est en vérité, à nos yeux, un drôle d’objet et pour tout dire, un crève cœur.
Drôle d’objet parce qu’il fait preuve d’autant de délicatesse pour installer ses personnages, rendre évidente et naturelle la romance entre ces deux jeunes hommes, que d’une lourdeur assez invraisemblable ensuite pour appuyer sur ce qu’il avait si bien réussi à nous faire ressentir. Crève cœur aussi, parce qu’il faut bien avouer qu’on aurait voulu l’aimer sans réserves et ne pas ressortir de la séance avec des sentiments aussi contradictoires face à un film dans lequel cohabitent subtilités et lourdeurs, grâce et trivialité. Dans ces conditions, difficile de lâcher prise et de se laisser emporter par la puissance de sentiments qui ne parviennent pas à traverser l’écran et la grande beauté formelle du film qui rappelle beaucoup le cinéma de Bernardo Bertolucci, dont Guadagnino se revendique le disciple.
Dans la caractérisation des personnages, Luca Guadagnino et son scénariste, James Ivory, dont c’est le premier scenario qu’il ne tourne pas lui-même, privilégient l’esquisse aux longues expositions, le cœur du film se trouvant dans cette romance survenant le temps d’un été, dans un cadre de rêve, celui de la dolce vita italienne dans la maison des parents d’Elio. Le récit ne s’attarde ainsi guère sur Elio (Timothée Chalamet) et ses parents, pas plus que sur Oliver (Armie Hammer), lequel est l’archétype de l’étudiant beau et athlétique que l’on retrouverait dans une romance hétéro … à l’eau de rose. Pour autant, la représentation d’Oliver est celle que s’en fait Elio. C’est à travers ses yeux que Guadagnino a choisi de le représenter et ce parti pris n’est pas incohérent même s’il flirte inévitablement avec la mièvrerie. Le charisme et la justesse d’Armie Hammer sauvent encore un peu plus la mise pour donner de l’épaisseur à ce personnage qui n’est qu’un objet de désir (féminin comme masculin) esquissé dans le scénario et regardé amoureusement par la caméra de Guadagnino. Face à lui, Timothée Chalamet est une éclatante révélation. Quand un film repose autant sur ce qui se passe dans le regard de l’un de ses personnages dont il adopte le point de vue, pouvoir se reposer sur un acteur au jeu aussi naturel, au regard aussi expressif et intense que Chalamet, est une vraie bénédiction.
Avec un tel casting, on se laisse volontiers porter par la beauté des images et la douceur qui se dégage d’un récit dont on voit certes les fils mais que Luca Guadagnino tisse avec délicatesse et patience, tout du moins lorsqu’il s’agit d’observer le subtil jeu de séduction se mettant en place entre ces deux jeunes hommes, sans aspérités, mais dont le charisme et le charme impriment la pellicule. Ce qui se passe entre Elio et Oliver se passe de mots, est parfaitement naturel, comme lors de cette très belle scène au bord d’un lac. Mais surtout ce qui se passe entre eux est traité de la même façon que s’il s’agissait d’une romance hétérosexuelle. Même si Elio est très jeune, qu’il est dans la maison de ses parents, qu’il s’agit peut être pour lui d’accepter pour la première fois sa sexualité, le récit ne s’y arrête pas lourdement, tout du moins dans sa première partie. Il nous épargne le cliché du jeune homme tourmenté qui rejette violemment celui qui l’attire avant de lui succomber. Le fait qu’Oliver ne soit là que le temps de cet été communique au film un sentiment d’urgence, celle d’accepter ses sentiments et de vivre cet amour avant qu’il ne soit trop tard et que les chemins de ces deux jeunes hommes ne se séparent.
Il s’avère malheureusement que Luca Guadagnino fait preuve de beaucoup moins de subtilité lorsqu’il ne s’agit plus de traiter de séduction et de naissance des sentiments. Si sa propension à être parfois assez littéral pour expliciter les sentiments et hésitations d’Elio n’était pas rédhibitoire dans la première partie du récit (dans l’utilisation de la BO, dans une scène où sa mère lui lit une histoire qui fait « lourdement » écho avec ce qu’il vit), elle devient ensuite vraiment envahissante, irritante et même embarrassante. Le point culminant, qui a failli être un point de non retour pour l’auteur de ces lignes, est atteint dans une scène d’une trivialité telle (pour ne pas dire vulgarité), que le mieux que l’on puisse faire est d’en rire. Au delà de cette scène, que l’on pourra toujours défendre selon sa sensibilité (même s’il va falloir trouver de très solides arguments vu sa lourdeur), le film épuise ses charmes à vouloir appuyer ses effets, revenir même sur des scènes et les expliquer alors qu’on en avait parfaitement compris le sens, simplement transmis par les regards de ses personnages. Il recrée même, de façon totalement artificielle, une scène de danse improbable, sortie de nulle part, qui fait écho à celle qui fonctionnait si bien au début du film, lorsque Elio et Oliver n’en étaient encore qu’au stade de la séduction.
L’impression s’installe que Luca Guadagnino est à court d’idées pour mener ce récit, sûrement trop long (+ de 2h10), jusqu’à son terme, finissant même par faire tituber son film et faire apparaître les grosses ficelles d’un scénario extrêmement prévisible, qui n’évite pas quelques gros clichés. Par instant seulement, au détour d’une très belle scène, il renoue un peu avec la délicatesse qui faisait tout le charme de la première partie du film. Comme dans une relation amoureuse qui s’étiole, on a ainsi envie de s’accrocher à ce que le film parvient encore à nous donner comme instant de grâce. Notre bienveillance trouve sa récompense dans une conclusion magnifique. Cette scène, la plus belle du film, nous donnerait presque envie d’être de mauvaise foi et de ne pas être objectif sur ce qui nous a par ailleurs profondément déçu précédemment. Il ne reste alors que la possibilité de remonter le film mentalement. En coupant en priorité les deux scènes précédemment évoquées et en ramenant le film sous les deux heures, nous garderons peut être le souvenir d’avoir vu le grand film que la plupart de nos confrères ont encensé.
Titre Original: CALL ME BY YOUR NAME
Réalisé par: Luca Guadagnino
Casting : Timothée Chalamet, Armie Hammer, Michael Stuhlbarg …
Genre: Romance, Drame
Date de sortie: 28 février 2018
Distribué par: Sony Pictures Releasing France
BIEN
Catégories :Critiques Cinéma
C’est drôle de voir comment chacun perçoit les scènes ! Certains trouvent que c’est seulement suggéré et d’autres trop! Le livre est très explicite d’autant que c’est Elio le narrateur et on perçoit bien sa passion dévorante. Forcément pour en faire un film, tout ne peut pas être développé. Ça reste pourtant une histoire qui prend le temps de s’installer, tout comme le livre. Les acteurs sont brillants !
En effet la perception est différente pour chacun. Et si on a lu le livre, on a sans doute fait un peu le film idéal dans sa tête avant 🙂