SYNOPSIS: Mo est beau, charismatique, et a le goût de l’adrénaline. Il fait des courses clandestines. Lorsqu’il rencontre Lila, jeune fille bègue et timide, c’est le coup de foudre. Il va immédiatement la prendre sous son aile. Mais Lila est loin d’imaginer que Mo porte un secret : il ne sait pas lire. 

En voilà un film que l’on n’attendait pas. Pas à ces altitudes émotionnelles. Pas à un niveau si fort, si viscéral. Pas à cette hauteur de la perception du sentiment amoureux et de cette compréhension de l’incommunicabilité entre les êtres malgré la puissance des sentiments. Avec ce premier long métrage, Sara Forestier fait vraiment très fort. Celle qui de L’Esquive en passant par Le Nom des Gens a déjà démontré toute sa singularité en tant que comédienne, s’empare d’une histoire d’amour qu’elle va s’employer à transcender par une approche romanesque assumée, laissant de côté une exploration sociétale trop prononcée pour faire parler une furia de sentiments par l’intermédiaire de la fable. Quitte à se couper de ceux qui préfèrent le naturalisme à l’expression frontale de l’amour, de l’ordre du bouleversement intime. Quitte à décontenancer par un romantisme exacerbé.

C’est pourtant un drame doublé d’une magnifique histoire d’amour que Sara Forestier tisse avec une sensibilité et une maîtrise assez bluffantes. Sans jamais être poseur, M est un film qui ne craint pas de faire des propositions de cinéma gonflées et inattendues (surtout pour un premier film) sans jamais éprouver le besoin de prendre le spectateur par la main et de lui mâcher le travail. C’est un film qui au contraire vous prend par le cœur, vous bouleverse et vous remue, en peignant le portrait de ces deux êtres dont l’un possède la tchatche mais ne sait ni lire, ni écrire, et l’autre les mots qu’elle ne peut prononcer qu’à l’aide de son stylo. Où comment les mots sont plus forts que les maux. Sujet on ne peut plus difficile à retranscrire mais traité avec une justesse de celle qui a vécu une histoire similaire et qu’elle restitue avec subtilité. L’histoire de deux êtres qui sont séparés par leur handicap et que l’amour va rapprocher puis fusionner malgré leurs différences semblent-elles irréconciliables. Deux êtres qui vont trouver dans les yeux de l’autre l’énergie nécessaire pour échapper à leur calvaire et à la honte qu’ils éprouvent.

Ce qui sur le papier relevait de la belle idée à savoir montrer l’évolution de ce parcours en parallèle jusqu’à ce que leurs deux cœurs se télescopent de manière inéluctable aurait pu se révéler carrément casse-gueule sans un minimum de finesse et Sara Forestier évite tous les écueils du misérabilisme ou d’un traitement au contraire trop fleur bleue, ce qui paradoxalement empêche l’émotion de nous submerger irrémédiablement. Pourtant, même l’emploi des chansons de Christophe qui pourrait menacer l’équilibre du film relève de la poésie pure. L’authenticité de M n’est elle pourtant presque jamais pris en défaut, troublant et vibrant d’émotion et le premier essai de réalisatrice de Sara Forestier ressemble à un coup de maître zébré d’éclairs énergisants dont la sincérité transperce l’écran. La réalisatrice s’est pour le coup offert un rôle magnifique où elle laisse exploser tout son talent au travers d’une interprétation saisissante et jamais caricaturale. On la savait excellente comédienne, elle dépasse ce postulat avec une évidence qui force l’admiration. A ses côtés, Redouanne Harjane explose avec une palette de jeu proprement hallucinante. Ils forment tous les deux le cœur et l’âme qui palpitent de ce merveilleux film dont l’intensité le dispute à ce vibrato qui raisonne en nous. Jean-Pierre Léaud et la jeune Liv Andren complètent magnifiquement la distribution de ce film sensitif qui parle de la vie de gens ordinaires qui trouvent la force de devenir extraordinaires pour dépasser leurs conditions. Pas étonnant qu’en sortant de la salle on s’exclame: Putain de M …

Titre Original: M

Réalisé par: Sara Forestier