Critiques Cinéma

THE FLORIDA PROJECT (Critique)

3,5 STARS TRES BIEN

SYNOPSIS: Moonee a 6 ans et un sacré caractère. Lâchée en toute liberté dans un motel de la banlieue de Disneyworld, elle y fait les 400 coups avec sa petite bande de gamins insolents. Ses incartades ne semblent  pas trop inquiéter Halley, sa très jeune mère. En situation précaire comme tous les habitants du motel, celle-ci est en effet trop concentrée sur des plans plus ou moins honnêtes pour assurer leur quotidien…

Avec son 3eme film, Tangerine, Sean Baker nous avait offert l’une des plus belles surprises de l’année 2015, alors même que l’histoire, comme le fait qu’il soit entièrement tourne avec un iphone 5, nous avait fait craindre qu’il ne s’agisse que d’un tout petit film sachant parfaitement créer le buzz. Une de ces « bêtes de festival » qui supportent mal une séance au calme, sans cette énergie propre aux festivals qui laisse généralement peu de place pour la nuance et vous pousse parfois à être dithyrambique avec des films qui s’avèrent finalement mineurs lorsqu’on les revoit. A l’inverse de Tangerine, c’est avec beaucoup d’envie et d’impatience que nous attendions The Florida Project sélectionné à la quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes 2017 et choisi pour faire l’ouverture du Champs-Élysées Film Festival. Un récit sur la fin du rêve américain à travers les yeux d’une enfant, la présence au casting d’une légende du cinéma comme Willem Dafoe et d’un de ses successeurs potentiels les plus crédibles, Caleb Landry Jones (Antiviral, Heaven Knows What, Get Out … ), la vitrine de The Florida Project était belle mais, une fois passée la porte, la petite boutique de Sean Baker n’a malheureusement pas grand chose à offrir (et à raconter).

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En situant son récit dans les motels qui longent la grande route menant au Disneyworld d’Orlando et situés à quelques centaines de mètres des premiers hôtels de luxe accueillant les touristes du parc, le scénario de Sean Baker fait se confronter  / entrer en collision, l’un des symboles du rayonnement culturel et économique des USA avec la précarité dans laquelle vit une partie de sa population que le mythe du rêve américain a laissé au bord de la route, dans ces motels aux couleurs pastels. Le style pop et coloré de Sean Baker confère d’emblée une ironie mordante à ce récit qui s’ouvre sur Celebration de Kool and the Gang. Les héros de ce récit sont ces enfants dont la joie de vivre et l’innocence illuminent l’écran et ne laissent d’abord  pas deviner la précarité de leur situation. Moonee (Brooklynn Price), Scooty (Christopher Rivera) et Jancey (Valeria Cotto) sont tous les trois élevés par une mère célibataire qui peine à payer le loyer de la petite chambre de leur motel. Embarqué pendant son premier tiers dans leur quotidien et leurs quatre cents coups, The Florida Project commence comme un bonbon à l’enrobage sucré dont l’arôme plus amer tarde à se dévoiler. La sublime photographie d’Alexis Zabe (qui collabora avec Carlos Reygadas) fait exploser à l’écran les couleurs de cet environnement en apparence enchanteur. Le charme est là, ces enfants, en particulier Moonee,  bluffant de naturel, confirment le très grand talent de directeur d’acteurs de Sean Baker et sa capacité à conter des histoires simples dans lesquelles le tempérament et l’humeur des personnages donnent son tempo au film. Willem Dafoe interprète le gardien de motel au grand coeur, qui rappelle à l’ordre ses clients autant qu’il veille sur eux et les protège parfois d’eux mêmes et des dangers qui guettent des personnes aussi précarisées (drogue, prostitution, pédophilie…).

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S’il faut toujours se féliciter qu’un film traitant de tels sujets évite de tomber dans le pathos ou les grands discours un peu creux et laisse son récit et ses personnages parler directement au cœur des spectateurs, The Florida Project peine à être autre chose que ce petit objet/ conte coloré qui nous charme d’abord avant de nous donner l’impression de tourner en rond et de devenir assez prévisible.  Le propos, pour aussi fort qu’il soit, n’est pas nouveau, le cinéma américain ayant depuis plusieurs années traité de cette paupérisation d’une partie croissante de sa population et notamment de sa jeunesse. On pense notamment à Raman Bahrani, le réalisateur de 99 Homes qui était déjà dans la veine de ses précédents films. On pense surtout à un autre film sorti cette année,  American Honey (Andrea Arnold), pour sa capacité à nous embarquer dans les aventures de personnages démunis mais dont l’énergie folle contaminait le film sans en atténuer la force, alors même qu’il durait une bonne heure de plus que The Florida Project. Ce parti pris de rester à hauteur de ses personnages et de nous communiquer d’abord leur bonne humeur pour progressivement gratter le vernis coloré et dévoiler un peu plus de leur situation dramatique, n’est pas très payant. Le film peine à se déployer et à émouvoir malgré les excellentes interprétations tant des enfants que de leurs mères, notamment celle de Moonee, Halley (Bria Vaneite dont c’est le premier rôle et que Sean Baker a repéré sur internet), beaucoup plus présentes dans la seconde partie du récit. On regrette aussi que le rôle de Willem Dafoe ne soit pas plus écrit, aussi plaisant soit-il et que le personnage de Caleb Landry Jones soit purement utilitaire. Sans jamais se désintéresser de cette histoire, on finit néanmoins par en deviner les ultimes rebondissements et l’issue, ce qui malheureusement en amoindrit sérieusement la portée. S’il est impossible de ne pas aimer The Florida Project pour ce qu’il est, il est difficile de ne pas regretter ce qu’il n’est pas et promettait d’être, un film qui sache dépasser sa forme et son postulat pour nous surprendre et nous émouvoir comme avait admirablement su le faire Tangerine.

Titre Original: THE FLORIDA PROJECT

Réalisé par: Sean Baker

Casting : Willem Dafoe, Bria Vinaite, Caleb Landry Jones

Genre: Comédie dramatique

Date de sortie: 20 Décembre 2017

Distribué par: Le Pacte

3,5 STARS TRES BIEN

TRÈS BIEN

 

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