Critiques Cinéma

LES LAURIERS ROSES-ROUGES (Critique)

SYNOPSIS: Roya, actrice dans la trentaine et musulmane moderne issue de la classe moyenne du Bangladesh, est mariée à un homme d’affaires prospère. Elle semble tout avoir pour être heureuse. Remplacée par une actrice plus jeune pour jouer le personnage de Nandini, archétype de la féminité bengalie et personnage central de la pièce politique de Rabindranath Tagore, Les Lauriers-rouges roses, Roya doit pourtant se battre pour trouver sa place dans la tentaculaire Dacca. Elle réinterprète la pièce, l’actualise et la met en scène en transformant profondément l’image de la féminité. La nouvelle Nandini est une femme qui assume son identité personnelle, ses désirs et sa sexualité. Inspirée du destin de son ancienne domestique Moyna, désormais ouvrière dans une usine de textile, Roya situe le personnage de Nandini dans cet univers désenchanté du Bangladesh. Véritable usine textile du monde dans laquelle les travailleurs sont des travailleuses. En parallèle, l’histoire de Mita Rahman, la mère de Roya, veuve et délaissée par sa fille, qui trouve son indépendance et son identité dans la rigueur de la religion.

Les lauriers roses-rouges est un film en provenance du Bangladesh, réalisé par une femme, ce qui est assez rare pour être souligné. Il traite justement de la condition et de la libération de la femme au Bangladesh. Par rapport à d’autres films sur le sujet, le cœur de l’histoire ne se situe pas ici dans un milieu pauvre mais bien parmi les classes supérieures, dans lesquelles traditions et patriarchie dominent tout autant. Si le sort de Roya est bien plus enviable que celui de Moyna sa domestique, elle n’est cependant ni heureuse ni libre. Dans une société qui se transforme à grande vitesse avec l’influence occidentale, l’essor des consciences et la volonté d’affirmation de son identité, les repères se font flous et instables. Trois chemins s’offrent à trois femmes, pour trois destins différents. L’une va porter les combats, l’autre se résigner tandis qu’une troisième va tenter de retrouver ses repères dans le rigorisme religieux qui la rassure.


Si le combat mené par Roya est honorable et nécessaire, il est cependant difficile de ne pas remarquer qu’il s’inscrit dans une situation plus confortable, libérée de nombreuses obligations et contingences et est une révolte feutrée, tournée vers l’international, qui semble ne pas posséder beaucoup de prise sur le quotidien des femmes comme Moyna. Un petit pas reste cependant un pas. Un peu long parfois, le film s’attarde aussi sur cette transformation et l’un de ses aspects les plus connus et critiquables, celui de l’industrie textile omniprésente, poumon économique du Bangladesh mais responsable de la transformation des ouvriers en machines humaines, payés une misère pour des cadences infernales, à la merci de l’écroulement d’un immeuble construit avec des matériaux au rabais. Et lorsque la classe moyenne bangladaise se construit et ses cadres commencent à s’épanouir, les inégalités se creusent de l’autre côté, les bidonvilles se multiplient.

Industrie textile qui crée également l’une des particularités du Bangladesh, ce sont les femmes qui ramènent majoritairement les salaires grâce à leurs postes dans ces usines mais qui malgré tout ne disposent d’aucun pouvoir dans cette société. La pièce que joue Roya est justement d’un auteur dénonçant cette machinisation de l’homme et les responsabilités de l’Occident. Elle y adjoint cette lutte pour les droits des femmes face à la pression, non pas des lois, ni même de la puissance financière, mais des coutumes. Les lauriers roses-rouges évite l’écueil de la généralisation et offre une mise en abîme intéressante, le flambeau de la lutte sociale représenté par la pièce de Tagore, repris par une femme dans un film qui adjoint à cette lutte une nouvelle cause, celle des femmes. La lutte change de média, le combat se transforme, comme il tente de proposer un autre cinéma bangladais. Celui-ci a régulièrement perdu en moyens, en originalité et en qualité jusqu’à être vu aujourd’hui comme une sorte de sous-Bollywood pas cher s’enfermant dans les traditionnelles comédies colorées dansées et chantées. A de nombreux niveaux, Les lauriers roses-rouges est donc une petite bouffée d’air bienvenue.

Titre Original: UNDER CONSTRUCTION

Réalisé par: Rubaiyat Hossain

Casting : Shahana Goswami, Rikita Shimu, Mita Rahman…

Genre: Drame

Date de sortie: 07 juin 2017

Distribué par: Contre-Courants

TRÈS BIEN

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