Critiques Cinéma

UN JOUR DANS LA VIE DE BILLY LYNN (Critique)

4 STARS EXCELLENT

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SYNOPSIS: En 2005, Billy Lynn, un jeune Texan de 19 ans, fait partie d’un régiment d’infanterie en Irak victime d’une violente attaque. Ayant survécu à l’altercation, il est érigé en héros, ainsi que plusieurs de ses camarades. Et c’est avec ce statut qu’ils sont rapatriés aux Etats-Unis par l’administration Bush, qui désire les voir parader au pays… avant de retourner au front. 

Peu de réalisateurs sont aussi versatiles que le taïwanais Ang Lee, à la fois auteur et innovateur technique, naviguant dans les genres et les styles aussi divers que le drame en costumes (Raison et sentiments), le mélodrame gay mâtiné de western (Le secret de Brokeback Mountain), le film de super-héros (Hulk) ou le Wu Xian Pan (Tigre et Dragon). Il revient quatre ans après le magnifique conte philosophique L’Odyssée de Pi qui lui valut l’Oscar du meilleur réalisateur avec un projet risqué, un drame sur le retour des soldats des guerres moyen-orientales qui utilise les techniques les plus pointues – tourné en 4k, 3D et avec un ratio de 120 images par secondes – pour nous plonger dans la tête de ses protagonistes. Premier projet de Studio 8, la société de l’ancien dirigeant de Warner Jeff Robinov qui fit éclore les carrières des Wachowski ou de Christopher Nolan, le film a connu un cuisant échec public et critique aux USA. Échec qui ajouté au fait de sa technologie trop avancée pour la plupart des parcs de salles, lui vaut une sortie limitée à quelque salles en 2D dans nos contrées. Si il est impossible de juger de l’apport de ces technologies au récit il nous reste un film singulier.

Le film est raconté du point de vue de Billy Lynn, jeune soldat de 19 ans -incarné par le débutant Joe Alwyn qui – avec le reste de son escadron – s’est distingué au cours d’une bataille en Irak. Une équipe de télévision parvenant à capturer des images de Billy se portant au secours de son supérieur blessé (Vin Diesel), transforme Lynn et ses camarades en célébrités. L’administration le ramène, ainsi que ses camarades de l’escadron Bravo pour une tournée médiatique culminant par leur participation aux côtés du groupe Destiny’s Child à la mi-temps d’un match de football américain le jour de Thanksgiving. Le film révèle grâce à des flash-backs ce qui est vraiment arrivé à l’équipe, les conditions de son retour – offrant un contraste entre les réalités du conflit en Irak avec la perception qu’en a l’Amérique. Une journée dans la vie de Billy Lynn évoque le cinéma des années 70 en particulier les œuvres comme Le retour de Hal Ashby sur le retour au pays des combattants du Viêtnam. Lee montre un traumatisme différent de celui des vétérans du Viêtnam, la où ils furent accueillis dans une société divisée par le conflit et les cris de haine des opposants à la guerre, ils reviennent ici dans une Amérique indifférente pour qui ces guerres lointaines sont noyées dans le flot des distractions. Là où les jeunes appelés du Viêtnam étaient arrachés à leur famille, ceux d’Irak issus de milieux pauvres sans autre avenir que des petits boulots dans des fast-food trouvent dans la guerre leur seule raison de vivre. Dans ses flashbacks, Un jour dans la vie de Billy Lynn montre la confusion morale des soldats dans une situation sans issue où leurs actions en créant plus de victimes créent aussi plus d’ennemis. D’une certaine manière Le film est une réplique parfaite au révisionnisme d’American Sniper et sans doute le succès du film d’Eastwood annonçait l’échec commercial du Ang Lee.

Billy Lynn et ses camarades sont devenus étrangers à cette Amérique qui devrait être leur paradis, ce pays où ils se retrouvent assaillis de questions incongrues ou de félicitations pour leur participation à une guerre dont la réalité échappe à beaucoup. Le taïwanais Ang Lee qui a passé la moitié de sa carrière à observer à la manière d’un anthropologue la société américaine dépeint ce match de football comme un tableau de Bosch, zoomant sur les gros ventres des spectateurs, les mains crispées sur leurs frites et leurs bières. Il déniche l’absurde quand le stade est prié de saluer ses héros mais avant qu’ils ne s’assoient, les écrans du stade sont déjà passés à une publicité pour les troubles de l’érection. Les applaudissements ne leur appartiennent pas, ils sont devenus une fiction, marchant consciencieusement derrière des pop-stars. A l’apogée du show, Billy est sous le choc, assailli par les lumières, bombardé par la musique, le mouvement des danseurs, le cuivres des fanfares et les hurlements de la foule. Le film reflète bien le chaos intérieur des hommes et des femmes confrontés à ce bruit permanent qui paradoxalement contraste avec une guerre que Ang Lee montre calme et silencieuse entre deux explosions de violence. Un jour dans la vie de Billy Lynn est un film choral porté par un casting impeccable qui gravite autour du jeune Joe Alwyn qui se révèle très bon et qui, malgré son physique carré, parait vulnérable. Il apporte une vraie complexité et une mélancolie à ce personnage qui semble parfois être absent de sa propre vie. A ses cotés, l’autre révélation du film est Gareth Hedlund, charismatique en sergent qui se réserve les meilleures répliques du film. On ressent une vraie camaraderie entre les comédiens incarnant les membres de l’escadron. Vin Diesel prouve dans le rôle de leur mentor qu’il est un excellent comédien, à la fois soldat et philosophe et donne une dimension chaleureuse à son personnage. Chris Tucker, extrêmement rare sur les écrans en dehors des Rush Hour, compose un consultant qui tente de vendre leur histoire à Hollywood (si il ne peut avoir Matt Damon ou Mark Wahlberg il est prêt à signer avec Hilary Swank) le personnage est drôle mais Tucker n’en fait pas un bouffon. A contre-emploi on retrouve Steve Martin abject en magnat texan de l’immobilier. Kristen Stewart qui incarne la sœur anti-guerre de Billy marquée par un accident de voiture et qui tente de lui faire quitter l’armée est très émouvante même si son jeu est un peu trop apprêté. Un jour dans la vie de Billy Lynn n’est pas exempt de défauts, parfois maladroit, la structure chaotique du scénario de Jean-Christophe Castelli n’est pas des plus fluides, certains dialogues semblent artificiels et certains plans comme celui de Billy pleurant lors de l’hymne national ne se raccordent pas au reste du film. Ang Lee est à la fois sentimental et cynique si bien qu’on a on a parfois du mal à interpréter les intentions du cinéaste mais peut-être que cette confusion reflète celle de nos sentiments sur ces guerres. La petite musique douce-amère qu’il donne au film, particulièrement émouvante, éclipse ses défauts, aidée par la partition émotionnelle de Mychael Danna.

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Titre Original: BILLY LYNN’S LONG HALFTIME WALK

Réalisé par: Ang Lee

Casting : Joe Alwyn, Kristen Stewart, Garrett Hedlund,

Steve Martin, Vin Diesel, Chris Tucker…

Genre: Guerre, Drame

Sortie le: 1er Février 2017

Distribué par: Sony Pictures Releasing France

4 STARS EXCELLENTEXCELLENT

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