Critiques Cinéma

THE BIRTH OF A NATION (Critique)

3 STARS BIEN

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SYNOPSIS: En un temps précédant la Guerre Civile américaine, Nat Turner est un prédicateur et un esclave cultivé. Son propriétaire, Samuel Turner, financièrement sous pression, accepte une offre visant à utiliser les dons de prédication de Nat dans le but d’assujettir des esclaves indisciplinés. Après avoir été témoin des atrocités commises à l’encontre de ses camarades opprimés, Nate conçoit un plan qui peut conduire son peuple vers la liberté. 

Dans toute l’histoire du cinéma américain, aucun film n’aura crée de polémique plus violente, suscité une détestation aussi grande que le film de D.W Griffith, sorti en 1915. Considéré par beaucoup comme un chef-d’œuvre sur le plan formel et une révolution sur le plan technique, Naissance d’une Nation est surtout un film au racisme assumé par son réalisateur, dont le succès contribua notamment à promouvoir l’idéologie du Ku Klux Klan dont les membres étaient présentés comme des héros sudistes. Malgré l’odeur de souffre entourant sa sortie, il rencontra un énorme succès public (pendant longtemps un des plus gros succès du box office américain) et fut même le premier film projeté à la maison blanche, le président Woodrow Wilson étant un ami du Révérend Thomas Dixon, auteur de la pièce The Clansman dont est adapté le film. Un siècle plus tard , dans une Amérique qui jusqu’en 1999 célébrait D.W Griffith en remettant des prix à son nom (Le « D.W Griffith Lifetime Achievement Award » devenu depuis le « DGA Lifetime Achievement Award », remis par la Directors Guild of America), dans cette même Amérique qui a élu un président noir mais dans laquelle la question des violences contre les noirs et de l’impunité dont bénéficient leurs auteurs est loin d’être réglée, Nate Parker, un jeune acteur à la carrière anonyme, apporte sa réponse au film de D.W Griffith. La naissance d’une nation n’est pas le film plein de rage et de fureur auquel nous nous attendions à la vue des différents trailers et des échos qui nous étaient parvenus de son passage au festival de Sundance, dont il repartit avec le grand prix. Pour répondre à D.W Griffith, Nate Parker s’empare du récit de Nate Turner qui fut le leader d’une révolte d’esclaves « L’insurrection de Southampton » en août 1831.

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Le film de Nate Parker prend son temps pour installer son récit et ses personnages, s’attachant avant tout au cheminement intime de Nate Turner, aux événements ayant provoqué chez lui une prise de conscience le poussant à devenir l’initiateur et le leader de la révolte, lui qui était jusqu’alors un prêcheur au service des maîtres. Le parcours de Nate Turner peut ainsi être vu comme une métaphore de celui de beaucoup de jeunes noirs et plus généralement de jeunes hommes ou femmes issues de minorités, qui ne prennent conscience des injustices frappant leur « communauté » que lorsqu’ils en seront eux-mêmes victimes. Nate Turner a en effet longtemps été préservé des violences dont sont victimes l’immense majorité des esclaves. Ami avec Samuel (Armie Hammer)le fils de son maître, il n’échappe pas au travail forcé dans les champs de coton, côtoie de près la violence dont sont capables les autres maîtres mais n’exprime pas de volonté de rébellion. Très intelligent il a même appris à lire, par lui même puis aidé par l’épouse de son maître (Penelope Ann Miller) qui lui enseigna également la bible. La première partie du récit, ressemble ainsi à l’ « origin story » de Nate Turner, lestée d’un académisme malheureusement sclérosant, donnant l’impression de tourner les pages d’un beau livre plutôt que de ressentir une réelle émotion. Nate Parker se perd quelque peu dans cette partie qui apparaît trop longue mais qui manque surtout cruellement de souffle. Il n’est par ailleurs pas mauvais acteur mais, comme sa mise en scène, sa palette manque de variété ce qui le pousse à plusieurs reprises à une emphase très théâtrale, très lourdement appuyée par la musique d’Henry Jackman. Cette première partie surprend autant qu’elle déçoit par son manque de souffle et ses maladresses, le temps que Nate Parker prend pour construire son propos, à travers le parcours de cet esclave qui tombe amoureux, met ses talents de prêcheur au service de maîtres dont la cruauté soulève le cœur (notamment lors d’une scène d’une radicalité et d’une violence insoutenable) et dont on finit par désespérer qu’il se révolte enfin.

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Le tableau peint semble volontairement naïf pour faire contrepoids avec la suite du récit. Si cette construction est loin d’être absurde, son exécution pose véritablement problème. S’attarder sur l’histoire d’amour de Nate avec Cherry (Aja Naomi King) a du sens mais la façon dont Nate Parker la met en scène est d’une telle platitude et d’une telle naïveté que nous ne sommes par parvenus à être émus. Le portrait souffre de la même naïveté que cet esclave qui peu à peu prend conscience que le très relatif « confort » dans lequel il se trouve par rapport à la grande majorité des autres esclaves n’est qu’illusoire, que son enseignement de la bible a été biaisé pour le conduire à accepter l’intolérable et prêcher, non pas la parole du seigneur, mais celle des maîtres. Le propos est intéressant, Nate Parker mettant en avant le rôle de la religion et de ses esclaves manipulés pour calmer les velléités de révolte des leurs mais il est dilué dans des scènes à notre avis inutiles et est surtout porté avec beaucoup de maladresse et une mise en scène très illustrative. Cette partie du film souffre en fait de ses bonnes intentions et du manque d’assurance d’un metteur en scène qui pour son premier long métrage attaque l’Everest par la face nord. Cette intention est louable et incite à l’indulgence mais il est difficile de ne pas penser qu’un tel sujet, entre les mains d’un réalisateur plus aguerri aurait pu donner un film d’une toute autre envergure.

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On comprend que Nate Parker a probablement fait le pari d’une exposition très longue pour que son film ne se résume pas qu’au récit de l’insurrection de Southampton et, qu’au delà des raisons qui nous apparaissent évidentes, on comprenne le cheminement intime de Turner, comment naît chez un homme le sentiment de révolte le poussant à prendre la tête d’une insurrection dont l’extrême violence répond à celle subie. Mais si l’on sent l’influence de Braveheart, Nate Parker n’est pas Mel Gibson et il a toutes les peines du monde a donner du souffle à son récit et à faire de Nate Turner un personnage de cinéma. De même si l’on a souvent reproché à Mel Gibson son symbolisme religieux, Nate Parker, pris au piège de son personnage empreint d’une foi qui le rendit aveugle aux souffrances des siens avant de lui donner le courage de les conduire à la révolte, se prend les pieds dans un symbolisme écrasant dévitalisant des scènes qui auraient dû nous prendre aux tripes. Il n’en reste pas moins que le film se réveille en même temps que son personnage et que la révolte se préparant puis éclatant, on est rattrapé par la violence et la détermination de ces hommes que la mise en scène parvient enfin à transmettre. Le parfait équilibre est trouvé pour éviter une surenchère d’images chocs tout en ne nous épargnant rien de la « sauvagerie » de ces meurtres à la hache, au couteau, perpétrés par des hommes reprenant enfin le contrôle de leur existence. En étant enfin viscéral et non plus illustratif, le film prend enfin l’ampleur qu’on espérait, bien que toujours lesté de ce symbolisme religieux dans lequel il s’est empêtré . Ce dernier acte contient aussi de belles idées de mise en scène qui confirment que lorsqu’il se laisse moins écraser par son sujet, Nate Parker est capable de fulgurances, y compris dans son jeu qui atteint alors également un tout autre niveau. Sa « naissance d’une nation » n’est pas le grand film espéré et ses maladresses trouvent sûrement une explication dans la façon dont il s’est impliqué dans un sujet qui lui tenait autant à cœur, en étant à la fois devant et derrière la caméra mais aussi à l’écriture du scénario et à la production. Son dernier acte, très efficace, valide toutefois quelque peu un choix scénaristique qui s’avère finalement assez judicieux.

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Titre Original: THE BIRTH OF A NATION

Réalisé par: Nate Parker

Casting : Nate Parker, Armie Hammer, Penelope Ann Miller,

Aja Naomi King, Marke Boone Junior, Colman Domingo   …

Genre: Biopic, Historique, Drame

Sortie le: 11 janvier 2017

Distribué par: Twentieth Century Fox France

3 STARS BIEN BIEN

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