Critiques Cinéma

COLLECTIVE INVENTION (Critique) Festival du Film Coréen à Paris

3 STARS BIEN

collective-invention-affiche-cliff-and-co

SYNOPSIS: Un jeune homme se retrouve transformé en mutant humanoïde à tête de poisson suite à une expérience médicale. Dans le scandale qui se développe sous l’ombre grandissante d’une firme pharmaceutique aux activités troubles, les chemins de différents personnages vont se croiser. Parmi eux, l’ex-copine au caractère opportuniste du mutant, et un journaliste décidé à découvrir la vérité.

Produit par Chang Dong Lee, l’immense réalisateur de Peppermint Candy (1999) Oasis (2002) et Poetry (2010), que l’on n’attend pas vraiment sur des projets au pitch aussi loufoque, ce premier film sur un homme poisson était un bien bel objet de curiosité que nous attendions depuis de longs mois et que le festival du film coréen à Paris (FFCP) nous donne enfin l’occasion de découvrir. Ceci n’est pas un biopic sur Mark Harris (le kitchissime Homme de l’Atlantide interprété par Patrick « Bobby Ewing » Duffy) et si, comme lui, Park Gu a les mains palmées, il n’a malheureusement pas la possibilité de passer incognito avec son énorme tête de poisson et est bien plus à l’aise sur la terre ferme que dans l’eau, pour peu qu’il s’hydrate très régulièrement. Cette mutation survenue suite à des essais thérapeutiques rémunérés, bouleversera évidemment sa vie mais aussi la société coréenne. C’est d’ailleurs ainsi que s’ouvre le film, à la façon d’un mockumentaire montrant les réactions de la population, positives ou extrêmement violentes, à l’onde de choc provoquée par la découverte de ce jeune homme victime d’un laboratoire peu scrupuleux qui le cachait comme une bête honteuse. Le récit opère ensuite un retour cinq années auparavant pour nous faire découvrir l’autre personnage central de cette histoire, Woo Moon-Gi (Kang Bong-Sung), un apprenti journaliste maladivement timide et très naïf, chargé d’enquêter sur la véracité de cette histoire.

collective-invention-1-cliff-and-co

Après Tunnel et Inside men, voici un nouveau film de cette 11 ème édition du FFCP qui s’attache à dénoncer les travers de la société coréenne. Collective Invention ne prend ni la forme d’un film catastrophe dérivant en satire ne se départissant jamais de son sourire en coin (Tunnel) , ni d’un polar aux allures de gigantesque fresque écrasée par son ambition (Inside Men), mais comme un petite fable sur la différence. Le titre et le thème du premier film de Kwon Oh Kwang lui ont manifestement été inspirés d’un tableau très célèbre de René Magritte (1935), représentant une sirène « inversée » (avec une tête de poisson et des jambes de femme) échouée sur une plage. Kwon Oh Kwang imagine en quelque sorte l’envers de cette scène, la réaction de la société coréenne face la découverte d’une telle créature et donne une explication rationnelle à son apparence ce qui lui permet, au delà de la fable sur l’acceptation de la différence, de développer notamment son propos sur le cynisme des société pharmaceutiques et l’impunité dont elles jouissent.

collective-invention-2-cliff-and-co

Collective Invention dit aussi quelque chose de cette jeunesse coréenne soumise à une forte pression sociale durant toutes leurs études. Avant sa mutation, « Gu » avait abandonné ses études au grand désespoir de son père (Jang Gwang) qui ne se privera pas de lui rappeler, en dénigrant par la même occasion son amie Joo-Jin ( Bo-Yeong Park), elle aussi peu intéressée par les études. La société coréenne cultive le culte de l’excellence, les jeunes étudiants sont pétrifiés à l’idée d’échouer et de fait, ceux qui s’affranchissent de cette pression sociale sont très mal considérés. On se dit ainsi que même sans une tête de poisson, l’avenir de « Gu » et sa place dans cette société n’aurait guère été plus reluisant. Collective Invention distille ce propos par petites touches, au travers de scènes ou de réflexions semblant anodines mais qui prennent du sens à mesure que se développe le récit. Le personnage du père de « Gu » témoigne du fossé qui existe entre cette génération qui a bénéficié du « miracle économique » coréen et une jeunesse à l’avenir incertain, souhaitant s’affranchir du modèle imposé. Le culte de l’excellence est aussi dénoncé à travers la réaction des médias, insensibles au sort de « Gu » dès lors que l’expérience dont il a été victime pourrait à terme valoir à la Corée un prix Nobel de médecine. Il faut mettre au crédit de Kwon Oh Kwang d’être parvenu, grâce à l’intelligence de son postulat de départ et de son scénario, à traiter de thèmes aussi importants. Il n’en reste pas moins que sur le plan de la mise en scène et de la direction d’acteurs, on redescend de plusieurs étages et regrette qu’il n’ait pas insufflé plus d’inventivité et de poésie à ce récit. La fable flirte trop souvent avec la farce pour que l’on s’y intéresse vraiment si bien que durant 1h30, elle parait même un peu longue. La mise en scène impersonnelle et l’image trop fade déçoivent et contribuent à ce que Collective Invention ne décolle jamais et donne le sentiment d’être sur des rails. Kwon Oh Kwang est plus à l’aise dans le registre de la comédie que dans celui du drame vers lequel glisse progressivement son récit. Collective Invention aurait certes pu atteindre d’autres hauteurs mais il s’agit tout de même d’une belle découverte, d’un beau petit film, un peu bancal dont le propos nous a touché.

collective-invention-affiche-cliff-and-co

Titre Original: DOLYEON BYEONI

Réalisé par: Kwon Oh Kwang

Casting : Lee Kwang-soo, Lee Chun-hee, Park Bo-young…

Genre: Comédie dramatique

Sortie le: –

Distribué par: –

3 STARS BIENBIEN

 

Laisser un commentaire