Critiques Cinéma

SNAKE EYES (Critique)

5 STARS CHEF D'OEUVRE

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SYNOPSIS: Le palais des sports d’Atlantic City contient à peine la foule venue assister au match du siècle, où s’affrontent deux poids lourds de la boxe. Soudain des coups de feu éclatent à proximité du ring et le secrétaire d’Etat à la Defense s’effondre, mortellement blessé. L’enquête commence sous la direction de l’inspecteur Rick Santoro, policier corrompu. Rick va s’efforcer de sauver sa réputation ainsi que celle de son ami Kevin Dunne, chargé de la sécurité du secrétaire d’Etat, et qui s’était malencontreusement absenté au moment du drame…

Qu’on soit témoin d’un accident (Blow Out), d’un meurtre de voisinage (Body Double) ou de l’échec d’une opération d’espionnage (Mission Impossible), Brian de Palma aime souvent nous inviter à regarder les choses plusieurs fois. Fort de son style ultra-visuel, le cinéaste nous présente une situation initiale et consacre le reste de sa pellicule à tordre et analyser cette « scène » (puisque c’est bien de cela qu’il s’agit) dans tous les sens afin d’en déceler le vrai du faux. On l’aura remarqué, chez De Palma, on aime causer cinéma. Ce qu’on a vu est-il bien conforme à la réalité ? Et si tout n’était que mise en scène ? Snake Eyes ne déroge pas à la règle. Le film sorti en 1998 ouvre sur un enregistrement télévisuel où une présentatrice parle d’ « ouragan », avant de se faire couper par son rédacteur en chef qui préfère qualifier la météo de « tempête tropicale » histoire de ne pas refroidir les vacanciers. La séquence est finalement re-tournée pour qu’on entende le bon terme. A travers cette introduction innocente, se dissimule d’ores et déjà le fil rouge du film : il y a ce qu’on veut nous faire voir/entendre et ce qu’on nous cache. Le cadre s’élargit alors (littéralement) et la manipulation à moindre échelle à laquelle on vient d’assister va progresser sur un gigantesque décor de palais des sports dans un plan-séquence brillant d’une dizaine de minutes. Via cette seconde entourloupe envers le spectateur (le plan-séquence est en fait raccordé par effets numériques), nous est présenté Rick Santoro (Nicolas Cage), inspecteur de police d’Atlantic City corrompu jusqu’à l’os qui vient assister au match de boxe du moment avec son ami haut-gradé Kevin Dunn (Gary Sinise).

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Alors que la foule est installée et que le match commence, quelques éléments troublants viennent retenir notre attention quand un coup de feu est tiré sur le Secrétaire d’État présent dans les gradins. C’est alors qu’un fulgurant potentiel de mise en scène se dégage. Plusieurs personnages clés viennent d’assister au crime, chacun d’un point de vue différent, y compris le spectateur via l’œil de la caméra. L’idée du scénariste David Koepp et du réalisateur est de prolonger un parti-pris déjà exploité dans Mission Impossible : interroger chaque caméra ayant été témoin de la scène pour sonder la vérité. Le postulat de départ prend alors rapidement la forme d’une invitation aux coulisses d’un véritable plateau de ciné. L’investigation prendra donc naturellement ses quartiers dans l’envers du décor pour servir allégrement l’aspect méta du projet. Non content de nous appeler littéralement à le rejoindre derrière la caméra en nous dévoilant les câbles, la table de montage, les fonds verts et les cascadeurs, Brian pose une fois de plus la question « Le cinéma, c’est quoi ? » et met le doigt sur un fondement essentiel : la manipulation. Et c’est de cette façon, dans la déconstruction de l’art qu’intervient le bien-fondé de la situation. Le boxeur a l’air de se coucher un peu vite ? Oublions le montage biaisé, les rushs me raconteront la vérité. En mettant ainsi en parallèle l’œil et la caméra, la subjectivité dans le regard est mise en avant, permettant d’édifier tout un discours sur le pouvoir du cinéma et surtout de l’image. Ici représenté via l’action des médias, ce pouvoir s’extériorise comme un moyen de contrôle suprême dans une société viscéralement faite d’une profusion d’images et qui régissent de nombreux enjeux importants.

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C’est également l’une des questions évoquée par Snake Eyes : notre société actuelle tendrait-elle à ressembler de plus en plus à un plateau de cinéma ? Pour le méchant, il s’agit concrètement de supprimer l’image/la pellicule indésirable, témoin d’une vérité dérangeante dans un monde de fiction. Comble de l’ironie, c’est finalement la projection d’une image (celle d’une ombre) qui mettra à mal les plans du bad-guy avant de se faire achever, comme foudroyé par l’objectif d’une caméra ultime le piégeant dans une mise en scène trompeuse. Dans une savoureuse proposition de cinéma, Brian de Palma déploie toute la maestria de sa mise en scène hitchcockienne dans un univers de faux semblants où les méchants ressemblent étrangement à des techniciens de plateau et où la vérité n’émerge qu’à travers l’introspection artistique. D’une maîtrise technique à toute épreuve et porté par l’hystérie d’un Nicolas Cage en grande forme et d’un Gary Sinise implacable, Snake Eyes livre une réflexion sur la société, l’image et la perception tout en prenant un malin plaisir à faire balader ses personnages dans un environnement méta textuel. Comme si, pour nous montrer comment fonctionne le cinéma, le grand Brian de Palma nous invitait à faire le tour d’une caméra. C’est ce qu’on appelle communément, un chef-d’œuvre.

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Titre Original: SNAKE EYES

Réalisé par:  Brian De Palma

Casting : Nicolas Cage, Gary Sinise, Carla Gugino,

John Heard, Kevin Dunn, Luis Guzman  …

Genre: Policier, Drame, Thriller

Sortie le: 11 novembre 1998

Distribué par: Gaumont Buena Vista International (GBVI)

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