A l’occasion de la diffusion de la première saison de la nouvelle série de NBC, Aquarius, sur 13e Rue à partir du 11 octobre, nous avons eu la chance de rencontrer celui qui en partage l’affiche avec David Duchovny. Après son rôle de Renly Baratheon dans la série Game of Thrones, Gethin Anthony incarne un Charles Manson fortement inspiré de la réalité, dans le Los Angeles de la fin des années 60, en pleine révolution culturel, politique et sociale.
Comment présenteriez-vous Aquarius au public Français ?
Je dirais que c’est une histoire provocatrice, divertissante, et fictionnelle sur le Los Angeles de la fin des années 60. C’est une série sur une ville, mais vue à travers les yeux d’un flic, le personnage de David Duchovny, dont l’histoire passée, présente et future permettra de montrer les remous mais aussi les fulgurances de l’histoire de l’Amérique. La fin des années 60 est une période de transition, riche en changement, et c’est ça qui est intéressant à voir.
Qu’est-ce qui vous a motivé à jouer un personnage aussi détestable, Charles Manson ? Tout le monde sait qu’il est un meurtrier, qu’il est en prison.. Pourquoi avoir accepté ce rôle si particulier?
Pour un acteur c’est vraiment une opportunité de se transformer, ou plus exactement d’expérimenter les habitudes de la vie d’une autre personne. Plus les différences entre l’acteur et le personnage sont importantes, plus le défi est grand, mais aussi plus excitant. Et je suppose que c’est de là que vient mon attirance pour des personnages aussi extrêmes. Des fois ça n’est pas l’idée la plus intelligente, mais c’est vraiment là que je trouve de l’intérêt pour un rôle, lorsqu’il faut sortir de sa zone de confort. Et dans ce rôle-là, j’ai eu l’occasion de particulièrement m’en éloigner !
Si le public ne connaissait pas Charles Manson, comment se sentirait-il par rapport à lui, dans la manière dont vous le représentez ?
Si le public découvrait Charles Manson à travers le Charlie Manson que j’incarne…(silence) je suppose que vous devriez leur poser directement la question… (rires) Aquarius est un récit fictionnel, mais John Mc Namara [Créateur, producteur et scénariste, donc showrunner de la série] l’a basé sur des éléments historiques aussi bien politiques que sociaux ou culturels. Mais l’histoire doit bien commencer quelque part, elle doit avoir un début, un milieu et une fin, et les personnages doivent évoluer. En ce sens, leur histoire à eux doit bien commencer quelque part également. En ce qui concerne Charlie Manson, son histoire ne commence probablement pas là où le public l’aurait imaginé (en tous cas pas là où moi je l’aurais imaginé, me basant sur ce que je connaissais de lui avant de l’incarner). Dans la première saison d’Aquarius, on ne rencontre pas Charles Manson après qu’il ait commis ses crimes, mais avant, lorsqu’il veut devenir un musicien de rock n’ roll, et qu’il cherche à signer un contrat avec une maison de disque. C’est aussi un point de départ intéressant ! Je ne sais pas si j’ai tout à fait répondu à votre question (rires)
Je pensais plus au sentiment que le spectateur pouvait éprouver en le voyant : sympathie, curiosité, peur, pitié..
Vous savez, je joue le personnage il est donc impossible pour moi de le juger, je ne sais pas vraiment si mon point de vue sur la question serait d’un quelconque intérêt.. Mais c’est très certainement un personnage curieux ! C’est un personnage très curieux qui connaitra un destin tragique, et qui véhicule une telle violence, une telle haine… Le chemin qui le mènera à commettre ces crimes, pas seulement dans la réalité mais aussi dans la série, est définitivement très mystérieux, et il sera fascinant de voir la manière dont ce massacre, tragique évidemment, finit par arriver.
Le Charlie Manson que vous incarnez est un mélange entre l’histoire du vrai Charles Manson et des éléments de fiction qui ont été rajoutés. Comment vous êtes vous préparé pour ce rôle si particulier ?
Effectivement cet équilibre entre personnage réel et éléments fictionnels est très important. Et pour tous les acteurs, ça a été parfois difficile de trouver le bon ton, notamment pour des question légales lorsque cela concernait des personnages ayant existé, voire même toujours en vie. En ce qui concerne ma préparation, elle a commencé de manière classique, par la lecture des ouvrages concernant Charles Manson, par écouter la musique qu’il a écrite, etc… Je me suis ensuite penché sur les aspects techniques, comme apprendre à jouer de la guitare, ce que je ne savais pas faire, ou écouter sa voix et son dialecte en boucle, pour me préparer à son phrasé si particulier à l’aide d’une coach etc… C’est un vrai processus ! Et pour finir, il y a le lâcher prise, le jour où vous commencez le tournage: vous voyez les décors, l’équipe, les autres acteurs tous mieux dans leur rôle les uns que les autres, tous dévoués au même objectif, et cela finit de vous mettre dans le bain.
Vous n’avez donc pas rencontré le vrai Charles Manson [agé de 80 ans, il est toujours emprisonné en Californie, NDLR] ?
Non, je ne l’ai pas rencontré. Je me suis posé la question, puis je me suis dit, à raison je pense, que ça n’était pas une bonne idée. Si j’avais pu rencontrer le Charles Manson de 1967, je l’aurais fait, sans aucune hésitation. Mais le rencontrer aujourd’hui est moins intéressant pour moi, notamment parce que nous ajoutons de la fiction à son histoire, et qu’il faut laisser de la place à l’interprétation. Mais dans ces circonstances, pour cette histoire-là, avec cet individu, je ne pense pas que cela aurait été une bonne idée.
Maintenant que vous avez joué Manson, avez vous pu comprendre comment il avait pu « envoûter » autant de gens, notamment des jeunes filles ? Était-ce son charisme ?
Je pense que beaucoup de choses ont jouées, mais son charisme est assurément l’un des éléments qui est entré en jeu. La passion qui l’habitait pour devenir un musicien, son esprit affûté, le fait qu’il voulait s’entourer de beaucoup de monde pour mener son projet à bien, l’énergie qu’il déployait, son incroyable sens de la rhétorique, qu’il copiait des gens qu’il rencontrait dans sa vie, notamment en prison.. Il l’a dit lui-même, il écoutait ses co-détenus expliquer la manière dont ils parvenaient à faire faire ce qu’ils voulaient aux gens qui les entouraient pour ensuite s’en inspirer ! Il y a eu beaucoup de choses qui ont mené à cet « envoutement » comme vous dites, et le contexte a beaucoup joué aussi : dans ces jeunes gens, surtout des jeunes filles, vivant à une époque où les conventions étaient remises en cause, Manson a vu une opportunité. La jeunesse cherchait quelque chose, et Manson, par son énergie, son charisme, sa rhétorique, son story telling, avait quelque chose à leur offrir. C’est terrifiant, ça s’est mal finit, mais le mélange de ces différents facteurs à mené à cela.
Où en êtes-vous en ce moment de la saison 2 ?
Nous avons déjà reçu les premiers scripts, et je laisse pousser ma barbe, comme vous pouvez le voir (rires) . Je suis dans ma « pré-préparation », qui consiste à regarder des films, des documentaires, écouter la voix de Charles Manson.. Je n’ai pas encore attaqué tout ce qui concerne sa musique… Nous commençons à tourner la saison 2 en novembre.
Est-ce que vous savez s’il est prévu d’arrêter l’histoire de la série avant les meurtres ?
La série dépasse de loin le récit des actions de Charlie Manson, elle touche vraiment à l’histoire de la ville de Los Angeles ! Je sais que John Mc Namara, le showrunner, a un plan pour 6 saisons, il a la matière pour cela. Comme il n’a rien partagé à ce sujet, je ne sais pas, et peut-être même que lui non plus, comment les meurtres de Manson vont s’insérer dans l’histoire d’Aquarius. J’imagine qu’ils arriveront, mais aucune idée de la manière dont cela se déroulera, ou si nous les verrons dans la saison 3, 4,ou 5. J’ai le sentiment que ces meurtres arriveront en parallèle d’autres histoires concernant L.A., ou des personnage de David Duchovny (le détective Sam Hodiak dans la série, NDLR) et de Grey Darmon (l’officier sous couverture Brian Shafe NDLR). Ou pas, franchement, je n’en ai aucune idée ! (rires) Je me base aussi sur la fin de la saison 1, où de nombreuses histoires connaissent d’inattendus retournements et je me dis « Mais comment ont-ils pu faire ça ? ». J’imagine donc qu’ils vont intégrer ces meurtres à la série d’une manière ou d’une autre, mais quand et comment, je ne peux pas vous le dire.
Vous nous avez dit qu’Aquarius est une série sur Los Angeles, mais je trouve qu’elle parle aussi de l’Amérique dans son ensemble. Trouvez-vous que certains des thèmes de la série ont des résonances dans l’Amérique de 2015 ?
Oui, je suis entièrement d’accord. Pour un conteur d’histoire, c’est d’ailleurs quelque chose de génial, mais pour moi, en tant qu’individu, je trouve cela plutôt tragique. Dans notre relation avec les hommes qui nous gouvernent, et dans la manière dont nous sommes gouvernés, lorsque l’on y pense, rien n’a vraiment changé en 50 ans ! Les détails évidemment ne sont plus les mêmes, mais le fait que nous soyons toujours intéressés par le sujet, qu’à travers le monde il y ait toujours des drames qui se déroulent au niveau politique.. A Los Angeles, on voit tout cela à travers ce qui se passe dans les manifestations étudiantes, dans les mouvements pour les droits civiques de cette époque, mais il est fascinant de voir combien la série touche à des sujets encore brulants aujourd’hui. Vous savez je ne suis qu’un acteur, je ne fais que raconter des histoires, mais quand une fiction sort de son cadre de pur divertissement pour toucher à des sujets plus vastes et réels, tout prend une autre dimension. Et j’espère que c’est ce que nous avons fait avec Aquarius.
Maintenant que la saison 1 d’Aquarius a été diffusée, pensez-vous que Manson l’a regardé, et de quelle manière pensez-vous qu’il ait pu apprécier votre performance ?
Je vais vous dire : en toute franchise, cette pensée ne m’a jamais effleurée. Donc merci de la question. (rires). Je n’y ai jamais pensé, pour la simple et bonne raison que je ne sais pas comment les choses fonctionnent en prison (rires). Je n’imagine pas qu’il se soit intéressé à la série. En tant qu’acteur, vous aimez forcément que votre travail soit vu et apprécié, mais ça n’est pas une confrontation que j’ai même imaginée… A son âge, après tant d’années de prison, je ne pense pas qu’il ait quoique ce soit à faire de notre série sur le L.A. des 60’s.
Avez-vous reçu des courriers étranges des spectateurs de la série ?
Je n’ai pas reçu de courriers étranges.. hmm.. Bon, pour vous dire je ne suis pas beaucoup reconnu dans la rue, car souvent j’ai l’air différent de ce à quoi je ressemble à l’écran, le maquilleuses font souvent un travail extraordinaire, bref.. Un jour à Londres, un gentleman Américain m’a croisé, et m’a dit « Charles Manson ? ». J’étais stupéfait ! Il avait évidemment vu la série, mais j’ai été très étonné de croiser quelqu’un qui puisse me reconnaître, surtout chez moi, alors que la série se déroule de l’autre côté de l’Atlantique !
Vous êtes aussi connu pour votre rôle de Renly Baratheon dans la première saison de Game of Thrones…
(rires) Nous y voilà..
… quels sont les différences entre les tournages d’Aquarius et de Game of Thrones ?
(rires) Excusez-moi, je pensais à des choses très vilaines. Ce qui est étrange, c’est qu’il y a de nombreuses similitudes. Quand je participais à l’aventure Game of Thrones, je sortais à peine de l’école, c’était un immense privilège, j’étais très excité.. c’est une série fantastique, qui revisite l’histoire médiévale européenne.. Puis après ça, j’ai fait un tout petit film au Danemark (Copenhagen, NDLR), où tout était à une dimension beaucoup plus modeste, pour une romance contemporaine, ça c’était très différent. Puis j’ai fait du théâtre pendant près d’un an, puis j’ai fait ce téléfilm.. Au final, lorsque j’ai entamé le tournage d’Aquarius, c’était comme revenir à une grosse machine américaine. Il y a vraiment de grandes similitudes entre les deux projets : les deux équipes sont incroyablement professionnelles, c’est une énorme production, les costumes et les décors vous mettent vraiment dans l’ambiance… Le fait d’avoir des centaines de personnes travaillant ensemble pour raconter une seule histoire, c’est vraiment exceptionnel. Quant aux différences, elles tiennent surtout aux rôles : sur Game of Thrones, je jouais Renly, qui était un intéressant personnage de fiction, un prince secrètement homosexuel.. Dans Aquarius, je joue Charlie, un personnage très inspiré de Charles Manson, qui n’est aucune de ces choses, très complexe et subtil à interpréter! C’est vraiment cela qui a beaucoup changé pour moi.
C’est donc plus intéressant pour vous de jouer Charlie Manson ?
Non, j’ai vraiment adoré incarner Renly. Mais je pense que le défi est plus grand pour moi de jouer Charlie. J’espère que mon implication dans ce rôle continuera pendant un bon moment dans cette série, qui je l’espère aussi continuera au-delà de deux saisons ! La place de mon personnage est plus importante, le projet est plus grand dans une certaine mesure, le défi plus excitant pour moi.
Peut-on s’attendre dans la saison 2 à plus d’interaction avec le personnage de David Duchovny, et qu’a représenté pour vous le fait de jouer avec une icône des années 90, car, comme nous tous, vous avez grandi avec X-Files !
Oh j’adorais X-Files ! John [McNamara] a déclaré à la presse qu’il avait en tête un moyen de confronter un peu plus nos personnages dans la saison 2, effectivement. Je ne crois pas que ce soit une blague de sa part ! (rires). Je sais que le personnage de David va connaitre des bouleversements dans la saison à venir, cela va être fascinant ! Sam (Hodiak, le personnage de David Duchovny) est passionnant dans la première saison, mais il est encore mieux dans la deuxième !! Je ne sais pas exactement de quelle manière cela se fera, mais les interactions entre Charlie et Sam prendront une nouvelle dimension, notamment par l’intermédiaire des autres personnages. Quant au travail avec David, c’était exceptionnel. J’étais très nerveux au départ, mais ce qui est merveilleux lorsque l’on travaille avec quelqu’un d’aussi professionnel, d’aussi généreux, c’est qu’ils savent vous donner beaucoup, et vous comprenez que ce n’est pas un hasard qu’il ait la stature qui est la sienne aujourd’hui ! Les moments que nous partageons dans la série sont particulièrement intenses, et c’était réellement quelque chose que de tourner ces scènes là avec lui.
Pour la suite de votre carrière, est-ce que vous vous concentrez désormais sur des séries Américaines ?
Pas vraiment.. J’aime beaucoup avoir des opportunités de tournage à Los Angeles, pour tout un tas de raisons : c’est super de travailler avec les équipes sur place, c’est comme intégrer une grande famille, puisque c’est là-bas qu’ils vivent, que beaucoup de choses se passent.. Tourner à L.A. est un privilège. Mais j’espère vraiment continuer à me trouver là où les bonnes histoires à raconter se trouvent, et s’il y a de très belles choses à tourner à Los Angeles, il y a aussi énormément d’opportunités en Europe. C’est l’une des choses passionnantes quand vous êtes un acteur, c’est que vous ne savez pas où se passera votre prochain tournage ! Cela peut être parfois un problème, mais c’est surtout très excitant !
Vous avez des projets sur le feu ? Dont vous pouvez parler bien sur !
(rires) Oui j’en ai mais je ne vous en parlerais pas ! (rires). Je vais être pris par Aquarius pour les 6 mois à venir, donc pour le moment je ne peux que voir Manson. Je passerai peut être à quelque chose de complètement différent de Manson, qui est un rôle assez éprouvant, mais bon, je n’y suis pas encore !
Pensez-vous qu’Aquarius parvient retranscrire l’ambiance qui était celle du Los Angeles de la fin des années 60 ? Avec les manifestations et tous les évènements qui se sont déroulés à cette époque, pensez-vous que les Français comprendront ce qui se passe, et qu’ils pourront faire le lien avec ce qui s’est passé en Europe à cette époque ?
Je pense vraiment que d’une certaine manière, l’Europe est le meilleur endroit pour apprécier cette série, grâce au recul que les spectateurs auront. Non pas que les spectateurs Américains ne l’aient pas appréciés, bien au contraire ! (rires) C’est une sorte de distance exotique, qui serait la même si une série sur le Londres de la fin des années 60 était diffusée aux États-Unis. Sincèrement, je pense que nous avons réussi à capturé l’esprit qui régnait dans le Los Angeles de cette époque. Si j’avais été un spectateur lambda en Angleterre, j’aurais aimé voir ce pan de l’histoire Américaine être le sujet d’une série TV.
Propos recueillis par Quentin Delahaye
Remerciements à Brain Damaged et Small Things autres participants à l’interview.
Un grand merci à Ludivine Lucas.
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