Critiques Cinéma

LE JOUR DES CORNEILLES (Critique) ***

SYNOPSIS: Le fils Courge vit au cœur de la forêt, élevé par son père, un colosse tyrannique qui y règne en maître et lui interdit d’en sortir. Ignorant tout de la société des hommes, le garçon grandit en sauvage, avec pour seuls compagnons les fantômes placides qui hantent la forêt. Jusqu’au jour où il sera obligé de se rendre au village le plus proche et fera la rencontre de la jeune Manon

Ah l’animation à la française…Raillée pendant des années à l’aune des productions internationales qui faisaient leur beurre et asseyaient leur renommée pendant que les frenchies se contentaient des miettes et de quelques exceptions ça et là (Le roi et l’oiseau, La planète sauvage…) ou bien d’adaptations de fleurons de la bande dessinée (Astérix, Tintin, Lucky Luke…), la production tricolore (franco-belge en l’occurrence) est désormais regardée d’un œil moins condescendant, avec l’émergence de nouveaux auteurs et une qualité croissante bien qu’encore inégale des films proposés.

Le jour des Corneilles est un projet atypique qui s’inscrit à la fois dans la grande tradition française d’un récit d’apprentissage mais qui sous ses atours classiques recèle une vraie modernité dans le ton qu’il emploie et les échos qu’il suscite par le biais d’une poésie subtile et évocatrice. Dessiné entièrement à la main, le film bénéficie d’une qualité graphique haut de gamme pour un rendu d’une finesse et d’une beauté assez bluffantes, empruntant à l’animation japonaise nombre de ses points forts mais en réussissant à conserver malgré tout son particularisme français. Adapté du roman éponyme de Jean-François Beauchemin par Amandine Taffin, Le jour des Corneilles est loin d’être desservi par un propos qui se veut mature et pas destiné uniquement aux plus petits, ce qui lui permet de trouver sa place dans la mouvance d’œuvres au potentiel émotionnel assez fort.

Le film de Jean-Christophe Dessaint malgré d’indéniables qualités souffre parfois d’une narration souffreteuse qui handicape la fluidité du récit ce qui peut  s’avérer gênant dans l’empathie ressentie pour les personnages. Pourtant dans la multiplicité des thèmes abordés, Le Jour des Corneilles emprunte un chemin plutôt casse-gueule et s’en sort relativement bien en martelant son point de vue sans être didactique ou pompeux et en faisant passer ses idées par une poésie instillée en filigrane. Des symboles qui échapperont sans doute pour beaucoup à pas mal d’enfants, mais le mérite principal du Jour des Corneilles est de ne pas prendre ses spectateurs, adultes ou pas, pour des imbéciles. Rares sont les films d’animation à aborder la mort et son acceptation aussi frontalement mais le film n’en reste pas là et interroge aussi sur l’amour, la famille, la culpabilité…

On s’interrogera malgré tout sur l’esthétique des personnages et surtout sur la façon dont l’enfant Courge est représenté, chauve et malingre, avec des faux airs de Titeuf, sans doute la concession à un public plus jeune ce qui s’avère l’une des rares fautes de goût. L’aspect classique et primaire des personnages tranche singulièrement avec la dureté relativement âpre de certaines scènes, ce qui peut déstabiliser mais n’empêche pas d’être touché par ce film qui recèle quand même une certaine dose d’émotion. Bénéficiant qui plus est d’un casting vocal digne des superproductions internationales, Le Jour des Corneilles a un potentiel plus que séduisant. Jean Reno, Lorànt Deutsch, Isabelle Carré, Claude Chabrol donnent vie à cet univers avec conviction et talent et leur travail permet de s’attacher à ce petit monde, magnifié par quelques scènes qui visuellement, sont à couper le souffle et par une dimension symbolique qui a le mérite de faire se poser des questions. L’animation à la française, c’est aussi ça!

LE JOUR DES CORNEILLES DE JEAN-CHRISTOPHE DESSAINT AVEC LES VOIX DE JEAN RENO, LORANT DEUTSCH, ISABELLE CARRE, CLAUDE CHABROL…. SORTIE LE 24 OCTOBRE 2012

DISTRIBUE PAR GEBEKA FILMS

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