THE RETURN, LE RETOUR D’ULYSSE (Critique DVD)

Par Brice Connan le décembre 18, 2025 • ( Poster un commentaire )

SYNOPSIS : De retour de la guerre de Troie après 20 ans d’absence, Ulysse échoue sur les côtes d’Ithaque, son ancien royaume. Sa femme Pénélope, restée fidèle, y vit prisonnière de sa propre demeure, repoussant tous les prétendants à la couronne. Télémaque, leur fils, qui n’a jamais connu son père, devient lui un obstacle pour ceux qui veulent s’emparer du pouvoir.

Lorsqu’un film centré sur la mythologie grecque fait son apparition, c’est toujours avec une certaine excitation que nous nous plongeons dans cette proposition, surtout s’il ne s’agit pas à proprement parler d’un blockbuster. L’Odyssée d’Ulysse, en particulier, est une source inépuisable d’inspiration. The Return, dernier long métrage d’Uberto Pasolini, ne déroge pas à cette règle et nous embarque dans un récit épuré, ancré dans le réel, où le héros légendaire revient enfin sur sa terre natale, Ithaque. Il faut dire que l’affiche du film (très belle soit dit en passant) donne d’emblée le ton, celui d’une œuvre raffinée et grave avec un casting qui y est pour beaucoup dans notre enthousiasme initial : Ralph Fiennes, tout juste aperçu dans 28 Ans plus tard, incarne un Ulysse aussi déchiré qu’affûté physiquement (l’acteur s’est longuement entraîné pour le rôle), tandis que Juliette Binoche, toujours aussi resplendissante, prête ses traits à une Pénélope digne et bouleversante. Autant dire que nous étions conquis avant même que le récit ne commence.

Pasolini choisit de traiter le retour d’Ulysse non pas comme une fresque mythologique, mais comme un drame intime et dépouillé, dans la lignée de la série Odysseus de 2013. Mais là où cette dernière nous avait laissé un souvenir poussif et laborieux, The Return brille par sa justesse et sa subtilité. Ulysse, ici, n’est pas le conquérant triomphant, mais un homme diminué, profondément marqué par la guerre, les épreuves et la disparition de son équipage. Il découvre une Ithaque méconnaissable, gangrenée par la violence, où des prétendants sans foi ni loi font régner la terreur dans l’attente que Pénélope daigne en choisir un pour époux. Le film ne verse jamais dans l’épique (même si la fin est assez jouissive) puisque l’approche de Pasolini est résolument anti-spectaculaire, ce qui en devient paradoxalement fascinant. Ralph Fiennes est filmé sous tous les angles (littéralement), le corps d’Ulysse étant une forme de spectacle à lui tout seul, mélange de muscles et de cicatrices. On sent combien l’acteur s’est investi physiquement pour le rôle, tant il semble habiter ce corps meurtri, prêt à éclater. Une mention spéciale doit être faite à la scène fugace, mais très touchante, des retrouvailles avec son chien, qui résume toute la puissance émotionnelle du film.

Face à ce héros déchu et fatigué, Juliette Binoche incarne une Pénélope lumineuse, digne et profonde. Dès sa première apparition, elle capte la lumière et l’attention, sans jamais forcer le trait. Son interprétation, toute en retenue, contraste avec l’agitation de ceux qui l’entourent. Elle est l’ancrage du film, le point fixe dans une île en ruines. Sa douleur, sa résilience, son amour pour Ulysse sont palpables à chaque regard, à chaque silence. Elle force d’emblée le respect. D’ailleurs à l’instar de son époux elle invente moult subterfuges pour repousser l’heure du choix, preuve qu’elle et lui se sont bien trouvés puisqu’ils sont les rois des astuces. Le film crée ainsi un huis clos à ciel ouvert, un microcosme en tension, où chaque personnage semble pris dans un étau. La ribambelle de prétendants détestables sauront d’ailleurs leur donner du fil à retordre.

The Return est une réussite à tous les niveaux. Uberto Pasolini signe un film sobre, intelligent, humain, où le mythe d’Ulysse s’égrène pour s’axer sur le réel. Comme se le demande très justement le personnage de Penelope, pourquoi les soldats violent, tuent et ne profitent-ils tout simplement pas de leur famille ? Ulysse, qui n’est plus le même homme, revient pour retrouver sa famille, loin de Troie et des récits mythiques qu’on lui prête. La performance habitée de Ralph Fiennes et l’élégance lumineuse de Juliette Binoche contribuent à faire de ce film une proposition ni trop bavarde, ni trop frustrante pour celles et ceux qui seraient en manque d’action, réussissant sans cesse à garder son équilibre pour toucher un public plus large qu’on pourrait le croire. Et alors même que nous ne comptons pas parmi les plus fervents admirateurs de Christopher Nolan, nous ne pouvons cacher notre impatience à l’idée de découvrir L’Odyssée, prévu en 2026. En attendant, The Return s’impose comme une œuvre à part, un retour aux sources dans tous les sens du terme.