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SYNOPSIS : Denise est une femme ordinaire. Ou presque. Depuis son plus jeune âge, elle entend les pensées des gens. Aucun esprit ne lui résiste. Comment, dans ces conditions, jouer le jeu de la vie en société ? Comment maintenir une relation de couple, d’amitié, de famille ? Comment aimer, comment être aimée ? Peut¬-on raisonnablement être lucide et heureux en même temps ?

Extra-lucide a été récompensée au festival 2025 de la fiction de La Rochelle du prix de la meilleure réalisation pour Bruno Merle et de celui de la meilleure série de 26 minutes. Cette jolie moisson est tout sauf usurpée, tant Extra-lucide, et ce d’entrée de jeu, nous procure un mix d’émotions et surtout beaucoup de jubilation. Rien d’étonnant quand on sait que précisément Bruno Merle était entre autres à la co-réalisation de l’impressionnante mini-série Les papillons noirs (2022). D’emblée, Denise, sorte de coach de vie et autre thérapeute contemporaine nous prévient que 80 euros la séance « ça les vaut« . Un début assez politiquement incorrect, un ton vif et parfois acerbe qui ne va jamais quitter l’esprit d’une série brillamment décalée. Elle confesse aussi son don de télépathe, qui nous est surtout présenté comme une véritable souffrance tant c’est une sorte d’enfer car « il y a toujours un truc dégueulasse« , même et peut-être surtout dans les âmes qui paraissent les plus pures. C’est en cet endroit que la série touche son Graal, dans cette affirmation subtile de la constante imperfection voire noirceur de l’âme humaine. Comme si toujours sous le gravier, une baleine se dissimulait !

Extra-lucide, c’est donc une visite sans complaisance dans la boîte noire de nos inconscients, et clairement c’est souvent un peu crade. Avec des dialogues de Denise souvent pépites : « Tu sais moi la déontologie, je m’en fous« , ou encore « J’ai toujours eu un amour inconditionnel pour les mythomanes« , car forcément elle entend leur folie à l’extérieur et leur vérité à l’intérieur, alors eux, exceptionnellement, ne paient pas la séance, tellement c’est du kiff pour la coach. Car au final, vu de l’intérieur les mensonges sont toujours plus jouissifs que la réalité. Mais aussi dialogue qui détonne entre Denise et sa fantasque coloc qui joue dans des films pornos :
» –Y’a Jacques qui est passé.
-Jacques, avec qui tu tournais les SM Albanais ou Jacques le tatoueur ?
-Non, Jacques ton père «

Tout est déjanté dans Extra-lucide, et la surprise n’est jamais loin avec pourtant comme une placidité qui rend la folie ordinaire et drôlement touchante. Une imprévisibilité qui rend facilement addict, majoré par un format de 26 minutes qui donne rythme et fluidité à une production dont on ne se lasse jamais. Car s’il existe indubitablement ce décalage comique qui surfe par moment avec une forme de flippante glauquitude, c’est tout aussi toute l’expression de l’ancrage des névroses exacerbées et grands désespoirs de Denise, qui veut de la fioriture, du déguisement, de la guirlande et des faux-semblants. Elle finit par détester la vérité, tellement depuis toujours elle en est biberonnée et elle voulait juste croire au père noël. La vérité c’est la fin du rêve, semble nous souffler la touchante Denise. Et cette vie sans dessein utopique manque cruellement de souffle, d’envie, d’espoir.

La mise en scène est à mi-chemin entre Twin Peaks et Maguy !! Dans un huis-clos savamment pensée qui parfois, sciemment étouffe avec un grain d’image presque inquiétant et des mélodies assez entêtantes. Mais c’est surtout un amour de réalisation qui permet d’autant plus de capter le spectateur, dans un décor en parallélisme avec la constance du spleen de Denise. Tout est réussi dans Extra-lucide, et le casting n’échappe pas à la règle. Camille Rutherford, qu’on adore déjà tellement à la moindre apparition à l’écran, ici explose tout ! Sa tuante mélancolie, son immobilisme tout en contrôle rendent ces moments de folie encore plus explosifs. Elle vient nous toucher au plus profond, et son incarnation est telle qu’on aurait presque le sentiment qu’elle vient aussi sonder nos âmes de téléspectateurs, nos idées les plus viles et inavouables. Avec cette actrice, on est dans le vrai, le brut, le pur, une composition assez inoubliable. Sabrina Ouazani dans un rôle pourtant particulièrement extravertie réussit aussi à nous conquérir sans jamais en faire trop, et Antoine Chappey nous terrifie autant qu’il nous rend hilare dans son mutisme délirant. Au final, Extra-lucide est un véritable kiff, qui vient convoquer sans concessions nos enfouissements les mieux cachés, donc forcément il y a de la matière, et celle-ci est remarquablement saisie dans une série que l’on n’oublie pas, et avec un esprit créatif que l’on redemande !!
Crédits : Ciné+ OCS








































































































































