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Avec The Last Frontier, Apple TV+ poursuit son offensive dans le domaine des thrillers à gros budget, mêlant spectaculaire et tension psychologique. La série, portée par Jason Clarke et dirigée à ses débuts par Sam Hargrave (Extraction), ambitionne de conjuguer le rythme nerveux d’un film d’action avec la densité narrative d’un drame . Les deux premiers épisodes laissent entrevoir un concept prometteur, visuellement ambitieux et riche en adrénaline, mais aussi quelques limites dans la construction de son intrigue et de ses personnages.
Le point de départ de The Last Frontier frappe fort : un avion transportant des détenus fédéraux ultra dangereux s’écrase dans la nature sauvage de l’Alaska. Les prisonniers, livrés à eux-mêmes dans le froid glacial, menacent rapidement la sécurité d’une petite communauté isolée. Frank Remnick (Jason Clarke), unique U.S. Marshal de la région, se retrouve seul à devoir contenir cette évasion de masse, tandis qu’il découvre que le crash pourrait bien cacher un complot d’envergure internationale. Ce postulat, digne d’un Con Air revisité par Le Fugitif, donne le ton : une chasse à l’homme haletante, sur fond de nature impitoyable et de secrets d’État. Le cadre, tourné au Québec mais recréant avec soin l’immensité de l’Alaska, est sans doute l’un des atouts majeurs de la série. Les montagnes enneigées, les forêts sombres et les villages coupés du monde renforcent l’impression d’isolement et de menace constante. L’environnement devient un personnage à part entière, imposant sa loi et accentuant la tension de chaque affrontement.
Dès le pilote, réalisé par Sam Hargrave, on retrouve la patte du cinéaste d’action : un sens aigu du mouvement, des combats filmés en plan-séquence et une efficacité visuelle redoutable. La première grande scène d’action – un affrontement brutal au milieu de la neige et des carcasses fumantes de l’avion – est une démonstration de mise en scène musclée. On sent la volonté d’Apple de livrer une série au standard cinématographique. Ce réalisme physique contraste cependant avec un scénario parfois moins rigoureux. Si la tension reste palpable, certaines situations exigent une suspension d’incrédulité assez prononcée : la survie des criminels dans le froid extrême, la logistique du crash ou la rapidité avec laquelle Remnick agit en solitaire sans réel soutien fédéral.
Jason Clarke incarne un Frank Remnick fatigué, tenace, et crédible dans son mélange de devoir et de désillusion. L’acteur, habitué aux rôles d’hommes en tension (Zero Dark Thirty, Everest), sert ici de boussole morale et émotionnelle. Il ancre la série , même lorsque le scénario se disperse. Autour de lui, les personnages secondaires – agents fédéraux ambigus, civils pris au piège – peinent encore à exister pleinement. On devine les intentions des showrunners Jon Bokenkamp (The Blacklist) et Richard D’Ovidio (The Call) : combiner une intrigue de conspiration à long terme avec des arcs plus contenus, façon “fugitif de la semaine”. Mais cette double structure crée, dès le deuxième épisode, un déséquilibre entre l’action immédiate et les éléments de backstory plus lourds.
Si le pilote convainc par son énergie et son atmosphère tendue, le deuxième épisode marque une baisse de régime. Le rythme se fait plus haché, l’exposition plus appuyée, et les dialogues plus explicatifs. Là où le premier épisode avançait sans temps mort, le second s’alourdit d’une multitude d’informations et de sous-intrigues – notamment autour d’un mystérieux détenu lié à la CIA – qui brouillent quelque peu la ligne directrice. Cette tendance à la surenchère narrative rappelle The Blacklist dans ses excès : un univers de conspirations et de révélations permanentes où chaque personnage semble cacher un secret. Cela donne une densité certaine, mais au prix de la clarté et de la tension dramatique. La série semble parfois hésiter entre thriller d’action “pulp” assumé et drame de prestige, et n’assume pas toujours son côté divertissement pur.
The Last Frontier réussit son entrée par la maîtrise visuelle et le charisme de Jason Clarke, c’est un thriller old school, solide dans l’exécution, un peu daté dans l’écriture, qui cherche encore son ton entre série procédurale et grand récit de survie. On y retrouve un vrai plaisir de spectateur – poursuites nerveuses, cliffhangers efficaces, tension continue – mais aussi une impression de déjà-vu, renforcée par quelques clichés (le shérif solitaire, le passé trouble, le complot fédéral).
Pour Apple TV+, la série a le potentiel de devenir un succès grand public : spectaculaire, rythmé, accessible. Mais il lui reste à trouver l’équilibre entre la série d’action à l’ancienne et la narration plus fine qu’on attend d’un programme de prestige. Si les prochains épisodes parviennent à resserrer la structure et à approfondir les personnages, The Last Frontier pourrait bien dépasser son image de simple course-poursuite pour devenir un vrai drame de survie moderne. Pour l’heure, ces deux premiers épisodes offrent un spectacle prenant, imparfait mais prometteur.
Crédits : Apple TV+








































































































































