LES LINCEULS (Critique Blu-Ray)

Par Pierre Chamb le octobre 6, 2025 • ( Poster un commentaire )

SYNOPSIS : Karsh, 50 ans, est un homme d’affaires renommé. Inconsolable depuis le décès de son épouse, il invente un système révolutionnaire et controversé, GraveTech, qui permet aux vivants de se connecter à leurs chers disparus dans leurs linceuls. Une nuit, plusieurs tombes, dont celle de sa femme, sont vandalisées. Karsh se met en quête des coupables.

David Cronenberg réalise des films depuis cinquante ans et il est considéré par beaucoup comme l’un des plus grands réalisateurs. Et pour cause, c’est à lui qu’on doit des films fantastiques comme Chromosome 3 (1979), Scanners (1981) ou encore Vidéodrome (1983). Mais sa popularité est venue grâce au succès mondial du film La mouche (1986), mais après ce succès et cette reconnaissance, la suite de ses films sera faite de hauts (Crash, A history of violence) mais également de bas (Spider, Cosmopolis). Ses thèmes et ses images ont donné naissance non pas à un, mais à deux termes indispensables. Le premier est « cronenbergien », qui, comme son cousin « lynchien », décrit une atmosphère cinématographique très spécifique. Le second est « horreur corporelle », une sous-catégorie de l’horreur qui traite de la fragilité, de la poésie et de la malléabilité de la chair, et de notre peur de voir son intégrité violée. Et c’est également le cas dans son dernier film : Les Linceuls.

Le film doit son existence à une horreur corporelle vécue par Cronenberg lorsque Carolyn, sa femme avec qui il était marié depuis 43 ans, a été diagnostiquée d’un cancer qui a ravagé son corps et lui a finalement coûté la vie. L’action tourne principalement autour de quatre personnages. Le personnage principal est Karsh (Vincent Cassel), un homme qui a canalisé son chagrin incessant après la mort de sa femme en fondant GraveTech, une entreprise qui, en collaboration avec une entreprise chinoise, a développé un nouveau type de linceul funéraire permettant aux clients d’observer la décomposition progressive de leurs proches enterrés grâce à une application d’iPhone cryptée. Diane Kruger quant à elle joue plusieurs rôles. Elle incarne Becca, la défunte épouse de Karsh, qui apparaît dans des scènes qui ressemblent davantage à des hallucinations ou des rêves qu’à des flashbacks classiques. Elle incarne également Terry, la sœur de Becca, une vétérinaire devenue toiletteuse canine. Le quatrième personnage principal est Maury (Guy Pearce), l’ex-mari de Terry, un gourou du numérique qui possède des compétences particulières. Parmi ses nombreuses contributions, il a créé Hunny, un assistant numérique qui aide Karsh au quotidien et écoute ses problèmes. L’évènement déclencheur du film c’est la destruction du cimetière sur le site de GraveTech par un ou plusieurs inconnus. Après cela, une autre femme entre en scène : Soo-Min (Sandrine Holt), l’épouse d’un client hongrois, qui est totalement indifférente au travail de Karsh.

Dans la lignée directe de Cosmopolis, Maps to the Stars et plus récent Crimes du futur, l’action cinématographique du film repose principalement sur la conversation, sa composition et son approche globale de la narration et des personnages. Ici, on ne trouve pas de douces déclarations larmoyantes prononcées autour du cancer, ni de perfusion de morphine au bras suggérant la maladie. Le monde paraît moins apocalyptique dans Les Linceuls, ici, les corps se décomposent pour des raisons tout à fait naturelles et inévitables : la maladie et la mort.

Lors de sa première au Festival de Cannes en 2024, le film avait reçu un accueil mitigé, éclipsé, entre autres, par The Substance (Coralie Fargeat), un film d’horreur sanglant à thématique féministe qui s’inspirait largement de l’influence de David Cronenberg. Lui qui, a souvent été salué, de manière réductrice, comme un maître de l’horreur corporelle, mais il n’y a pas une once de révulsion dans le regard que lui et Karsh fixent sur le corps fragile et ravagé par le cancer de Becca. Sous sa surface morose, le film traite de la force persistante du deuil, ainsi que de la possibilité de le surmonter. Le gore, les blessures et cicatrices médicales et les amputations dérangeantes ne manquent pas. Mais une grande partie du film consiste à voir Karsh se frayer un chemin à travers la conspiration, telle qu’elle est, et la perte (ou l’obsession) personnelle dévastatrice qui l’y a plongé. L’histoire ne se résout pas, elle se dissipe plutôt, dans une série de rebondissements et de retournements de situation presque comiques et superficiels. Les linceuls offre un film à la fois plus nuancé, plus complexe et plus radical.

Détail des suppléments :

Rencontre avec David Cronenberg

Analyse du film par Virginie Apiou