SYNOPSIS : Années 1970. Jeanne fugue de son foyer de haute montagne pour rejoindre la ville. Dans le studio où elle s’est réfugiée, la jeune fille tombe sous le charme de Cristina, l’énigmatique star du film La Reine des Neiges, son conte fétiche. Une troublante relation s’installe entre l’actrice et la jeune fille.

Pour sa nouvelle exploration à l’écran, Lucile Hadžihalilović regarde du côté des contes de fées. Dans un tour de magie inspiré de La Reine des Neiges de Hans Christian Andersen, la metteuse en scène convoque sa délicatesse visuelle pour décomposer son mythe, si bien que le format finit malheureusement par prendre le pas sur la substance. La Tour de Glace suit le personnage de Jeanne (épatante Clara Pacini), une jeune orpheline qui se retrouve sur un plateau de tournage après avoir fuit son orphelinat. Se faisant passer pour une figurante, Jeanne rencontre entre deux rideaux de décors la magnétique Reine des Neiges – qui naît à travers l’incarnation de Christine, la comédienne principale du film. Une fascination se construit entre les deux femmes et va les amener aux frontières entre le réel et le rêve.

Par sa nature esthétique foisonnante, entre ses décors sublimes, ses costumes millimétrés et sa délicate mise en scène, cette Tour de Glace démarre sous les meilleurs auspices. On y rencontre Jeanne, une jeune femme qui quitte son foyer pour rejoindre la montagne, avant de se retrouver comme par magie sur le plateau de la nouvelle adaptation de son conte préféré. Sa fascination pour la figure de la Reine des glaces laisse place à une étrange et voluptueuse apparition de Christine (Marion Cotillard dans un rôle taillé sur mesure pour elle). C’est leur relation, dont on ne perçoit jamais vraiment les contours – idolâtrie, relation maternelle ou tension sensuelle ? – qui mène le récit écrit par Hadžihalilović (de concert avec Geoff Cox) dans un jeu de miroir aussi élégant que plein de charme.

A son démarrage, le film maîtrise entièrement son sujet, son rythme et ses personnages, avant de s’abandonner dans sa deuxième moitié à une surenchère d’effets oniriques et de montages disloqués qui alourdissent alors le long-métrage avant de manquer sa fin inéluctablement. Un goût doux-amer plane sur cette Tour de Glace, qui promet monts et merveilles (notamment grâce à la photographie exemplaire de Jonathan Ricquebourg) avant de décevoir en fin de parcours en raccourcissant les personnages pour les vider en grande partie de leurs substances.

Ces défauts, notamment dus à une structure classique qui s’installe en premier lieu avant d’être balayée par une envie de fantasmagorie dévorante, rendent cette Tour de Glace aussi passionnante que frustrante, dans une enveloppe globale qui manque cruellement d’unité pour parvenir entièrement à embarquer. Dans un style plus conventionnel, mais toujours dans ses obsessions formelles, Lucile Hadžihalilović signe un film peut-être trop glacial, qui fonctionne admirablement dans ses reflets obsédants et dans l’émotion touchante de son héroïne fascinée par les contes de fées, mais qui se perd bien malheureusement dans son ambition formelle trop volubile dont on ressort un peu troublés. Sans complètement manquer son coup, tout en posant une proposition visuelle foisonnante de cinéma (surtout dans son travail de la texture à l’image, des cristaux de glace de la robe de Marion Cotillard à la neige de la montagne) La Tour de Glace signe une œuvre intrigante sur la solitude et sur la force des histoires qui plie sous son propre poids dans son acte final où la direction nous manque – et c’est dommage tant sa promesse initiale parvenait à se montrer aussi fascinante qu’exigeante, et dont l’on tirera surtout un kaléidoscope esthétique particulièrement remarquable.

Titre Original: LA TOUR DE GLACE

Réalisé par: Lucile Hadzihalilovic