
La meilleure série que vous n’avez peut-être jamais vue — PARTIE 7 : ANGELA 15 ANS.
Certaines séries sont fines comme de la dentelle, fragiles comme les ailes d’un papillon et font virevolter toute leur grâce au fil des décennies sans qu’elles soient atrophiées par le poids des années ou à cause d’un récit par trop ancré dans leur époque. Si elle ne connut qu’une seule courte saison de 19 épisodes, My So Called-Life (Angela, 15 ans) a la délicatesse et la modestie qui sied aux chefs-d’œuvre. Créée par Winnie Holzman, produite par le tandem Marshall Herskovitz – Edward Zwick (qui présidèrent entre autres aux destinées des splendides Thirthysomething, Relativity et Once and Again), Angela 15 ans aurait pu n’être qu’un teen drama lambda comme les chaines américaines en produisirent à la pelle, une série sympathique mais dénuée de densité et des aspérités qui emmènent certaines œuvres vers les plus hauts sommets. En sachant s’échapper de ce carcan, elle a atteint la quintessence d’un genre prisé par la télévision américaine pour y projeter sa soif d’une jeunesse belle et conquérante et lui a conféré ses lettres de noblesse en ne l’abêtissant pas à sa simple apparence. Pourquoi ? Parce que tout sonnait juste. Tout.
Racontant avec une infinie justesse ce passage tourmenté de l’adolescence, sachant croquer sans la caricaturer ou l’édulcorer cette époque où s’opère une véritable mutation, glissant avec virtuosité entre les premiers élans du cœur, la rébellion et l’apprentissage de la vie, la série parle aussi des mouvements contradictoires imprimés par la jeunesse (aimer ou haïr ses parents, choisir la voie de la sagesse ou de la folie, sortir avec le rebelle beau gosse ou avec le voisin timide et romantique, la meilleure amie est-ce celle qui connaît tout de vous ou celle qui va vous révéler à vous-même?… ). Grâce à un éventail de personnages merveilleusement écrits, Angela 15 ans est autant une pertinente étude de caractères qu’un précis sur l’évolution vers la découverte de soi, une œuvre dans laquelle les archétypes sont brillamment transcendés. Voilà une série qui s’adresse à tout un chacun, adulte ou adolescent, mais que chacun peut appréhender à son niveau, soit au premier degré, soit en se laissant submerger par sa profondeur et ses multiples degrés de lecture. Car My so-called life, par d’imperceptibles détails (la voix-off d’Angela, des échanges de regards, des élans de tendresse réfrénés, des gestes mal assurés…) capte le mal-être de ses personnages et en dévoile les multiples facettes. A l’instar au cinéma d’un John Hughes le réalisateur de Seize bougies pour Sam, Breakfast Club ou La Folle journée de Ferris Bueller…ou plus tard d’un Allan Moyle avec Pump up the volume ou d’un Stephen Chbosky avec Le Monde de Charlie puis à la télévision avec des séries qui lui emboitèrent le pas de Dawson à Felicity en passant par Newport Beach ou plus récemment 13 Reasons Why, Atypical et Les Grands… Angela, 15 ans aborde des thématiques sociétales comme l’homophobie, l’alcoolisme ou la violence. Malgré une certaine noirceur, la série trouve des goulées d’air frais par le biais d’un humour salvateur et des émotions subtilement rehaussées par l’emploi d’une bande son impeccable.
Ce que la série fait de magistral, c’est qu’elle ne dramatise pas l’ado : elle l’écoute. Elle donne de l’espace au silence, à l’ambiguïté des émotions, aux conversations avortées, aux regards échangés. On parle ici d’amour, d’identité, de solitude, de sexualité, de pression scolaire, de relations parents-enfants… sans jamais forcer le trait. Construite intelligemment avec des problématiques qui se répondent les unes les autres, démontrant en creux que les difficultés des adolescents ne sont que des esquisses des obstacles que les adultes doivent surmonter, la série érige le réalisme en maître mot, ignore le cynisme et ne capitalise pas sur des valeurs marchandes mais sur des émotions et du ressenti. Elle se glisse sous la peau, se faufile dans les artères et vient envahir le cœur en décrivant l’enchevêtrement des relations humaines, les rapprochements qu’on pensait contre nature, les sentiments (d’amour, d’amitié, d’estime…) qui se déploient par petites touches dessinant au bout du compte un portrait empreint d’humanité. Densifiée par son casting époustouflant – Claire Danes et sa palette inouïe d’émotions, Wilson Cruz qui campe un Rickie bouleversant, réaliste et délicat, Tom Irwin et Bess Armstrong dans la peau de parents d’une sobriété et d’une véracité sans pareille, Devon Gummersall qui joue Brian celui qui nous rappelle qu’on a tous été le prétendant éconduit ou le confident éperdu, A.J Langer (Rayanne), cette amie perdue dont on ne voit pas comment l’aider, Jordan (Jared Leto) cet objet de désir à la fois irrésistible et inaccessible… – Angela, 15 ans est une série encore plus marquante du fait de son interruption prématurée, qui lui a permis d’éviter le syndrome de bon nombre de ses alter ego, morts de n’avoir su stopper avant d’offrir une résolution définitive aux intrigues qui sont leur centre névralgique. Finalement la frustration, une fois le délai de prescription dépassé, n’est t-elle pas la meilleure des conclusions? On restera pour toujours dans l’expectative et on aura le loisir d’échafauder nos propres théories sur ce qu’il advient, mais au final il nous restera quoi ? Pas grand chose et beaucoup à la fois, simplement 19 épisodes pour découvrir ou se souvenir qu’Angela, c’est vous, c’est nous… Si vous aimez les séries qui respectent l’intelligence de leurs personnages et de leur public, Angela, 15 ans est une perle à rattraper d’urgence. Une saison, 19 épisodes, une claque émotionnelle. C’est court. Mais c’est dense. C’est fort. C’est nécessaire. Alors oui ne la ratez pas car Angela 15 ans est peut-être…
La meilleure série que vous n’avez jamais vue…








































































































































