SYNOPSIS : Au milieu du désert brûlant d’Arizona, une station-service se retrouve à sec. Dans le diner attenant, les clients attendent dans une ambiance étouffante l’arrivée du camion-citerne pour les ravitailler. Ils pensent que le pire, c’est la chaleur, mais c’est sans compter sur l’arrivée de deux braqueurs en cavale dans le restaurant…

Parmi la ribambelle d’ersatz et de néo-westerns bricolés dans l’ombre de Tarantino et des frères Coen, il arrive régulièrement qu’un film indépendant parvienne à faire plus que répéter une succession de codes convenus. Après la bonne surprise LaRoy l’an dernier, c’est aujourd’hui Last Stop : Yuma County qui capte notre regard, avec son mélange détonant de tension, d’humour noir et de plaisir de cinéma. La recette paraît familière : des inconnus se retrouvent bloqués à l’intérieur d’un diner en plein désert d’Arizona. La chaleur est écrasante, le camion de ravitaillement d’essence n’est pas arrivé à l’heure prévue, une suite de civils de passage s’amassent dans le charmant (mais sans climatisation) restaurant tenu par Charlotte (Jocelin Donahue). Un vendeur de couteaux (Jim Cummings), un couple de retraités, deux jeunes tout droit sortis de la Balade Sauvage — et bientôt, un duo d’hommes inquiétants, qui ressemblent fort aux braqueurs activement recherchés dont parle en boucle la radio. La tension grimpe, les masques menacent de tomber. Mais ici, la fameuse “impasse mexicaine” ne fait que déclencher une suite de péripéties de plus en plus étranges.

Écrit, produit et réalisé par Francis Galluppi (qui sera, à la sortie du film aux Etats-Unis, repéré par nul autre que Sam Raimi et signé à la réalisation d’un futur opus de la saga Evil Dead), Last Stop : Yuma County assume dès ses premiers instants ses vagues d’inspirations. Nous sommes dans les figures-clés du néo-western, avec ce qu’elles impliquent d’humour cynique, de violence décomplexée et de répliques affutées pour faire gonfler la tension d’une situation cadenassée d’avance. Galluppi pose ses influences façon catalogue cinéphile avant de montrer, grâce à tous les outils qu’il a à sa disposition, sa maîtrise du suspense et le plaisir avec lequel il installe ses personnages tous plus singuliers les uns que les autres avant de faire parler la poudre. L’écriture du film s’avère alors effilée et donc démesurément plaisante, malgré une baisse de régime dans la dernière demi-heure qui assume les choix radicaux faits à l’intérieur de ce diner.

Le film adopte alors une structure chorale habile, passant d’un point de vue à un autre au fil de la tension dramatique. On entre dans l’histoire avec le discret vendeur itinérant, avant de dériver entre la table des braqueurs, le regard inquiet de Charlotte, le commissariat local ou encore un jeune couple ambitieux et révolté. Last Stop : Yuma County capte notre intérêt par son rythme bien distinct et son suspense savamment distillé grâce aux nombreux éléments narratifs qui jouent avec les codes du genre. En retournant les attentes du spectateur, n’amenant jamais cette impasse là où on le pense, Galluppi peut également se permettre une certaine noirceur thématique dans ses embouchures. Derrière l’humour décomplexé, le ton parfois léger et les personnages en apparence stéréotypés, Last Stop : Yuma County se révèle – quand on s’y attend le moins – plus nihiliste que prévu, faisant planer une atmosphère autodestructrice au-dessus de ce diner où l’on n’arrive parfois plus à différencier les gentils des méchants, et où la justice ne sera en réalité jamais vraiment rendue.

En résulte alors une très sympathique surprise, au casting impeccable et à l’exécution parfaitement jouissive, qui saisit ses codes et ses influences pour retourner la trajectoire de la classique impasse mexicaine. Aussi sauvage et impitoyable que drôle et accessible, Last Stop : Yuma County tient sa promesse avec une exécution redoutable et un script intelligent qui saisit pleinement les embouchures de son registre pour pouvoir naviguer dedans avec une liberté plutôt jubilatoire.

Titre Original: THE LAST STOP IN YUMA COUNTY

Réalisé par : Francis Galluppi