Critiques Cinéma

JOHN MCCABE (Critique)

SYNOPSIS : En 1902, John McCabe arrive à Presbyterian Church, une petite ville de l’Ouest américain, pour ouvrir un bordel. Mme Constance Miller, une prostituée, lui propose son aide et son expérience en échange d’une partie des bénéfices. McCabe accepte, mais le succès de l’établissement fait des jaloux…

Le film de Robert Altman est une fidèle adaptation du roman La Belle Main (McCabe) d’Edmund Naughton, paru en 1959. John McCabe, c’est comme une plongée dans l’utopie sous forme de valse entre deux personnages, coincés en milieu hostile, au plus fort pourtant de leurs aspirations respectives à une forme de liberté. Vouloir vivre sans entrave dans l’Ouest Américain en ce début du 20ème siècle est un véritable impossible. C’est une histoire de contrastes avec McCabe et Miss Miller face au monde. Contrairement à la version originale du scénario proposée par Brian McKay, jugée trop conventionnelle aussi bien par le réalisateur Robert Altman que par son acteur vedette Warren Beatty, C’est aussi un western un peu anti western, et dans l’œil du cinéaste Altman une forme de remise en cause des fondations de l’Amérique. On pourrait y voir une forme de cousinage pas trop éloigné avec l’héritage réel de Sam Peckinpah ou encore La porte du paradis (1980) de Michael Cimino.

Avec John McCabe, c’est comme si le film dans l’inventivité de ses images, sentait la terre, la poussière jusque dans les recoins de chaque plan. Qui plus est avec Warren Beatty dans le rôle-titre, totalement à contre-emploi, qui s’enfonce un coup dans la boue, un coup dans la neige. C’est aussi plusieurs actions dans le même plan, et à nouveau une affaire de contrastes, entre une impression de fluidité dans la mise en scène malgré ce bordel savamment entretenu, aussi bien sur l’aspect formel que sur le fond du récit avec cet établissement qui crée tant de convoitises. Techniquement parlant, le chef opérateur Vilmos Zsigmond utilise un système de caméras sur rails avec intégration de zooms. Une technique qu’il peaufinera ensuite dans le temps, notamment avec Brian De Palma, et les fameux panoramiques souvent utilisés par le cinéaste. Ici, la volonté était celle d’un réalisme poétique qui se ressent pleinement devant l’écran. La photo est sublime et prend aussi totalement le contrepied des classiques du genre.

La musique enivrante de Léonard Cohen (c’est Hugues Auffray pour la VF, et malgré tout l’amour que l’on porte au chanteur français, ici la VO est indispensable !!) se marie avec alchimie et symbiose à ce qui se passe à l’écran. Encore une saisissante histoire de contraste entre les ballades et presque les complaintes empreintes de tendresse du musicien et la violence ordinaire qui se joue à l’écran. L’on comprend mieux quand on sait que c’est cet amour de la musique de Léonard Cohen et toute l’atmosphère si singulière qui a donné envie à Altman de réaliser le film. Rien que pour la complémentarité entre l’image et le son, John McCabe est une expérience sensorielle à nulle autre pareille. Un quasi anti western avec un anti héros et presque même un non cow-boy qu’est ce John McCabe. Pas à l’aise avec un colt dans les mains, c’est un euphémisme, il ne compte pas très vite non plus, dans une scène hilarante avec Miss Miller où il prend une leçon de calcul mental. Il est tout sauf héroïque, si ce n’est dans ce dessein contemporain de l’entrepreneur qui veut juste qu’on le laisse prospérer. Son décalage avec ses pairs est la clé de voute du film tant l’atypisme du personnage crève l’écran. Il est d’ailleurs complètement dépassé par Miss Miller qui mène en réalité l’affaire et s’il est prêt à tout pour elle, cette dernière utilise surtout les moyens financiers importants du candide bonhomme pour faire fructifier leur association. Une femme forte qui domine le héros, dans un univers pourtant impitoyable, on dirait clairement du féminisme d’avant-garde !! Ce que pense réellement Miss Miller la forte face à McCabe le faible s’orientera vers à minima de la tendresse au fil du long-métrage. Une relation passionnante qui rythme la narration.

C’est aussi tout la force de l’authenticité de la reconstitution du village de Presbyterian Church et de ses habitants, aussi bien au niveau des gueules que des mœurs entre l’alcoolisme d’à peu près tout le monde comme seule refuge à la dureté de l’époque, que par le décryptage au scalpel des médiocrités ordinaires des sapiens de cette période. Notons que le tournage ne fut pas de tout repos, ni pour Altman ni pour Beatty, ce dernier, ultra perfectionniste voulant connaître tous les détails de la pensée scénaristique du film et voulant refaire systématiquement toutes les prises, alors que sa partenaire à l’écran comme à la ville, Julie Christie réussissait sans difficulté dès le premier plan. Pour la petite histoire, Altman se vengea lors du tournage de la scène finale qu’il fera recommencer près de vingt-cinq fois à Beatty alors que ce dernier gisait enseveli sous la neige !! Une scène finale assez anthologique qui reprend les codes du western, en semblant les inverser, McCabe tentant surtout la ruse plutôt que la charge au clair pour sauver sa peau… Warren Beatty est impeccable dans le décalage constant qui attrait à son personnage. Il joue les faibles avec force !! Chaque scène est l’occasion pour lui d’approfondir notamment la faiblesse de John McCabe et arrive à créer un lien fort entre le personnage et le public. En femme forte, Julie Christie est une Miss Miller proprement épatante. Son regard, souvent moqueur et dédaigneux face à McCabe est toujours diablement éloquent. Elle adoucira au fur et à mesure cette partition pour un rôle où son engagement irradie la caméra d’Altman. Au final, John McCabe s’apprécie avec beaucoup de bonheur pour son anticonformisme sur le fond et son atypisme dans la forme. Il dit et apporte autre chose ce cette époque et se regarde avec une infinie curiosité qui fait du bien !!

Titre Original: MCCABE & MRS. MILLER

Réalisé par: Robert Altman

Casting:  Warren Beatty, Julie Christie, Rene Auberjonois …

Genre: Drame, Western

Distribué par: Warner Bros. France

EXCELLENT

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