Critiques Cinéma

FENÊTRE SUR COUR (Critique)

SYNOPSIS : A cause d’une jambe cassée, le reporter-photographe L. B. Jeffries est contraint de rester chez lui dans un fauteuil roulant. Homme d’action et amateur d’aventure, il s’aperçoit qu’il peut tirer parti de son immobilité forcée en étudiant le comportement des habitants de l’immeuble qu’il occupe dans Greenwich Village. Et ses observations l’amènent à la conviction que Lars Thorwald, son voisin d’en face, a assassiné sa femme. Sa fiancée, Lisa Fremont, ne le prend tout d’abord pas au sérieux, ironisant sur l’excitation que lui procure sa surveillance, mais finit par se prendre au jeu…

En 1954 Sir Alfred Hitchcock est déjà un réalisateur de renom avec des réalisations telles que L’Inconnu du Nord-Express, Le crime était presque parfait ou encore La corde. Mais c’est véritablement en cette année 1954 qu’il sera propulsé au rang de maitre incontesté du suspense avec son dernier film en date Fenêtre sur cour. Les années qui suivront ne feront que confirmer cela et assouviront la légende Alfred Hitchcock avec (notamment) des chefs-d’œuvre tels que Sueurs froides, La main au collet, Psychose et Les oiseaux. La genèse de ce film prend vie lorsque son agent Lew Wasserman signe un contrat de 9 films avec Paramount. Il est convenu que le premier de ces films soit l’adaptation de It Had to be a Murder, une nouvelle de William Irish extraite de son livre After-Dinner Story (1944). Pour écrire le scénario, Hitchcock fait appel à John Michael Hayes, un ancien journaliste. Fenêtre sur cour était né. Une fois les bases posées, il ne restait plus qu’à trouver le casting, chose qui fut assez rapide car Hitchcok avait déjà une idée précise, il voulait s’entourer de James Stewart qu’il a déjà dirigé dans La corde et de Grace Kelly qu’il avait également dirigée dans Le crime était presque parfait. Les principaux seconds rôles furent attribués à Thelma Ritter et Raymond Burr.

L’histoire qui se déroule à New York nous dépeint un photographe de presse reconnu confiné dans son appartement avec une jambe cassée du nom de Jeff Jefferies (Stewart). Obligé de rester dans son fauteuil pendant plusieurs semaines à cause de son accident, il ne sait pas quoi faire de ses journées, il reçoit tous les jours la visite de son infirmière Stella (Thelma Ritter), ainsi que de sa petite amie Lisa Fremont (Kelly) qui le met constamment sous pression pour qu’il s’engage dans une relation sérieuse. La seule chose qui le divertit tout au long de la journée est d’observer ses voisins, l’été chaud et humide, oblige les habitants à laisser leurs volets et fenêtres grand ouvertes. Il devient un véritable voyeur en espionnant les gens, il passe de longues heures à les observer et devient obsédé par leur vie, il commence à les suivre dans leurs actions et leurs luttes quotidiennes, avec passion et curiosité, ce passe-temps innocent devient une véritable obsession. Peu à peu, il commence même à suspecter l’un de ces voisins Lars Thorwald (Raymond Burr) de s’être débarrassé de sa femme et, dès lors, il tente d’amener Lisa, Stella et Wendell Corey (un copain policier à lui) à partager ses craintes.

C’est l’un des films les plus audacieux techniquement que le réalisateur ait jamais réalisé, à commencer par l’attrait principal du film qui réside dans la façon de filmer du cinéaste, ce qui fut à la fois une difficulté et une prouesse. Tout comme dans La Corde, le film est presque entièrement tourné dans un espace réduit, l’appartement du photographe, qui surplombe la cour et l’immeuble d’en face. C’est un impressionnant décor et le plus grand jamais construit (à l’époque) pour la Paramount, il représente un immeuble de Greenwich Village dans les moindres détails. Et qu’il est important ce décor, car ici, chaque scène ne peut être vue que depuis le fauteuil roulant de Stewart, les autres habitants de l’immeuble d’en face sont vus en action depuis cette fenêtre. Lorsque le film doit nous montrer une personne en particulier, Jeff sort ses jumelles de photographe ou l’objectif télescopique de son appareil photo pour obtenir un plan plus rapproché. L’autre force est la vue opposée, celle qui pointe vers l’appartement de Stewart, nous permettant de l’observer et surtout Hitchcock se sert de ces gros plans sur le visage de son acteur pour transmettre le plein d’émotions. Il utilise le visage de Stewart comme pierre angulaire de son style visuel, et ce depuis son amusement à faire du voyeurisme face à des scènes en apparence anodines, jusqu’à sa terreur impuissante. Généralement, Hitchcock utilise une bande sonore puissante pour créer une forte tension dans les moments choisis. Ici il utilise la musique pour générer un sentiment de communauté et de joie au sein du quartier, son réalisme sonore est implacable et la production arrive à immiscer de manière incroyable des bruits de rue et des jacassements inarticulés de gens éloignés, le tout recouvert pas l’excellente musique de Franz Waxman.

Les actions des voisins, qui semblent secondaires au premier abord, deviennent partie intégrante de l’histoire. Nous commençons inconsciemment à nous intéresser à leur vie, les histoires vues de loin sont parfois comiques, dramatiques et touchantes. Miss Torso (Georgine Darcy) est délicate en célibataire endurcie, on éprouve une grande tristesse pour Miss Lonely Hearts (Judith Evelyn) tandis que les actions des jeunes mariés Rand Harper et Harry Davenport nous font sourire. Sans oublier Ross Bagdasarian le compositeur, Sara Berner et Frank Cady, un couple avec leur petit chien. Presque toutes leurs histoires sont définies en termes de relations amoureuses entre les jeunes mariés, ceux qui cherchent l’amour et d’autre qui se séparent. Le voyeurisme de Jeff est, en fin de compte, l’exercice qui lui permet de réfléchir aux différentes façons dont sa vie pourrait se dérouler, en fonction des engagements et des choix qui s’offre à lui par rapport à sa relation avec Lisa. Tous les grands films d’Hitchcock sont d’une précision impitoyable, celui-ci ne déroge pas à la règle en témoigne son plan d’ouverture, un mouvement de suivi très long et sinueux qui parcourt toute la cour, passant du temps à se concentrer sur chacun des six appartements avant de virevolter vers l’appartement de Jeff. La caméra nous fait découvrir l’histoire à travers des symboles très bien choisis : un appareil photo mutilé, une photographie d’une voiture de course, une jambe dans le plâtre, un négatif de Grace Kelly. Sans une seule ligne de dialogue, nous savons tout ce que nous devons savoir sur ce qui nous a amené à ce point, qui est Jeff et qui est Lisa. Même s’il a déjà réalisé de très grands films avant et qu’il en fera d’autre après, Fenêtre sur cour représente le film qui prouve qu’Hitchcock peut partir d’un principe simple et le transformer en un film à la fois accessible à un public de masse et suffisamment profond pour nous offrir un thriller typique plein de maitrise qui démontre encore une fois qu’il est réellement le maitre du suspense.

Titre Original: REAR WINDOW

Réalisé par: Alfred Hitchcock

Casting:  James Stewart, Grace Kelly, Wendell Corey…

Genre: Policier, Thriller

Sortie le: 25 avril 1955

Distribué par: –

TOP NIVEAU

Laisser un commentaire