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SYNOPSIS ; Un maire libéral et une scientifique mettent en place un programme de réinsertion révolutionnaire avec l’objectif de fermer la prison de la ville et de réintégrer les détenus dans la société. Scientifiques, travailleurs sociaux et politiciens sont à l’œuvre. De retour en ville, les prisonniers doivent faire face aux préjugés et aux échecs. Les habitants, les victimes et leurs familles oscillent, eux, entre désir de pardonner et besoin de justice.
Créée par Alexander Lindh et Laurent Mercier, le pitch de Un monde meilleur est sur le papier très alléchant. A l’heure du tout punitif et d’une cruelle absence de nuances, la solution proposée ici propose une radicalité en parfaite opposition avec la volonté contemporaine de tout criminaliser. Si c’est alléchant sur le papier, le résultat à l’écran est saisissant de justesse !! Une série sous forme de véritable bombe tant elle vient susciter des questionnements perforants sur notre fonctionnement en société. Un monde meilleur vient interroger, sans manichéisme ou dogme la porosité entre le bien et le mal, entre la victime et le coupable et c’est ainsi toute notre morale collective très souvent à géométrie variable, qui va ici être disséquée.

En plus de son indéniable et très prenant aspect réflexif, Un monde meilleur adopte les codes sériels comme on les aime, en nous faisant vivre les histoires chorales toutes aussi passionnantes les unes que les autres, personnages centraux comme secondaires, des victimes, coupables, population non concernée, et un soin particulier dans les interactions. Toujours à juste distance, en ne se privant pas pour autant d’empathie. Fortes émotions et immense intelligence réunis dans la même série ! Sans déflorer, ce qui est assez saisissant dans Un monde meilleur est qu’au final, le problème ne va pas tant être les coupables dans le risque de récidive ou les victimes dans l’envie de vengeance, mais tout le reste de la population. Alimenté tel de la confiture à des cochons par le pouvoir délétère des médias, particulièrement l’hystérie des chaînes infos en continu pour lesquelles la quantité vient bien supplanter la qualité et la parfaite complétude de ladite info. Ainsi abreuvés en toxicité, c’est la hurlante bêtise de la vindicte populaire sous sa robe le plus crasse qui va venir clouer au pilori, avant même d’avoir une info un tant soit peu fiable. C’est bien le culte du fait divers, de l’émotion qui prend le pas sur la réflexion, niant ici leur pourtant évidente complémentarité. La courte vue qui écrase l’analyse et où la parole d’un youtubeur (on en voit dans la série) vaut plus que celle d’un expert. Un monde meilleur, c’est aussi cette anthropologie salutaire de nos universelles, vertigineuses et angoissantes médiocrités !

Et précisément, une des puissantes forces de Un monde meilleur est qu’elle nous amène constamment sur le chemin de la complexité, de la nuance et même du doute parfois sur nos propres croyances. L’humilité étant la fille préférée de l’intelligence, on est avec cette série au cœur d’une rationalité qui disons-le, fait un bien fou en ces temps de tromperies universelles comme dirait Georges. On y trouve aussi de véritables moments de grâce, comme les presque trop rares séquences à si forte dimension humaine de justice restaurative, qui feront bien sûr penser au très prenant Je verrai toujours vos visages (2023) de Jeanne Herry. Et puis, Un monde meilleur, c’est une profonde réflexion sur le courage en politique, sur le fait de donner raison à une foule hurlante, juste car elle est foule. Ou comment des citoyens » bien sous tous rapports » passent à l’acte, gonflés par la certitude et le nombre. La série trace cette ligne entre le bien le mal en déployant l’invisibilité de ce trait tant les frontières sont bien plus infimes qu’il n’y paraît. Avec toujours qui revient la bêtise folle de la foule, le bon peuple qui aurait forcément raison. Crier plus fort pour se faire entendre, c’est vieux comme le monde. Et pourtant ce que semble nous dire Un monde meilleur est que c’est la fin de la justice si les hommes se font justice eux-mêmes. Un peu comme un épisode de l’excellent Fluide glacial où l’on apprend qu’une météorite va ravager la terre, info finalement démentie deux heures après, mais l’humanité, sure de sa perte aura tellement semé le chaos, que la fin du monde arrive vraiment !!

Un monde meilleur parle de l’accompagnement des plus stigmatisés, de la lutte contre l’ancrage, les stéréotypes, qui laissent imaginer que s’il y a des mauvais, alors » on » doit être du bon côté. Le confort de la bonne conscience, les lâchetés ordinaires, les mensonges à soi-même. Quand le sage désigne la lune, l’idiot regarde le doigt. Tout est qualité dans Un monde meilleur, et le casting n’échappe pas à la règle. Maria Hofstätter dans le rôle de Pétra porte en elle une utopie, avec un brin de fantaisie, qui vient comme tout dédramatiser. Une interprétation tout en fraîcheur et en optimisme. Valeurs partagées par son binôme en somme, Steven Sowah, qui incarne à lui seul dans le rôle du maire, une forme d’effritement du courage politique. On notera aussi Richard Sammel bien flippant à souhait. Et on adorera surtout le couple contemporain iconique formé par Eva et Mark dans la série. Katharina Schüttler semble aussi engagée que son personnage, pour laquelle elle fait vivre avec une remarquable authenticité toutes les aspérités. Johannes Kienast lui rend pleinement la partition, tant son combat malgré les fêlures est poignant. Un monde meilleur, série d’utilité publique quand on sait déjà depuis des décennies que le tout carcéral non seulement ne fonctionne pas mais demeure la meilleure école du crime, et qui vient donc proposer une alternative, mais jamais béatement, car avec tout son lot de problèmes. Et même si on a envie de crier ou de pleurer parfois, la série semble porter un espoir, que oui demain un monde meilleur est possible !
Crédits : Canal+
Catégories :Critiques Cinéma








































































































































