Critiques Cinéma

STARSHIP TROOPERS (Critique)

SYNOPSIS : Au XXIVe siècle, une fédération musclée fait régner sur la Terre l’ordre et la vertu, exhortant sans relâche la jeunesse à la lutte, au devoir, à l’abnégation et au sacrifice de soi. Mais aux confins de la galaxie, une armée d’arachnides se dresse contre l’espèce humaine et ces insectes géants rasent en quelques secondes la ville de Buenos-Aires. Cinq jeunes gens, cinq volontaires à peine sortis du lycée, pleins d’ardeurs et de courage, partent en mission dans l’espace pour combattre les envahisseurs. Ils sont loin de se douter de ce qui les attend.

Starship Troopers se déroule dans un futur lointain, où l’humanité a commencé à coloniser des mondes au-delà des frontières de notre galaxie. Dans son expansion, la Terre provoque involontairement une espèce d’extraterrestres insectoïdes, jusqu’alors pacifique, qui finit par riposter violemment, percevant avec justesse l’humanité comme une menace. Mais au lieu de reconnaître cette réponse comme un acte de légitime défense, les dirigeants humains l’interprètent comme une agression supplémentaire et mobilisent leurs forces armées à l’échelle planétaire, précipitant ainsi l’humanité dans une guerre interstellaire où l’ennemi est largement désavantagé technologiquement. Jon Davison (Robocop, Airplane), souhaitait développer un nouveau projet qui réunirait son équipe créative de Robocop, notamment le scénariste Edward Neumeier et l’animateur en stop motion Phil Tippett (Robocop, Jurassic Park). Au fil des années, Neumeier et son co-scénariste Michael Miner avaient rencontré des difficultés à élaborer de nouvelles idées de scénario. Réalisant que leur collaboration n’était plus aussi fructueuse, Neumeier a décidé de travailler seul sur un traitement intitulé Bug Hunt at Outpost 7. Ce projet visait à créer un film de guerre à la fois comique, patriotique et teinté de xénophobie, opposant des héros à des insectes—un choix inspiré par la peur des insectes de sa femme—le tout sur fond de romance adolescente. Conscient des ressemblances entre le scénario de Neumeier et le livre de science-fiction de Robert Heinlein, le producteur Jon Davison a suggéré d’aligner le script plus étroitement avec le roman afin d’attirer davantage l’attention des responsables de studios. Le budget prévu pour le film était de 100 à 110 millions de dollars, dont près de la moitié aurait été consacrée aux effets spéciaux, tant en images de synthèse qu’en effets pratiques, nécessaires pour donner vie aux créatures arachnides.

Starship Troopers dépeint une société ultra-militariste où la Terre est gouvernée par une Fédération des Citoyens Unis, un régime stratocratique fondé des générations plus tôt par des « vétérans » après que la civilisation a été amenée au bord de la ruine par « la démocratie et les sciences sociales ». La citoyenneté y est exclusivement acquise par le service militaire qui seul confère le droit de vote ou celui d’avoir des enfants refusés aux civils ordinaires. Cette société évoque Sparte, mais sert évidemment de métaphore des États-Unis et son complexe militaro-industriel. La satire du militarisme de droite, du complexe militaro-industriel, de la violence réactionnaire et du chauvinisme américain est si pertinente qu’elle fait de Starship Troopers, à l’instar de Robocop, un film véritablement prophétique. Un attentat massif sert de prétexte à une guerre qui s’achève par la traque d’un cerveau, illustrée ici par des attaques dans une série de grottes. Starship Troopers semble refléter des événements futurs, tels que les attentats terroristes du 11 septembre 2001 et les actions subséquentes du gouvernement américain du président George W. Bush, pour convaincre le peuple américain de renoncer à certaines libertés dans le cadre de la guerre contre le terrorisme et de la lutte contre leurs ennemis. Sa satire prémonitoire du fascisme mais aussi de la nature de la propagande, des médias et du spectacle n’a fait, hélas, que gagner en pertinence.

Comme beaucoup de ses films, Starship Troopers est inspiré par les expériences d’enfance de Paul Verhoeven dans les Pays-Bas occupés par l’Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale. Les observations qu’il y a faites ont marqué sa vision cynique de l’humanité et des mécanismes fascistes. Il s’est ainsi saisi de l’intrigue de base de Robert A. Heinlein, un auteur qu’on peut qualifier de néofasciste, pour satiriser et remettre en question les thèmes du livre en déconstruisant les concepts de totalitarisme, de fascisme et de militarisme. Contrairement au roman, qui glorifie l’engagement militaire et le devoir patriotique, le film se moque ouvertement de ces notions, en les poussant à l’extrême pour mieux en révéler l’absurdité. Verhoeven lui-même a déclaré n’avoir lu que les premiers chapitres du roman avant de trouver l’idéologie de Heinlein trop nauséabonde pour continuer sa lecture. Le film inverse alors la perspective du livre : ce qui y était présenté comme une société idéalisée devient dans le film une dystopie effrayante où l’endoctrinement est total. Le hollandais violent et son scénariste transforment le cadre de science-fiction classique du roman notoirement militariste en utilisant des archétypes empruntés aux séries pour adolescents et à la fiction pour jeunes adultes. Cette approche sape le ton sérieux et belliqueux de l’œuvre originale.

Starship Troopers débute par une publicité de recrutement diffusée sur le Réseau Fédéral, qui se révèle rapidement être la télévision fasciste d’un futur dystopique. Inspirée des séquences de Triumph of the Will (1935), le célèbre film de propagande nazie de Leni Riefenstahl, cette publicité reprend même le fameux slogan : « Je fais ma part ! ». On y voit des légions de jeunes soldats s’engager avec enthousiasme à « faire leur part » en rejoignant l’infanterie mobile. L’écran bascule soudainement pour montrer un « météore de cafards » anéanti par les systèmes de défense intergalactiques. Cette séquence d’actualités plonge le spectateur dans l’univers du film, offrant un aperçu de cette société dystopique du futur tout en établissant un parallèle avec notre présent. À l’instar de Robocop, Starship Troopers est ponctué de modules informatifs du FedNet, illustrant la vision de Neumeier sur la fusion future de la télévision et des ordinateurs. Selon Neumeier, les personnages de Starship Troopers sont des « fascistes qui ne sont pas conscients de leur fascisme ». La propagande diffusée sur le FedNet utilise des exemples extrêmes pour satiriser le gouvernement, comme des enfants brandissant des armes ou écrasant des cafards sous le regard approbateur d’un adulte. Les symboles évoquant le régime nazi allemand et le Parti national fasciste italien sont omniprésents dans le film. L’iconographie des forces armées rappelle celle de la Wehrmacht, tandis que le drapeau de la Fédération des Citoyens Unis arbore un aigle semblable à l’emblème nazi, et les uniformes des officiers évoquent ceux de la Gestapo. L’utilisation de ces représentations du Troisième Reich et de ses dispositifs de propagande vise à montrer que ces mécanismes perdurent et sont réutilisés au fil du temps. Verhoeven a souhaité réunir un casting incarnant visuellement l’idéal aryen de la beauté, tel qu’il l’avait perçu dans les films de propagande nazie. En choisissant des acteurs très jeunes, Starship Troopers partage des similitudes avec Top Gun (1986), un film d’action mettant en scène de jeunes pilotes de la marine américaine, forts et séduisants, affrontant un ennemi indistinct et véhiculant un message patriotique et pro-militaire tout aussi triomphaliste. Bien que les acteurs de télévision soient souvent négligés lors des castings pour le cinéma, la production a puisé dans des séries comme Melrose Place et Beverly Hills, 90210, qui mettaient en avant de jeunes acteurs photogéniques mais moins connus, tels que Casper Van Dien, Denise Richards et Dina Meyer. (Mark Wahlberg et Matt Damon ont également passé des auditions, mais Verhoeven a estimé que Van Dien correspondait parfaitement à l’esthétique de Riefenstahl.) Verhoeven a complété le casting avec des visages plus âgés, comme Clancy Brown (Highlander) dans le rôle du Sergent Zim, un instructeur de tir « rugueux, macho, patriote et finalement admirable ». Pour sa performance, Brown s’est inspiré des archétypes d’instructeurs militaires présents dans des films comme Full Metal Jacket (1987) et a également reçu des conseils de Dale Dye, un ancien capitaine des Marines. Verhoeven, grand fan de Michael Ironside, avait déjà tenté de le caster dans Robocop et lui avait confié un rôle central dans Total Recall. Dans Starship Troopers, le personnage de Jean Rasczak, interprété par Ironside, apparaît dès le début pour donner le ton du film et devient un élément crucial de la séquence de l’attaque du fort. Cette séquence, intense et mémorable, rend hommage à des films classiques comme Alamo et Zulu de Cy Endfield, où des groupes de soldats assiégés luttent désespérément pour leur survie face à un ennemi supérieur en nombre. On retrouve également Dean Norris, qui avait déjà un petit rôle de mutant dans Total Recall.

Avec Starship Troopers, Verhoeven tente une combinaison de genres étrange, qui n’avait jamais été réalisée auparavant et qui ne l’a pas été depuis : celle du soap opera adolescent et du film de guerre ultra-violent. La première moitié du film suit nos personnages principaux (interprétés par Casper Van Dien, Dina Meyer, Denise Richards, Jake Busey et Neil Patrick Harris) alors qu’ils traversent le processus de formation des recrues et s’apparente à un soap-opera avant de basculer dans le film de guerre. Les relations sentimentales mièvres sont en contraste avec la violence extrême des combats où les jeunes engagés à la beauté de mannequins (mention spéciale à la jeune Denise Richards) sont réduits en pièces par les armées arachnides. Les personnages principaux sont dépeints comme mesquins et stupides, mais la véritable ironie du film réside dans le fait que Rico, bien que peu intelligent, devient l’idéal du citoyen et l’outil parfait pour la guerre, abandonnant ainsi toute aspiration personnelle en dehors de la vie militaire. Cette conclusion vise à désamorcer tout sentiment résiduel d’héroïsme et de bravoure : on y voit nos protagonistes, ayant échappé de justesse à la mort lors d’une mission quasi suicidaire, repartir au combat dans une vidéo de recrutement glorifiée. Cela suggère que dans la guerre, la seule récompense pour une bataille bien menée est la perspective de nouvelles batailles. Malgré son ton satirique et son message subversif, Starship Troopers ne néglige pas l’aspect spectaculaire et monumental propre aux grandes productions de science-fiction et de guerre. Paul Verhoeven, entouré de techniciens aguerris, parmi lesquels Jost Vacano (Das Boot, Total Recall), son fidèle directeur de la photographie, le réalisateur de la seconde équipe et coordinateur des cascades Vic Armstrong (Indiana Jones et le Temple maudit, Superman), le monteur Mark Goldblatt (Terminator, Commando) orchestre des batailles épiques où des milliers de soldats affrontent des vagues incessantes d’arachnides géants dans des décors désertiques évoquant les westerns et les films de guerre classiques. La scène du débarquement sur Klendathu, avec son rythme effréné et sa mise en scène immersive, rappelle autant le Débarquement de Normandie dans Il faut sauver le soldat Ryan que les assauts démesurés de Aliens de James Cameron. Les effets spéciaux révolutionnaires, combinant images de synthèse et animatroniques, donnent aux combats une intensité viscérale. Chaque explosion, chaque membre arraché, chaque jet de plasma des insectes est capté avec un souci du détail qui renforce l’impact visuel du film. Le gigantisme des créatures et l’ampleur des conflits renforcent le sentiment d’impuissance des soldats face à un ennemi supérieur en nombre. Le score épique de Basil Poledouris (Conan the Barbarian, RoboCop) accentue encore cette dimension grandiose, sublimant l’absurdité tragique de cette guerre sans fin. Malgré tout certaines séquences finissent par lasser : les créatures extraterrestres, dénuées de personnalité, de culture ou de langage identifiable, ne sont que de fades symboles idéologiques errant sur des planètes sans grand intérêt. Dans RoboCop, les flashs d’informations sont diégétiques, intégrés à l’univers du film, marquant la frontière entre parodie et récit. Paul Verhoeven étend ce dispositif à l’ensemble de Starship Troopers, qui se présente comme un film de propagande issu de cet univers, plutôt qu’un simple récit s’y déroulant. Ce refus d’affirmer explicitement le caractère satirique du film a conduit de nombreux critiques à le considérer comme pro-fasciste. Un éditorial du Washington Post est même allé jusqu’à affirmer qu’il avait été réalisé, écrit et produit par des nazis. Cependant, la critique a depuis largement réévalué cette perception, bien que certains estiment encore que le commentaire satirique du film était souvent indiscernable de la promotion de l’utopie fasciste qu’il prétendait critiquer. Conclusion : Avec Starship Troopers, Verhoeven clôture sa trilogie SF sur le totalitarisme : totalitarisme économique du néolibéralisme dans Robocop, totalitarisme colonial dans Total Recall et totalitarisme militaire ici. Starship Troopers oscille entre la satire de guerre et le spectacle éblouissant du film de science-fiction. Ultra-violent, il parvient à être à la fois divertissant et dérangeant. Il épouse tous les codes hollywoodiens tout en les dynamitant un à un. Du pur Verhoeven, sans filtre !

Titre Original: STARSHIP TROOPERS

Réalisé par : Paul Verhoeven

Casting : Casper Van Dien, Dina Meyer, Denise Richards…

Genre: Action, Science Fiction, Guerre

Sortie le: 21  janvier 1998

Distribué par: Gaumont Buena Vista International (GBVI)

EXCELLENT

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